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Suicide de Dinah: l'affaire classée sans suite par le parquet de Mulhouse

Une jeune femme dépose des fleurs près du portrait de Dinah, à l'occasion d'une marche blanche en la mémoire de la jeune fille, qui s'est suicidée début octobre, le 24 octobre 2021 à Mulhouse (Haut-Rhin). (Photo d'illustration)

Une jeune femme dépose des fleurs près du portrait de Dinah, à l'occasion d'une marche blanche en la mémoire de la jeune fille, qui s'est suicidée début octobre, le 24 octobre 2021 à Mulhouse (Haut-Rhin). (Photo d'illustration) - Frederick FLORIN © 2019 AFP

La jeune fille de 14 ans était victime de harcèlement scolaire selon sa famille. Mais pour le parquet, sa mort n'est pas le résultat de cela.

L'enquête pour harcèlement scolaire dans le suicide de la jeune Dinah Gonthier, 14 ans, en octobre 2021 à Mulhouse (Haut-Rhin) a été classée dans suite, a annoncé ce vendredi la procureure de la République de Mulhouse.

"Pour le parquet, la mort de Dinah n'est pas consécutive à un harcèlement scolaire" contrairement à ce qu'avait affirmé sa famille, a expliqué Edwige Roux-Morizot lors d'une conférence de presse.

La magistrate s'est exprimée avec beaucoup de prudence et de sensibilité, semblant peser chacun de ses mots concernant "la plongée dans l'intimité" de cette jeune fille, rendue nécessaire par les deux enquêtes pour recherche des causes de la mort et pour harcèlement scolaire. La famille quant à elle, maintient que Dinah en a bien été victime.

"Un déséquilibre psychique"

Après une première tentative de suicide en mars 2021, Dinah, scolarisée en classe de seconde, avait été trouvée pendue au domicile familial de Kingersheim, près de Mulhouse, dans la nuit du 4 au 5 octobre.

Le parquet de Mulhouse avait ouvert deux enquêtes pour harcèlement et recherche des causes de la mort.

"Il y a eu en effet certaines insultes, mais auxquelles elle répondait sans difficulté, mais il y a eu surtout une souffrance de quitter un groupe qu'elle formait avec un certain nombre d'amies" en classe de 3e, a expliqué la procureure de Mulhouse.

"Il y a eu (entre son nouveau groupe d'amies et l'ancien) des échanges un peu houleux qui ont rendu notamment Dinah très malheureuse, mais aucun élément objectif ne ressort qui puisse être qualifié de harcèlement", a-t-elle ajouté.

L'enquête menée, "objective, exhaustive, impartiale et très complète" selon Edwige Roux-Morizot, avec au total une centaine de personnes entendues, a dressé un portrait de Dinah comme une "jeune fille brillante, absolument pas isolée", mais aussi avec un côté sombre, "une personnalité complexe, avec un déséquilibre psychique", éternellement insatisfaite.

Par ailleurs, la jeune fille n'était "pas du tout insultée en raison de son orientation sexuelle" ni de son métissage, a également souligné la procureure.

Possible recours

La famille de Dinah avait porté plainte en novembre 2021 pour "harcèlement", "homicide involontaire" ou encore "incitation au suicide", pour des faits qui se sont déroulés entre 2019 et 2021, quand Dinah était en classe de 4e et de 3e. Elle accusait le collège de ne pas avoir réagi à la situation.

L'avocate de la famille de Dinah, qui a "une lecture différente" du dossier, a encore la possibilité de déposer un recours auprès du procureur général ou de déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès d'un juge d'instruction. La procureure a précisé ne pas connaître les intentions de la famille pour le moment.

"On va y réfléchir tranquillement", a indiqué à l'AFP Me Laure Boutron-Marmion, qui d'ores et déjà "conteste formellement" les conclusions du parquet.

Cette annonce de classement sans suite est "évidemment décevante" pour la famille de Dinah, pour laquelle cela constitue "une épreuve supplémentaire, surtout à quelques jours de l'anniversaire de sa mort", a rapporté l'avocate.

"L'enquête démontre des faits de harcèlement clairs"

Me Boutron-Marmion dénonce, de la part du parquet, une "lecture vindicative du dossier", alors qu'au contraire, selon elle, "l'enquête démontre des faits de harcèlement clairs".

"Beaucoup d'auditions ont pu confirmer le calvaire que vivait Dinah" et, "à ce stade, l'enquête démontre un établissement scolaire aux abonnés absents face à sa détresse", affirme l'avocate de la famille, jugeant que "le parquet met le curseur différemment" sur ce qu'est du harcèlement.

Elle a fait parvenir mercredi une demande d'actes d'enquête supplémentaires, notamment l'exploitation du téléphone de Dinah au moment où elle était en classe de 3e.

Edwige Roux-Morizot a expliqué avoir choisi de communiquer de manière plutôt inhabituelle, sur un classement sans suite, "dans la mesure où un collège en entier a été stigmatisé et l'équipe éducative nommément désignée".

La procureure a d'ailleurs annoncé qu'"un militaire, qui habite à l'autre bout de la France", et une autre personne résidant à Dijon, qui avaient proféré sur les réseaux sociaux des menaces de mort visant des personnels du collège de Dinah, avaient été identifiés et seraient jugés par le tribunal correctionnel en mars.

S.B.-E. avec AFP