BFMTV
Santé

TOUT COMPRENDRE - Que sait-on sur la contamination de l'eau potable par un pesticide interdit en France?

Une étude de l'Anses montre qu'un tiers de l'eau potable consommée en France est contaminée par un herbicide interdit depuis 2020. Le gouvernement assure qu'il n'existe "pas de risque sanitaire".

Un tiers de l'eau potable consommée en France est contaminée par un pesticide, le chlorothalonil, pourtant interdit depuis 2020 dans l'Hexagone, selon une étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) publié jeudi. Le gouvernement assure ce vendredi que des contrôles plus fréquents de ce produit vont être menés.

• Quels sont les pesticides découverts?

Parmi les 157 pesticides évalués dans l'enquête, le rapport de l'Anses pointe du doigt particulièrement la présence dans l'eau du métabolite du chlorothalonil R471811. Il s'agit d'un composant issu de la dégradation dans l'environnement du pesticide concerné.

Le chlorothalonil R471811 est un fongicide commercialisé par la multinationale Syngenta. Interdit en France depuis 2020, il a été utilisé largement dans l'agriculture pendant 50 ans. En 2017, 39 produits, allant du blé aux tomates en passant par les carottes, étaient encore aspergés en France par ce pesticide, selon l'Anses.

Par ailleurs, un autre résidu de pesticide, le métolachlore ESA, a été identifié. Il s'agit d'un herbicide notamment utilisé pour désherber les cultures de maïs.

• Quelle est l'ampleur de la contamination?

Le métabolite du chlorothalonil R471811 a été retrouvé "dans plus d'un prélèvement sur deux", selon l'étude, ce qui conduit à des dépassements de la limite de qualité, fixée à 0,1 microgramme par litre, "dans plus d'un prélèvement sur trois".

Concernant le métolachlore ESA, il est présent dans plus de la moitié des échantillons. Moins de 2% d’entre eux dépassent la valeur de gestion de 0,9 milligramme par litre définie pour les métabolites non pertinents.

Les résultats sont encore partiels, mais révèlent pour l'instant que certains territoires sont plus concernés que d'autres. Le bassin parisien, la Loire-Atlantique, mais aussi de nombreuses communes de l'Oise sont particulièrement touchées, quand le Sud-Est et la Corse sont plus épargnés.

Ces taux restent inférieurs aux valeurs sanitaires maximales établies en France ou encore aux valeurs sanitaires établies en Allemagne de 3 microgrammes par litre maximum, rappelle également Christophe Rosin, chef de l’unité chimie des eaux au laboratoire Anses d’hydrologie de Nancy, dans Libération.

• Pourquoi sa présence dans l'eau malgré l'interdiction?

Selon l'Anses, les résultats de l'étude montrent que "certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus". Syngenta assure de son côté à l'AFP prendre la sécurité de ses produits "très au sérieux".

Ce phénomène n'a rien de surprenant pour les associations. Certains métabolites de pesticides peuvent rester présents dans l'environnement plusieurs années après l'interdiction de la substance active dont ils sont issus.

"Les pesticides ne disparaissent pas d'un coup de cuillère à pot", abonde Dominique Le Goux, de l'association Eau et rivières de Bretagne.

• Faut-il s'inquiéter?

Le chlorothalonil est un produit qui "devrait être classé comme cancérogène de catégorie 1B", c'est-à-dire cancérogène "supposé", selon des conclusions rendues par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

De fait, des études indiquent que des "tumeurs rénales chez le rat et la souris" ont été découvertes dans le cadre d'études menées sur le chlorothalonil. En février dernier, l'Anses avait dit vouloir interdire les principaux usages de cette molécule.

Pour autant, l'Anses souligne que la présence des pesticides détectés ne signifie pas nécessairement qu'il existe un danger, les taux mesurés restant inférieurs aux valeurs sanitaires maximales.

"Le fait d’être au-delà des critères de qualité n’induit pas nécessairement un risque pour la santé", confirme dans Le Monde Régis Taisne, chef du département cycle de l’eau à la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), tout en précisant que de nombreuses inconnues demeurent et que "les acteurs de l’eau aimeraient quand même savoir si cette molécule est effectivement problématique".

• Quelles suites?

Selon la FNCCR, "l'élimination de ce métabolite dans l'eau potable est possible", mais "nécessiterait des investissements majeurs pour les services d'eau impliquant une augmentation significative du prix de l'eau".

L'exécutif se veut de son côté rassurant. Le ministère de la Transition écologique rappelle ce vendredi que "la valeur sanitaire transitoire permettant de prévenir d'un risque sanitaire (est) de 3 milligrammes par litre", soit supérieure aux taux détectés.

"Les eaux prélevées et analysées sont ainsi non conformes mais ne présentent pas de risque sanitaire", conclut-il.

Le gouvernement indique pour autant rester "vigilant" et assure que, par précaution, des "mesures plus régulières" du produit vont être mise en place dès cette année afin d'évaluer l'évolution de la présence de chlorothalonil et de ses métabolites dans l'eau.

Juliette Desmonceaux