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Cancer du poumon: ce que l'on sait sur le vaccin thérapeutique prometteur développé en France

Le vaccin Tedopi, actuellement en phase de développement en France, vise à traiter certaines personnes atteintes du cancer du poumon. Il entraîne le système immunitaire à attaquer les cellules cancéreuses.

Une nouvelle porteuse d'espoir. La société française de biotechnologie OSE Immunotherapeutics, basée à Nantes, a présenté ce lundi des résultats positifs de son vaccin thérapeutique Tedopi pour les patients atteints d'un cancer avancé du poumon.

Cela "ouvre vraiment de grandes portes et de grands espoirs pour l'ensemble de nos patients vivant avec le cancer", a déclaré Fabrice Barlesi, directeur général de l'institut Gustave Roussy et spécialiste du cancer du poumon à Franceinfo.

• Un vaccin pour gagner du temps de vie

Il ne faut pas se faire d'illusion, le vaccin n'éradiquera pas le cancer du poumon, le 3e le plus fréquent et la première cause de décès par cancer en France, d'après l'Institut national du cancer.

"Dans la vaccination, il y a deux grandes technologies", schématise Nicolas Poirier, directeur général d’OSE Immunotherapeutics au micro de BFMTV. "La vaccination plus connue, prophylactique, préventive, que l'on utilisait dans le cadre de la pandémie ou d'autres types d'infections, et la vaccination thérapeutique."

Il s'agit donc d'un vaccin pour traiter la maladie et non pas la prévenir. Le Tedopi a été conçu pour intervenir en "troisième ligne", soit lorsque les patients ont préalablement été traités, sans succès, par une chimiothérapie et une immunothérapie, qu'ils sont en rechute et n'ont pas d'autres alternatives thérapeutiques.

Résultat: les patients, qui ont participé à l'essai clinique et qui ont reçu le vaccin, ont gagné du temps de vie.

"Un an après le début du traitement, 44,1% de ces patients étaient toujours en vie dans le groupe recevant le vaccin contre seulement 27,5% dans le groupe chimiothérapie", selon les résultats publiés dans la revue Annals of Oncology.

En d'autres chiffres, les patients ont en moyenne survécu trois mois et demi de plus. La moitié des patients vivent au-delà de 11,1 mois avec le vaccin contre 7,5 mois pour les autres.

Les vaccinés ont également vu leur risque de décès diminuer de 41% par rapport aux autres patients.

"Cela peut paraître modeste. Mais la vie a un autre prix quand on est malade," affirme le professeur Benjamin Besse, directeur de la recherche clinique à l'Institut Gustave-Roussy et investigateur principal de l'essai baptisé Atalante-1, au journal Le Monde.

Surtout que les patients gagnent non seulement du temps mais "surtout du bon temps", insiste Nicolas Poirier, directeur général de l'entreprise auprès du quotidien.

En effet, le vaccin permet de bénéficier d'une meilleure qualité de vie car les effets secondaires sont moindres. Seuls 11% des patients vaccinés ont eu des effets secondaires contre 35% de ceux ayant subi une chimiothérapie.

Des effets indésirables qui, de plus, diffèrent. Avec la vaccination, "on peut avoir des réactions locales aux cibles d’injections qui sont signe de l’inflammation, de la réponse du système immunitaire", observe Nicolas Poirier, interviewé par BFMTV. La chimiothérapie entraîne quant à elle de la fatigue, des nausées, des vomissements, la perte des cheveux...

Tous les malades du cancer du poumon ne sont pas compatibles avec ce vaccin Tedopi. Il vise les personnes avec une phase avancée du cancer "non à petites cellules", soit le cancer le plus fréquent lié au tabagisme, et qui présentent des métastases (la moitié des patients atteints de ce cancer).

"Par ailleurs, un peu comme quand on fait une greffe, on est obligé de regarder des niveaux de compatibilité entre le donneur et le receveur", détaille Fabrice Barlesi, directeur général de l'institut Gustave Roussy à Franceinfo.

Il ajoute: "Il faut identifier un sous-groupe de patients qui est porteur des bonnes caractéristiques biologiques pour répondre au vaccin". Les personnes doivent ainsi présenter un certain profil génétique appelé HLA-A2, ce qui est le cas de près de la moitié de la population.

Comme évoqué précédemment, le vaccin ne s'applique également qu'aux personnes en récidive qui ont déjà reçu une chimiothérapie et une immunothérapie.

