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Surfréquentation, pollution, banalisation: pourquoi l'ascension de l'Everest risque d'être limitée

Record de permis d'ascension, emboutaillage au sommet, décharge à ciel ouvert... L'Everest n'a jamais été autant gravi qu'aujourd'hui. Une situation qui a motivé la Cour suprême du Népal à demander à limiter le nombre d'alpinistes pouvant la gravir chaque année.

Le plus haut sommet du monde est-il devenu une attraction touristique comme les autres? Voilà plus de 70 ans que le mont Everest est arpenté par des alpinistes aux nationalités diverses. Le départ récent du youtubeur français Inoxtag a de nouveau mis en lumière cette montagne dans l'Hexagone.

La fin de la crise sanitaire liée au Covid-19 et la réouverture des frontières ces dernières années a toutefois redonné l'envie à plus d'un aventurier de tenter cet exploit. Une expérience unique mais onéreuse - le coût d'une ascension peut se chiffrer en dizaine de milliers de dollars - et aux tristes conséquences environnementales. Raison pour laquelle la Cour suprême du Népal a ordonné au gouvernement du pays de limiter désormais le nombre d'ascensions des hauts sommets himalayens.

Record d'obtention de permis pour grimper l'Everest

La décision de la Cour suprême du Népal survient alors que débute la saison printanière de l'escalade de l'Everest. Cette période, marquée par des températures plus clémentes et des vents généralement faibles, offre des conditions météorologiques optimales pour gravir le toit du monde.

Mais le temps n'est pas la seule contrainte pour les alpinistes, l'argent l'est aussi. Le Népal accorde actuellement des permis pour la modique somme de 11.000 dollars. Un tarif qui passera même à 15.000 dollars en 2025, et sans compter les frais de visas, transports, séjour, équipement et facturation des sherpas qui aident les alpinistes en portant leurs bagages lors de l'ascension. Des expéditions parmi les plus chères que propose aujourd'hui le globe, et pourtant 478 permis ont été octroyés l'année dernière, un record.

L'embouteillage humain de 2019

Avant la pandémie de Covid-19, qui avait contraint les autorités népalaises à annuler les permis d'ascension de l'Everest, le nombre d'alpinistes tentés de le gravir était déjà préoccupant. Le 22 mai 2019, l'alpiniste népalo-britannique Nirmal Purja publie sur son compte Instagram cette photo du sommet de l'Everest où un important embouteillage s'est formé impliquant "environ 320 personnes" sur la "zone de la mort" où l'oxygène se raréfie.

Conséquence: les membres des expéditions ont été contraints d'attendre des heures sur l'Everest sous des températures très basses. Sur les onze morts liées à l'ascension de l'Everest enregistrées cette année-là, au moins quatre étaient imputables au surpeuplement.

"Nous mettons trop de pression sur la montagne et nous devons lui donner un peu de répit", a lancé Deepak Bikram Mishra, l'avocat à l'initiative de requête adressée à la Cour suprême népalaise pour limiter ces ascensions.

Dans le résumé de la décision qu'elle vient de rendre, la Cour suprême du Népal - sans fournir de chiffre - demande à ce que la capacité d'accueil des zones montagneuses soit "respectée" et qu'un nombre maximal adéquat de permis doit être déterminé.

Everest: pourquoi l'ascension d'Inoxtag inquiète les professionnels de la montagne?
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Plus haute poubelle du monde

Outre la limitation du nombre des alpinistes, la Cour suprême du Népal a également préconisé "des mesures pour la gestion des déchets et la préservation de l'environnement" dans les zones montagneuses où se situe l'Everest. La présence humaine entraîne en effet avec elle sa pollution.

Plastique, bouteilles d'oxygène, chaussures, tentes, canettes... En mai 2023, ce sont pas moins de 1,6 tonne de déchets qui a été redescendue par un explorateur français et son équipe de 80 porteurs. "Il y a des gens qui sont capables de payer jusqu'à 150.000 dollars pour avoir un maximum de confort au camp de base et tout cela génère des contingences matérielles", expliquait l'alpiniste Luc Boisnard à TV5 Monde.

Autre conséquence méconnue: les déjections humaines. La municipalité rurale de Pasang Lhamu impose désormais aux alpinistes de ramasser leurs excréments et de les redescendre avec eux jusqu'au camp de base népalais.

Débats autour de l'ascension d'un youtubeur français

Plus récemment dans l'actualité, c'est un créateur de contenus qui a voulu se lancer dans "l'entraînement d'une vie" en seulement un an: Inoxtag. Le youtubeur français, âgé de seulement 22 ans, s'est préparé pendant des mois avant de partir pour l'Himalaya. Un projet qui agace parmi les professionnels de la montagne.

"C'est du grand n'importe quoi!", a confié à BFMTV Pascal Tournaire, photographe habitué de l'Everest, "la plupart des gens qui vont là-bas ne s'intéresse pas à la montagne et veulent faire le sommet, rien que pour l'ego."

Marc Batard, guide de haute-montagne, se dit quant à lui "dérangé" par cette communication du Youtubeur qui "banalise totalement cette montagne".

Le 6 avril dernier, le jeune homme poste une dernière vidéo sur sa chaîne YouTube où il annonce être parti pour gravir le mont Everest. Sans aucune nouvelle de lui, ses fans affichent leur soutien sur les réseaux sociaux, certains ne cachant pas non plus leur inquiétude.

"Physiquement et mentalement, il est prêt. Tout est aligné pour que ça fonctionne", a confié au début du mois d'avril Mathis Dumas, le guide de haute montagne qui accompagnera le vidéaste pour cette aventure.

Hugues Garnier avec AFP Journaliste BFMTV