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Jane Birkin, muse éternelle de Serge Gainsbourg

Jane Birkin et Serge Gainsbourg le 10 septembre 1970

Jane Birkin et Serge Gainsbourg le 10 septembre 1970 - - © 2019 AFP

Ce couple mythique des années 1970 a donné naissance à certains des titres les plus emblématiques de la chanson française, que Jane Birkin a interprétés toute sa vie.

Ensemble, ils ont donné vie à certains des classiques les plus emblématiques de la chanson française. Jane Birkin, morte ce dimanche à Paris à l'âge de 76 ans, a porté toute sa vie l'image de la muse de Serge Gainsbourg - bien après la disparition de ce dernier en 1991.

D'abord comédienne, c'est avec lui que la jeune britannique s'aventure dans la chanson. En tout, le musicien français lui a écrit pas moins de six albums parcourus de tubes intemporels, qu'elle a continué à chanter toute sa vie.

Rencontre de cinéma

Jane Birkin n'a que 22 ans, en 1968, lorsqu'elle fait la connaissance de Serge Gainsbourg - de 18 ans son aîné. À l'époque, elle vient de faire des débuts retentissants dans le cinéma avec le film Blow Up de Michelangelo Antonioni, Palme d'or du Festival de Cannes 1967.

Tout juste séparée du compositeur anglais John Barry avec qui elle a eu une fille, Kate, elle se fait repérer par Pierre Grimblat. Le réalisateur français la choisit pour son film Slogan, malgré son français balbutiant, et la jeune femme le suit à Paris pour le tournage. Serge Gainsbourg, l'acteur principal, pensait donner la réplique à la mannequin-star américaine Marisa Berenson.

Avec sa remplaçante, il se montre odieux. L'ambiance sur le plateau se détériore: "La première semaine, elle pleurait tous les soirs dans sa loge et criait: 'c'est un salaud, un salaud!'", s'était souvenu Grimblat.

"Je l'ai trouvé compliqué, arrogant, pendant le tournage. Il n'avait aucune gentillesse envers moi, il me mettait très mal à l'aise", sesouvenait Jane Birkin en 2017 dans Le Monde.

Mais un dîner chez Régine viendra briser la glace.

"Je la trouvais pas terrible et j'ai changé d'avis"

Le metteur en scène a en effet l'idée de les inviter à dîner dans un très bon restaurant parisien et leur faire faux bond. Afin qu'ils puissent crever l'abcès dans un tête-à-tête forcé.

Ce soir-là, Gainsbourg se détend. "Je la trouvais pas terrible et j'ai changé d'avis", admettra-t-il. "En une seule soirée, le personnage avait radicalement changé et j'étais tombée amoureuse de lui. J'ai compris que cette arrogance était de la timidité. Finalement, c'était un chou. Drôle, charmant, prévenant", dira Jane.

Suit une nuit en boite - la première d'une très longue série - où elle trouve "exquis" qu'il lui marche maladroitement sur un pied pendant un slow. Et quand ils finissent à l'aube par prendre une chambre d'un grand hôtel, elle fait semblant de ne pas entendre le concierge demander: "la même que d'habitude, monsieur Gainsbourg?". Rien de torride, il tombe comme une masse et s'endort. De retour sur le plateau, ils se tiennent par la main.

Premier succès planétaire

Les amoureux s'installent ensemble rue de Verneuil, à Paris. Charlotte, leur fille, naît en 1971. Dans le même temps, leur collaboraiton professionnelle se met en place. En 1969 sort l'album Jane Birkin - Serge Gainsbourg, écrit par ce dernier et sur lequel les interprétations de l'un et de l'autre alternent. La première piste, un duo langoureux intitulé Je t'aime… moi non plus, leur offre un succès planétaire au parfum de scandale.

Ce titre a d'abord été écrit par Serge Gainsbourg dans l'optique d'un duo avec Brigitte Bardot lors de son idylle avec l'actrice. Comme la vedette du 7e art est alors mariée avec le playboy allemand Gunther Sachs, le titre, à la charge sexuelle explicite, enregistré en 1967, est mis en sommeil. Ce qui laisse le chant libre au musicien pour enregistrer une nouvelle version avec Jane Birkin. Cette chanson ponctuée de râles amoureux sera condamnée par le Vatican.

Quatre ans plus tard sort le disque Di Doo Dah, écrit par Serge Gainsbourg avec la collaboration ponctuelle de Jean-Claude Vannier. Cette fois, Jane Birkin est la seule star. La jeune femme interprète tous les titres, parmi lesquels figurent celui qui donne son titre à l'album.

C'est ce morceau qui impose la signature vocale de Jane Birkin avec un refrain-ritournelle qui reste durablement en mémoire. Il est modelé par Serge Gainsbourg, qui se sert des complexes la jeune Jane, quand elle était en pensionnat en Angleterre.

"Les autres filles ont de beaux nichons/Et moi, moi je reste aussi plate qu'un garçon/Que c'est con", y chante-t-elle.

À l'époque, la chanteuse a déjà largement pris sa revanche sur l'adolescence ingrate. Sa silhouette filiforme est à la une des magazines et on lui colle l'étiquette de sex-symbol.

Albums et tubes continuent à s'enchaîner, notamment avec l'album Ex-fan des sixties et le morceau éponyme, sortis en 1978. L'idylle de Jane et Serge ne durera que deux années supplémentaires, mais leur collaboration lui survivra.

C'est en 1980 que Jane Birkin claque la porte de sa relation avec ce compagnon noyé dans l'alcool. "Elle m'a jeté et c'était bien fait pour ma gueule, moi qui lui cassais la sienne" a-t-il lâché dans Les Inrocks en 1987.

De chansons d'amour en chansons de rupture

Trois ans après cette rupture sort le disque Baby Alone in Babylone sur lequel figure la chanson Les Dessous chics, toujours écrit par son désormais ex-compagnon. Un chanson à part, pour la chanteuse:

"C'est la plus belle chanson sur la séparation qu'on puisse avoir, confiera Jane Birkin à l'AFP. "C'est probablement ma préférée, car tout ce qui est dedans, c'est vraiment lui."

"Il y a une grande pudeur dans toutes ces chansons qu'il a écrites sur la séparation. Serge n'a jamais cessé de m'en écrire jusqu'au bout", dira-t-elle encore.

En 1990 sort Amours des feintes, l'ultime album que Serge Gainsbourg offrira à Jane Birkin. Le musicien meurt l'année suivante. Mais le répartoire auquel ils ont donné naissance continuera à accompagner Jane Birkin toute sa vie.

Outre l'album Versions Jane (1996), dans lequel elle reprend des morceaux de son ancien compagnon, elle sort en 2017 un album de reprises du chanteur accompagnée d'un orchestre symphonique. Elle défendra ces nouvelles versions lors d'une tournée, qui l'emmènera notamment interpréter Elisa à New York avec Iggy Pop.

"Revenir une fois de plus à Serge: je n'ai pas trouvé mieux", avait-elle confié.

En 2018, Jane Birkin publie ses carnets intimes intitulés Munkey Diaries, du nom d'un singe en peluche qui l'avait accompagnée depuis l'enfance. Elle confie à RTL à cette occasion avoir glissé la peluche dans le cercueil de Serge Gainsbourg: "Je savais qu'il voulait toujours mon singe et qu'il avait toujours son œil dessus et ça le réconforterait peut-être qu'il soit dedans."

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV