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Un employeur a-t-il le droit d'enquêter en ligne sur un candidat à un poste?

Selon une récente décision de la Cour de cassation, enquêter sur des salariés ou candidats à l'embauche à partir d'information en ligne peut être condamné pour le délit de collecte déloyale de données à caractère personnel.

Votre CV est en haut de la pile pour l'emploi auquel vous avez postulé. L'entretien s'est bien passé. Pendant votre trajet retour, vous repensez à cette fameuse photo de soirée qui traîne dans les méandres de votre profil Facebook. Ou à ce message sur X, anciennement Twitter, dont vous n'êtes pas vraiment fier.

Le doute vous envahit: et si l'entreprise de vos rêves fouillait sur vos réseaux et tombait sur ces quelques publications embarrassantes? Le stress monte. Et si votre futur emploi vous passait sous le nez car l'entreprise considère que ces messages ne sont pas en accord avec ses valeurs?

Pourtant, en France, un employeur n'a pas le droit d'enquêter en ligne sur des candidats à l'embauche ou des salariés. En effet, selon la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés), une entreprise ne peut pas rechercher des informations sur des réseaux sociaux personnels comme Facebook, Copains d'avant, ou en tapant votre nom sur Google.

"Ces sites révèlent souvent de nombreuses informations relatives à la vie privée. L'employeur n'a pas le droit de collecter ces informations, une telle collecte s'apparentant à une enquête de 'moralité'", précise la gardienne de la vie privée.

Enquêter sur Linkedin, mais pas sur Facebook

En revanche, l'entreprise peut rechercher des informations sur des sites de recrutement payant, comme Monster ou Cadremploi. Comme le rappelle la Cnil, dès l'inscription, les utilisateurs donnent leur accord pour la diffusion de leurs données.

L'employeur peut également se rendre sur Linkedin et autres réseaux professionnels. "L'objectif professionnel est clairement identifié. Aucune information relative à votre vie privée n'apparaît en principe sur ces sites", détaille la gardienne de la vie privée, tout en rappelant qu'il appartient à l'utilisateur de maîtriser les données qu'il partage.

Par ailleurs, comme le rappelle une décision de la Cour de cassation du 30 avril dernier, "l'enquêteur privé qui effectue des enquêtes sur des salariés, candidats à l’embauche à partir d’informations en accès libre sur internet peut être condamné pour le délit de collecte déloyale de données à caractère personnel."

Dans sa décision, la plus haute autorité judiciaire rappelle qu'une telle collecte est "déloyale, lorsqu'elle s'effectue sans que les personnes concernées n'en soient informées".

Comme le rappelle sur X Matthieu Audibert, officier en gendarmerie, cette décision est "très vraisemblablement une saisine de la Cour de cassation sur le dossier Ikea".

Passer son profil en privé

En effet, en 2021, la société Ikea France a été condamnée à un million d'euros d'amende pour avoir espionné plusieurs centaines de salariés et de candidats à l'embauche. Dans cette vaste affaire instruite à partir de 2012, Ikea France et ses dirigeants de l'époque étaient poursuivis pour s'être illégalement renseignés sur les antécédents judiciaires, le train de vie ou le patrimoine de certains salariés via une société "en conseil des affaires", Eirpace, qui aurait pioché certains de ces données confidentielles dans des fichiers de police.

"Le fait que les données à caractère personnel collectées par le prévenu aient été pour partie en accès libre sur internet ne retire rien au caractère déloyal de cette collecte" indique la Cour de Cassation.

Néanmoins, le cas présent évoque des techniques d'enquête poussées pour connaitre le passé judiciaire d'un candidat. Jeter un oeil sur le profil LinkedIn d'un candidat n'a évidemment pas la même portée.

Pour éviter qu'une publication sur les réseaux sociaux ne se retourne contre vous, mieux vaut, donc, rester prudent et mettre en privé ses différents comptes sur les réseaux sociaux. Pour rappel, l'ensemble des plateformes proposent un mode privé qui permet à l'utilisateur de choisir qui peut accéder, ou non, aux vidéos, messages et autre contenus partagés.

Salomé Ferraris