BFMTV
Police-Justice

TOUT COMPRENDRE. Depardieu: pourquoi un extrait de "Complément d'enquête" est au cœur d'une polémique

À la suite du "Complément d'enquête" sur Depardieu, la famille de l'acteur a dénoncé un montage "frauduleux" d'une séquence. Une accusation lourde répétée par Emmanuel Macron ce mercredi.

La société des journalistes de France Télévisions déplore une "fake news" ayant atteint le plus haut sommet de l'État. Dans un communiqué publié ce vendredi 22 décembre, France Télévisions a tenu à rétablir la vérité, après plusieurs jours de polémique autour d'un supposé montage tronqué des images de Gérard Depardieu en Corée du Nord diffusées sur France 2, dans l'émission Complément d'enquête, le 7 décembre dernier.

• Que contient la séquence au cœur de la polémique?

À l'origine de la controverse, des images inédites du voyage de Gérard Depardieu en Corée du Nord, en 2018, rendues publiques par l'émission de France Télévisions. Elles montrent l'acteur, considéré comme une icône du cinéma français avec ses plus de 200 films à son actif, tenir des propos déplacés, et effectuer des gestes et bruits de gorge mimant l'acte sexuel lors d'échanges avec des femmes.

Une séquence en particulier a provoqué la colère de certains téléspectateurs. Dans un haras, il affirme que "les femmes adorent faire du cheval (car) elles ont le clito qui frotte sur la selle (...) elles jouissent énormément". Et de poursuivre: "C'est des grosses salopes." Quelques instants plus tard, une petite fille coréenne à cheval est filmée, alors que l'acteur prononce ces mots: "Si jamais il galope, elle jouit. C’est bien ma fifille, continue".

• Qui accuse "Complément d'enquête" d'avoir réalisé un montage trompeur?

La riposte médiatique de son entourage s'est rapidement organisée. Dans une tribune publiée par le Journal du dimanche, la famille de Gérard Depardieu a dénoncé "une cabale". Enfants, petits-enfants et neveux de l'acteur de 74 ans y qualifient l'enquête de France 2 de "manipulation monstrueuse" et dénoncent une "véritable mise en scène".

"Ce journaliste réalise une véritable mise en scène, procédant par plans de coupe dont on sait qu’ils sont nécessairement suspects puisqu’on peut les monter comme on le veut", accuse la famille du comédien dans la tribune du JDD.

Ses proches mentionnent notamment une illustration "d’une musique mélodramatique et d’une voix off" avant d'ajouter: "selon Yann Moix [réalisateur du film] qui était présent, ce montage est frauduleux. Ces propos ne désignaient pas une petite fille." La famille explique également que le mis en cause "appelle tout le monde 'fifille'". "L'objectif était-il de faire passer Gérard Depardieu pour un pédophile?", interrogent les auteurs de la tribune.

Yann Moix est revenu sur cette déclaration de la famille de l'acteur dans les colonnes du Figaro et a maintenu l'accusation d'un montage trompeur de la part de Complément d'enquête. "Je suis sûr à 99% que Gérard a tenu ces propos sur une cavalière qui n'était pas la petite fille", affirme-t-il, avant d'ajouter: "Gérard est incapable de tenir des propos comme ça sur une enfant."

• Qu'a déclaré Emmanuel Macron concernant ces accusations?

Interrogé ce mercredi sur le sujet dans l'émission C à vous, Emmanuel Macron a laissé entendre que la séquence avait pu être modifiée au montage:

"Il y a parfois des emballements sur des propos tenus, je me méfie du contexte (...) J'ai vu les images, j'ai entendu aussi qu'il y avait des polémiques sur les mots qui étaient en décalage avec les images".

Le chef de l'État, qui se dit "grand admirateur" de l'acteur, reprend ainsi, à son compte, les accusations de bidonnage portées par la famille de l'acteur dans la tribune du JDD. Il ajoute par ailleurs que la Légion d'honneur est un Ordre qui n'est "pas là pour faire la morale", tout en dénonçant "une chasse à l'homme" contre l'acteur.

