BFM Alsace
Alsace

Le barreau de Strasbourg dit non à la féminisation des noms "avocat" et "bâtonnier"

La prise de position du barreau de Strasbourg sur l'utilisation des termes "avocate" et "bâtonnière" dans le règlement intérieur du Conseil de l'Ordre crée la polémique.

Il n'y a pas d'avocate selon le barreau de Strasbourg. Le Conseil de l'Ordre alsacien a émis un avis défavorable quant à la féminisation des termes "avocat" et "bâtonnier".

Son avis avait été demandé par le conseil national des barreaux qui souhaite réformer le règlement intérieur national pour introduire la possibilité aux avocates de se faire appeler telles quelles ou "bâtonnière". Des consultations ont ainsi été faites auprès des différents syndicats et barreaux dont celui de Strasbourg, qui s'y oppose. Selon le compte-rendu du conseil cité par le Syndicat des avocats de France, relayé par les DNA, le barreau de Strasbourg justifierait sa décision notamment par la non-conformité du terme "avocate" dans les juridictions étrangères à la France et le fait que "l’égalité consisterait à ne pas faire de distinction".

55% des avocats sont des femmes

Cette prise de position a été déplorée par de nombreuses avocates comme Nathalie Goldberg, présidente de la section locale du Syndicat des avocats de France, invitée de BFM Alsace.

"C'est surprenant ici à Strasbourg alors qu'il y a un usage depuis des dizaines d'années. Les avocats n'ont jamais eu de problème pour signer ou poser leur plaque avec leur titre féminisé." Pour montrer son mécontentement, elle a ajouté un "e" en lettre majuscule sur sa plaque devant son cabinet.

Elle déplore le choix du barreau alors qu'au sein du monde judiciaire, tout le monde les désigne comme avocate et qu'il s'agit d'un usage courant à faire inscrire légalement.

"Il s'agit seulement d'intégrer la diversité, la sociologie de notre profession, l'usage qui est déjà utilisé depuis plusieurs décennies. On est en décalage avec un fait social majeur", dénonce Nathalie Goldberg.

En France, les femmes sont majoritairement représentées dans la profession à 55% pour celles inscrites au Conseil national des barreaux et 70% pour les étudiantes.

Une décision anecdotique?

Selon Déborah Zouari, avocate membre du Conseil de l'Ordre de Strasbourg, le choix ne portait que sur l'inscription au règlement intérieur et non "savoir si on est pour ou contre la féminisation des termes, ça j'aurais voté pour", assure-t-elle.

"On est des femmes, on a dû lutter énormément pour notre liberté et faire ce dont on a envie, déclare Déborah Zouari. J'estime que je n'ai pas à avoir besoin qu'on me dise que je peux le faire."

Même si l'avis du barreau strasbourgeois reste consultatif, cela remet en avant les discriminations subies par les femmes. Kaoutar Choukour estime en avoir fait les frais après sa grossesse. "Quand vous avez un enfant, on a l'impression que vous êtes moins impliquée dans la vie du cabinet. Vous ne restez plus jusqu'à tard dans la soirée donc on est obligé de rendre votre contrat de collaboration", raconte-t-elle.

Selon un rapport du défenseur des droits, en 2018 , 72% des femmes avocates disaient avoir été témoin de discrimination sexiste.

Buket Bagci et Juliette Vignaud