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"YūYū Hakusho": c'est quoi cet anime culte qui arrive sur Netflix?

La série animée "YūYū Hakusho"

La série animée "YūYū Hakusho" - Dybex

Adaptée d'un manga signé Yoshihiro Togashi, "YūYū Hakusho" est disponible dans son intégralité sur Netflix. Cette licence très populaire a notamment inspiré Jujutsu Kaisen.

YūYū Hakusho, un des mangas et animes les plus populaires des années 1990, revient sur le devant de la scène. En attendant la réédition fin août du premier chef d'œuvre de Yoshihiro Togashi (Hunter X Hunter), son adaptation animée datant de 1992-94 débarque sur Netflix à partir de ce jeudi 1er juillet.

Très inspiré par Dragon Ball d'Akira Toriyama et Jojo's Bizarre Adventure de Hirohiko Araki, Yū Yū Hakusho suit les aventures de Yusuke Urameshi, adolescent rebelle devenu détective du monde des esprits après avoir tenté de sauver un enfant. Bien que déjà disponible sur la plateforme ADN, et alors que l'intégrale blu-ray de Dybex se fait attendre, son arrivée sur Netflix est un véritable événement, insiste Valentin Paquot, journaliste spécialisé dans le manga et l'animation japonaise:

"YūYū Hakusho est arrivé trop tard en France. Bien que l'anime soit sorti en 1992 au Japon, il ne fait pas partie des achats de AB Production et il ne s'est pas retrouvé mis en avant dans le Club Dorothée. Sa diffusion sur les chaînes TF6 (dès 2001), Manga et NT1 n'a ainsi pas brisé le cercle des initiés. Pour les 20 ans de la série, la licence reprend du poil de la bête!"
Couverture de la première édition de "YuYu Hakusho" de Togashi
Couverture de la première édition de "YuYu Hakusho" de Togashi © Kana

Redécouvrir YūYū Hakusho aujourd'hui, c'est se rappeler des débuts du manga en France, et constater tout le chemin parcouru depuis, analyse Lloyd Chéry, journaliste pour Le Point Pop et podcasteur de C’est plus que de la SF, qui a grandi avec YūYū Hakusho: "YūYū Hakusho est intiment lié avec l’avènement du manga en France. Il s’agit d’une des premières séries lancées en 1997 par Kana, un an après la création de cette maison d’édition. Il faut se rappeler qu’il y avait peu d’offres comparées à maintenant. On payait 33 francs son manga, un cout très accessible pour les collégiens."

Introuvable depuis des années, le manga sera réédité à partir du 27 août dans une "Star Edition". "Nous avons cherché à créer une nouvelle maquette qui souligne ce côté 'Nekketsu' [nom donné au canevas du récit initiatique employé dans le shônen, NDLR] tout en n’oubliant pas de mettre en valeur les personnages si marquants de la série. Le tout en proposant une édition plus compacte (12 tomes au lieu de 19), une traduction et un lettrage revus", détaille Yuki Takanami, éditrice chez Kana. Selon elle, l’absence d’actualité sur Hunter x Hunter (le dernier chapitre a été publié en octobre 2018) peut également expliquer le regain d'intérêt pour YūYū Hakusho.

Le renouveau du shônen

Publié entre 1990 et 1994 dans la revue Weekly Shônen Jump, YūYū Hakusho pose les bases du shônen moderne, plus sombre et moins manichéen. "J'adore le vent de fraîcheur que Togashi a amené sur le shônen d'aventure, il a permis de briser un carcan un peu trop réducteur et d'ouvrir la voie à de nombreux mangakas", commente Valentin Paquot.

Malgré un début "assez anecdotique, avec un scénario proche du film Ghost dans un univers de voyous japonais" selon Lloyd Chéry, le manga trouve rapidement ses marques, poursuit Yuki Takanami: "Le génie de Yoshihiro Togashi a été d’allier le concept du tournoi à celui du paranormal, de démons, de l’épouvante, chose encore rare à cette époque."

Malgré son jeune âge (il a 24 ans quand il lance la série), Yoshihiro Togashi y développe déjà ses thèmes de prédilection. Au cœur de Hunter x Hunter, les motifs du père absent ou encore de la seconde chance sont déjà à l'œuvre dans YūYū Hakusho. Togashi y fait déjà preuve, également, d'une maestria dans l'art du scénario, tout en twists et changements de direction inattendus:

"Sa manière de gérer aussi bien l'absurde, le drame, la comédie et les questions existentielles est incroyable. Il a une capacité à changer de ton en une case sans jamais la moindre fausse note, peu d'auteurs sont capable d'une telle finesse", s'enthousiasme Valentin Paquot. "Le petit twist avant le dernier tournoi est hyper original. Cela semble évident maintenant, mais à l'époque qui aurait eu cette idée?"

"C’est une œuvre qui progressivement se radicalise dans son dessin, ses situations, sa violence, et qui se complexifie à l’inverse d’une série comme Dragon Ball. Les deux titres ont beaucoup de ressemblance, mais YūYū Hakusho finit par devenir assez expérimental", ajoute Lloyd Chéry, qui loue également la mélancolie de la franchise.

"La profondeur de son [œuvre] est quasi inégalée, aujourd'hui encore", renchérit Valentin Paquot. "Togashi ne raconte pas juste une histoire, il construit un univers, il pense à toutes les règles sociales, physiques, méta-physiques, et comme il ne veut pas gâcher tout son travail préparatif, il exploite tout."

Avec Yū Yū Hakusho, Yoshihiro Togashi devient un des auteurs les plus populaires des années 1990, avec plus de 50 millions d'exemplaires vendus. Tandis que le dessinateur enchaîne les chapitres, les adaptations (série, OAV, jeux vidéo) et les produits dérivés se multiplient. Dépassé par ce phénomène, Togashi saborde lui-même sa série, alors qu'il est perçu comme le seul à pouvoir concurrencer Akira Toriyama et les aventures de Goku.

Habitué à travailler à l'instinct, en se laissant guider par l'inspiration du moment, Togashi refuse de se conformer au cahier des charges du shônen. Epuisé aussi émotionnellement par la charge de travail quotidienne sur un série aussi populaire, il se lasse de sa propre création. Au bout de dix-neuf tomes, il prend de court ses fans avec une fin abrupte, qui laisse à certains un goût amer.

"L'un des meilleurs openings de l'époque"

La série animée, qui suit la même trame narrative que le manga, est également une référence du genre. Et elle fruste moins ses fans. "L'adaptation animée par le studio Pierrot (Merveilleuse Creamy, Kimagure Orange Road…) est de très bonne facture, et n’a pas à rougir des productions Toei Animation de l’époque comme DragonBall Z ou Slam Dunk.", note JetBlack, internaute spécialisé dans l'actualité culturelle (BD, manga, japanimation), qui loue également son générique: "Hohoemi no Bakudan est devenu avec le temps un indémodable des soirées karaoké au Japon!"

"Yū Yū est un animé très coloré avec un chara design particulièrement efficace", insiste de son côté Lloyd Chéry. "Que ce soit l’épée spirituelle de Kuwabara, le fouet de Rose de Kurama, Ray Gun de Yusuke ou le sabre de Hiei, nos héros étaient loin d’être ridicule et donnaient envie de les rejoindre!"

Le manga comme l'anime comportent leur lot de moments cultes, dont l’arc du Tournois des arts martiaux de l’ombre, qui fait l'unanimité parmi les fans: "Je pense qu’il s’agit d’un des meilleurs tournois de l’histoire du manga, que je mettrais au même niveau que celui avec Cell dans Dragon Ball", poursuit Lloyd Chéry. "On traverse une tension narrative où on a la sensation que nos héros n’y arriveront jamais. Chaque personnage évolue pleinement avec des moments de gloires (le dragon noir de Hiei ou la transformation de Yoko en Kurama). La relation entre Genkai (le maître), Toguro (l’antagoniste-rival) Yusuke (le héros-disciple) est assez bouleversante."

Valentin Paquot préfère, lui, l'arc narratif de Sensui, sans doute l'antagoniste le plus impressionnant de la série. "C'est un 'game changer' absolu. En s'affranchissant d'une narration purement manichéenne Togashi arrive à explorer la psychée des 'méchants'. D'ailleurs, on ne parle pas vraiment de méchants dans l'univers de Togashi mais plus d'adversaires. Ils ont tous une raison de faire ce qu'ils font. C'est le premier [mangaka] à accorder autant d'importance à ses antagonistes."

La dette des mangakas actuels envers YūYū Hakusho est énorme. Gege Akutami s'est inspiré de l'arc de Sensui pour Jujutsu Kaisen, l'un des plus populaires mangas du moment. Kaiu Shirai et Posuka Demizu l'avaient aussi en tête pour The Promised Neverland. Avec son arrivée sur Netflix, et l'arrivée prochaine d'une adaptation live sur la plateforme, le manga de Togashi n'a pas fini d'être redécouvert, conclut Valentin Paquot: "Comme on l'a vu récement avec les succès de Jojo et d'Alice in Borderland, Netflix n'a plus peur de mettre en avant la partie nippone de son catalogue et c'est tant mieux pour les fans."

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV