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Procès

"Je ne me suis pas préoccupé du symbole": le vol crapuleux de la porte du Bataclan en procès

Policiers français et italien à l'ambassade de France déballent "la porte de Banksy", à Rome le 14 juillet 2020

Policiers français et italien à l'ambassade de France déballent "la porte de Banksy", à Rome le 14 juillet 2020 - Filippo MONTEFORTE © 2019 AFP

Huit hommes sont jugés jusqu'à vendredi pour avoir volé et transporté en janvier 2019 une porte de la salle du Bataclan sur laquelle l'artiste Banksy a dessiné une œuvre en hommage aux victimes de l'attaque.

Face au tribunal, les rancœurs sont encore loin d'être apaisées. À les voir ce mercredi après-midi devant le tribunal correctionnel de Paris, on a du mal à imaginer que Franck Grillet-Aubert et Kevin Gadouche aient pu commettre un vol dont le retentissement a été aussi fort. Les deux hommes, âgés de 36 et 35 ans, sont jugés pour avoir volé, avec un troisième homme, Danis Gérizier, la porte du Bataclan sur laquelle figure l'œuvre de l'artiste Banksy, dessinée en hommage aux victimes des attentats du 13-Novembre.

Kevin Gadouche et Franck Grillet-Aubert ont déjà été condamnés auparavant pour des délits commis ensemble. Jusqu'à ce vol, ces amis depuis une vingtaine d'années se fréquentent régulièrement. À l'audience pourtant, la tension est vive entre les deux hommes. "Si vous écoutez ce monsieur, je suis mort", lance le premier estimant être accusé de tous les torts. "C'est M. Gadouche qui s'est occupé du camion (pour le vol, NDLR) pour la simple et bonne raison, qu'il ne fait rien et qu'il n'a que ça à faire", rétorque le second. Chacun attribuant à l'autre la responsabilité des faits qui leur sont reprochés.

Pourtant, ce sont bien eux, Franck Grillet-Aubert au volant de la camionnette puis à la manœuvre avec une disqueuse pour briser les gonds de la porte de l'issue de secours du Bataclan, et Kévin Gadouche transportant la porte avec l'aide de Danis Gerizier dans le camion qui sont filmés travaillant de concert. Entre cette nuit-là et cette audience, le deuxième a volé la compagne du second, au détriment de sa propre copine. Un triangle amoureux, des rancoeurs, qui, selon l'accusation, sont certainement la clé qui a permis leur identification par la police judiciaire parisienne et la découverte de l'oeuvre en Italie.

Triangle amoureux

Lors de l'instruction, tous ont reconnu leur participation lors de ce vol qui a eu lieu en moins de 10 minutes dans la nuit du 25 au 26 janvier 2019. Le tribunal a lui tenté de démêler plusieurs zones d'ombre qui restent encore malgré les trois ans d'enquête. Qui a eu l'idée de ce vol? "L'idée vient de lui et de moi", tranche Kevin Gadouche, condamné à 25 reprises notamment pour vol, qui affirme avoir entendu parler de l'artiste Banksy par l'intermédiaire d'un autre homme, Mehdi Meftah, un gagnant au loto qui a lancé sa propre marque de t-shirts de luxe.

Plusieurs mois avant le vol, Kevin Gadouche et Mehdi Meftah se rendent d'ailleurs à Paris. Le riche entrepreneur vient échanger sa vieille Ferrari pour un modèle plus récent. Son jeune ami l'accompagne, son téléphone borne à proximité du Bataclan pendant plus d'une heure. Il assure que sa présence n'a rien à voir avec le vol. Pourtant, il imagine dérober l'œuvre, "le prix de la vente serait divisé en trois", avait-il déjà prévu, dit-il à l'audience.

Franck Grillet-Aubert est debout à ses côtés tout au long de cette audition devant le tribunal. L'un à les mains croisées devant, l'autre dans le dos. Deux attitudes à l'opposée, tout comme leur version. Pour ce chauffeur routier de profession, c'est Kevin Gaddouche qui a eu l'idée de commettre le vol. "Je suis propriétaire, j'avais une situation stable, je vois pas l'intérêt de faire des conneries", dit-il au tribunal. Il dit aussi qu'aucune répartition des rôles lors de ce vol n'avait été faite auparavant.

"J'ai pas pensé au symbole"

Lui assure aujourd'hui avoir agi "par peur" uniquement. Au tribunal, Franck Grillet-Aubert revient sur des faits qu'il a déjà exposés dans le bureau du juge d'instruction. Kevin Gadouche lui aurait tiré dessus avec une arme, "un Colt .45" répète-t-il, pour le convaincre de participer. L'intéressé nie. "Moi je voulais pas de cet argent, je voulais avoir la paix", assure le prévenu. Une version qui a du mal à convaincre le tribunal alors que les constatations et les témoignages ne permettent d'établir la véracité.

Si la présidente du tribunal rappelle la symbolique autour de cette œuvre, les trois hommes semblent en être très éloignés. "Quand on voit les prix des Banksy, c'est hors de prix, s'exclame Kevin Gadouche. J'ai pas pensé au symbole, aux victimes." "Je ne me suis pas préoccupé du symbole que ça représentait", note lui-aussi Franck Grillet-Aubert. Danis Gerizier assure lui avoir pris conscience de l'importance de cette œuvre lorsque son vol a été, dès le lendemain du vol, médiatisé.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV