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Animaux

Le trafic d'espèces protégées profite à la grande criminalité

Le parc national de Hwange abrite de nombreux éléphants, peût trop vu les réserves d'eau du Zimbabwe.

Le parc national de Hwange abrite de nombreux éléphants, peût trop vu les réserves d'eau du Zimbabwe. - -

Le trafic est en expansion, la vente illicite d'ivoire a plus que doublé depuis 2007.

Fourrure de tigre, corne de rhinocéros, ivoire d'éléphants ou bile d'ours: le trafic illégal d'espèces protégées est une activité non seulement en expansion, mais désormais liée à des organisations criminelles - mafias, milices, rébellions - qui financent ainsi leurs activités, dénonce un rapport de l'ONG Ifaw.

"Le commerce illicite d'espèces sauvages s'est transformé en une véritable industrie", écrit l'Ifaw (Fonds international pour la protection des animaux) qui évalue dans son rapport publié jeudi à au moins 19 milliards de dollars (14,2 milliards d'euros) le montant annuel de ces échanges illégaux. Loin d'être freiné, ce type de fraude progresse, pour l'ivoire notamment dont la vente illicite a "plus que doublé depuis 2007", estime l'ONG, qui a récemment conclu un partenariat avec Interpol.

Les réseaux de grandes mafias

Selon Ifaw, "ce commerce prolifère sans difficultés grâce au commerce légal parallèle d'espèces sauvages, à internet, au flou des lois sur le commerce d'espèces sauvages et à l'absence de lutte contre la fraude". Le commerce légal des espèces sert parfois de support à la vente illégale via des mélanges dans les cargaisons ou des documents falsifiés. Très lucratif, ce trafic est désormais le fait d'organisations criminelles, avance l'Ifaw qui veut interpeller la communauté internationale sur les conséquences pour la sécurité des pays, au-delà du danger pour la survie des espèces protégées.

"La plupart des experts s'accordent sur le fait que ce commerce illicite à grande échelle nécessite les réseaux et les compétences des grandes mafias pour réussir", souligne l'ONG. Ifaw cite par exemple le marché noir de l'ivoire, dont 40 tonnes ont été saisies en 2011, un record. "Seule une machinerie criminelle bien huilée peut transporter des centaines de kilos d'ivoire d'un bout à l'autre du monde dans une relative impunité", estime l'association. Le phénomène "compromet sérieusement la sécurité des rangers (gardes forestiers,) mais aussi celle de communautés et de régions entières", s'alarme Ifaw, qui a recensé au cours des dix dernières années 1.000 éco-gardes morts face aux trafiquants dans 35 pays.

Selon le rapport, "l'ivoire, comme les diamants dans d'autres conflits africains, pourrait financer de nombreux groupes rebelles en Afrique, y compris la LRA (rébellion ougandaise), les shebabs de Somalie et les djandawids du Darfour". "Des forces gouvernementales du Congo, de l'Ouganda et du Sud-Soudan ont également été impliquées dans le braconnage et le commerce illicite d'espèces sauvaunges", poursuit l'ONG.

Plus de valeur que l'or

Selon Céline Sissler-Bienvenu, directrice France et Afrique francophone d'Ifaw, "des produits comme la corne de rhinocéros et la bile d'ours valent parfois plus que l'or ou la cocaïne (...) rien d'étonnant donc à ce que les milices et autres rebelles lourdement armés tuent des animaux menacés d'extinction pour financer leurs activités". "Ce rapport montre que le trafic d'espèces sauvages est aussi alarmant que le trafic de drogues, d'armes ou d'êtres humains", poursuit la responsable France.

Pour endiguer ce commerce illicite, l'ONG appelle à "un plan d'action à l'échelle de l'Union européenne similaire à ceux mis en oeuvre pour lutter contre des autres formes de criminalité". La lutte contre ce type de fraude passe aussi par une sensibilisation des consommateurs. "Un tiers des saisies d'ivoire illégal a eu lieu au sein de l'UE, qui serait l'un des principaux marchés destinataires de produits illicites dérivés d'espèces sauvages", déplore Céline Sissler-Bienvenu.

Et l'ONG de rappeler quelques sombres chiffres: en dix ans, 11.000 éléphants ont été tués dans le seul parc national du Minkeke au Gabon, faisant chuter de 62% la population de cette espèce; en 2012, un nombre record de rhinocéros ont été victimes de braconnage en Afrique du Sud, soit 50% de plus qu'en 2011; et en 2013 dans ce pays, 201 de ces animaux ont été tués rien que dans le célèbre parc Kruger.

A.D. avec AFP