• Comment se défend France Télévisions?

Face à la polémique qui ne cesse d'enfler depuis plusieurs jours, France Télévisions a annoncé, ce vendredi, que le passage de l'émission Complément d'enquête dans lequel l'acteur Gérard Depardieu semble tenir des propos à caractère sexuel au sujet de la petite fille à cheval a été "authentifié" par un huissier de justice.

"Il n'y a aucun doute et aucune ambiguïté sur le fait que c'est bien la jeune fille à l'image qui est ciblée par les propos de Gérard Depardieu", a assuré le groupe de télévision public.

Mandaté jeudi pour "authentifier et certifier les images et les propos concernés", un huissier, "commissaire de justice et audiencier au Conseil d'État et à la Cour de cassation", selon les précisions de France info, "a pu visionner les rushs" (les images brutes, sans montage). Il "atteste dans son constat qu'il s'agit d'une seule et même séquence montrant Gérard Depardieu regardant une démonstration équestre", ajoute France Télévisions.

Depardieu peut-il encore être protégé par le cinéma français?
Depardieu peut-il encore être protégé par le cinéma français?
17:39

"Ces rushs sont notamment issus de deux caméras positionnées dans le haras. Sur ces images, on distingue une troisième caméra: il s'agit d'un caméscope tenu par un participant au voyage. Il apparaît aux côtés de la star de cinéma", précise le site d'information du service public. L'huissier atteste également "qu'au cours de la séquence, il a pu constater les propos tenus par Gérard Depardieu et qu'à l'exception de la jeune fille, seuls des cavaliers d'apparence masculine entrent en premier plan des caméras".

Selon le réalisateur du documentaire, Damien Fleurette, qui s'exprime quant à lui pour France info, la scène en question est le seul moment, "en 18 heures de rushs" où "le mot 'fifille' est prononcé".

Dans un communiqué publié sur X enfin, la société des journalistes (SDJ) de France Télévisions a "exprimé son indignation" suite aux accusations d'Emmanuel Macron. "En relayant l'hypothèse d'un 'décalage entre les mots et les images' sur une partie du reportage, Emmanuel Macron partage une 'fake news' et légitime les tentatives de déstabilisation de l'émission", dénonce la SDJ.

Invité sur le plateau de BFMTV ce vendredi, Me Jérémie Assous, l'avocat de Yann Moix, assure avoir "demandé de visionner les rushs [à Complément d'enquête], ils ont toujours refusé". Il affirme que l'authentification de l'huissier délivrée à la demande de France Télévisions "ne veut rien dire", car "n'est pas contradictoire".

• Quelles ont été les réactions?

Les images ont largement indigné les spectateurs, mais également une partie de la classe politique. La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, a jugé que les propos et l'attitude de Gérard Depardieu faisaient "honte à la France" et regretté "une attitude qui se veut sur le ton de la blague et de la provocation, mais qui est en fait assez irrespectueuse et indigne".

La ministre a assuré qu'une "procédure disciplinaire" allait être engagée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur à l'encontre de l'acteur, titulaire de la Légion d'honneur depuis 1996.

Le géant du cinéma a également été radié de l'Ordre national du Québec pour l'ensemble de ses propos à l'égard des femmes dans ce documentaire et s'est vu retirer le titre de citoyen d'honneur de la commune d'Estaimpuis, en Belgique, qui le lui avait attribué à l'été 2013 au moment où il y résidait, pour les mêmes raisons. Enfin, sa statue de cire a été retirée du musée Grévin, à Paris.

Gérard Depardieu est par ailleurs déjà inculpé pour viol et visé depuis mi-septembre par une autre plainte d'une comédienne qui l'accuse de l'avoir agressée sexuellement lors d'un tournage en 2007, selon le parquet de Paris. Gérard Depardieu nie ces accusations.

Eloise Bartoli avec AFP