100.000 personnes seraient concernées chaque année dans le monde d’après Nicolas Poirier, le directeur d’OSE Immunotherapeutics.

• "Rééduquer le système à faire son travail"

Ce vaccin thérapeutique a pour mission d'entraîner le système immunitaire à reconnaître et combattre les cellules cancéreuses.

"Un système immunitaire qui fonctionne, il élimine les cellules tumorales. Donc par définition, quand on a un cancer métastatique, c'est que notre système immunitaire a dévié, la tumeur a pu développer des résistances. Il faut donc rééduquer le système à faire son travail", explique Nicolas Poirier.

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Pour cela, grâce à une biopsie, les chercheurs isolent dans les cellules cancéreuses du patient des protéines spécifiques, appelées des antigènes. Ensuite, ils programment le système immunitaire pour que ces antigènes deviennent la cible des lymphocytes T, des globules blancs qui jouent un rôle crucial dans le système immunitaire.

"Il y a des petites parties à la surface des cellules tumorales qui sont différentes des cellules saines. Une fois que nos globules blancs sont éduqués à reconnaître ces cellules étrangères, ils peuvent les éliminer lorsqu'ils patrouillent", développe le directeur général d'OSE Immunotherapeutics.

Pour que ce vaccin soit efficace, les 139 patients concernés - sur les 219 participants issus de neuf pays européens et des États-Unis - ont reçu une injection toutes les trois semaines, à six reprises. Puis toutes les huit semaines pendant un an, avant d'espacer à douze semaines.

Des biologistes du laboratoire pharmaceutique OSE Immunotherapeutics travaillent sur un programme de développement d'un vaccin contre l'infection Covid-19, le 31 mars 2021 à Nantes, dans l'ouest de la France.
Des biologistes du laboratoire pharmaceutique OSE Immunotherapeutics travaillent sur un programme de développement d'un vaccin contre l'infection Covid-19, le 31 mars 2021 à Nantes, dans l'ouest de la France. © LOIC VENANCE / AFP

• Pas de commercialisation avant 2027

L'étude publiée dans la revue Annals of Oncology fait état des résultats d'un essai de phase 3, soit l'étape qui précède la commercialisation. Cependant, à cause du Covid-19, "l'étude n'est pas allée au terme de son recrutement" et n'a donc "pas la puissance voulue" a indiqué Benjamin Besse.

Un nouvel essai, sur une cohorte de plus de 300 personnes, devrait être mis en place tout début 2024 "pour confirmer les résultats publiés", affirme Nicolas Poirier. Cette étude "confirmatoire" portera sur trois ans, avec, si les résultats sont positifs, "un possible enregistrement à l'horizon 2027 et ensuite une commercialisation".

Ce nouvel essai sera aussi l'occasion d'étudier des patients en deuxième ligne "pour remonter le traitement". "Puisque maintenant l'immunothérapie est donnée avec la chimiothérapie en première ligne, lorsque les patients échouent, ils arrivent en deuxième ligne. C'est là qu'il y a un grand besoin médical", explicite le directeur général d'Ose Immunotherapeutics.

• Un des vaccins les plus avancés

Les avancées scientifiques sur les vaccins se multiplient. En décembre dernier, les laboratoires Moderna et Merck avaient communiqué des résultats préliminaires positifs de leur vaccin à ARN messager, en développement, contre un type de cancer de la peau, le mélanome. Lorsque pris en combinaison avec un anti-cancéreux, il permettait de réduire de 44% le risque de réapparition du cancer ou de décès.

Quelques mois plus tard, au printemps, les laboratoires BioNTech et Roche publiaient des résultats prometteurs pour les malades atteints du cancer du pancréas. Même si l'étude avait été réalisée sur une toute petite cohorte (seulement 16 patients), la moitié avait développé une réponse immunitaire grâce à un vaccin.

En juin, une autre entreprise française, Transgene, a conçu un vaccin pour prévenir la récidive de cancers touchant la sphère ORL (oto-rhino-laryngée). Sur les 16 patients traités, aucun n'a rechuté plus de 10 mois après l'injection.

Le vaccin Tedopi de l'OSE Immunotherapeutics est le plus avancé. Et pourrait même s'appliquer plus tard à d'autres cancers, comme celui de la peau et du pancréas. "Il y a fort à parier que nous aurons des résultats dans ces maladies dans les mois à venir et les années à venir", indique Fabrice Barlesi. 2023 semble être une année d'espoir pour la lutte contre le cancer.

Juliette Brossault