Intitulés des ministères: les messages politiques de Macron

Nouvel équilibre politique illustré par les ministres d'Etat, primauté de l'Europe au sein du gouvernement, volonté de rassurer et de rassembler: les dénominations des ministères du gouvernement Philippe traduisent les grandes orientations d'Emmanuel Macron.

En 2012, les accents soviétiques du ministère du "redressement productif" avaient fait sourire et s'adressaient directement à la frange ouvrière de l'électorat de François Hollande. C'est que l'intitulé d'un portefeuille ministériel est parfois loin d'être politiquement neutre. En la matière, le premier gouvernement d'Édouard Philippe est un modèle du genre. Il est même particulièrement riche de sens: d'abord, l'exécutif de ce nouveau quinquennat voit le retour des ministres d'Etat. Ils suivent immédiatement le Premier ministre dans l'ordre protocolaire, et partagent avec lui le pouvoir d'organiser des réunions interministerielles.

Au nombre de trois, il est difficile de ne pas voir dans leurs sensibilités politiques une expression de la volonté d'éclatement des clivages d'Emmanuel Macron: derrière "l'homme de droite" Édouard Philippe apparaissent ainsi le socialiste Gérard Collomb à l'Intérieur, l'écologiste Nicolas Hulot au ministère de la Transition écologique et solidaire, puis le centriste François Bayrou à la Justice.

Messages politiques

La "Transition écologique et solidaire", est une dénomination inédite pour ce qui était jusque-là le ministère de l'Environnement ou de l'Écologie. Cette appellation semble exprimer une dimension concrète et sociale au projet porté par Nicolas Hulot. Ce changement de nom met en lumière la "prise" réalisée par Emmanuel Macron avec l'entrée au gouvernement de l'écologiste.

"Nous essayons de donner du sens au progrès. Ce ministère vaut bien mieux que son appellation: c'est le ministère du futur, du vivant, de biodiversité (...). C'est pourquoi j'ai insisté symboliquement pour que dans ma fonction je sois ministre de la Transition écologique écologique et solidaire. Parce que l'enjeu écologique c'est la clef de voûte de la dignité humaine et de la solidarité. C'est un sujet éminemment social", a déclaré l'ancien présentateur lors de sa passation de pouvoir.

L'Europe en priorité

L'accent est également largement mis sur l'Europe dans le gouvernement d'Édouard Philippe: pour la première fois, le ministère des Affaires étrangères, qui sera dirigé par Jean-Yves Le Drian, est rebaptisé en "ministère de l'Europe et des Affaires étrangères", auquel s'ajoute une ministre en charge des Affaires européennes (Marielle de Sarnez).

La très européïste Sylvie Goulard prend quant à elle la tête du ministère des Armées, intitulé inédit pour le ministère de la Défense depuis 1974. En substituant la fonction de "Défense" par l'agent des "Armées", cette dénomination adresse un message rassurant aux militaires: la ministre sera avec eux, aux côtés de soldats éprouvés par les opérations extérieures et le dispositif Sentinelle. Cet intitulé fait également référence, implicitement, à un point important du programme de Défense d'Emmanuel Macron: la création d'une "cyberarmée", consacrée à la lutte numérique.

"Solidarité" et "action"

Autre tropisme du gouvernement Philippe: la notion de "solidarité", qui correspond à la volonté de rassemblement d'Emmanuel Macron, est présente à la fois dans le titre de la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn et dans celui de la Transition écologique et solidaire de Nicolas Hulot. Une notion renforcée par l'appellation du ministère de la "Cohésion" des territoires de Richard Ferrand.

Enfin, notons la touche volontariste du maroquin de Gérald Darmanin, qui prend la tête du ministère de l'Action et des comptes publics. Le message est clair, comme l'a tweeté Édouard Philippe: "Et maintenant, au travail!".

Louis Nadau