Kim Jong-un met en scène le lancement d'un missile balistique nord-coréen dans une vidéo théâtrale

Jeudi, Pyongyang a déclaré avoir tiré son plus puissant missile balistique intercontinental. Une réunion du Conseil de sécurité doit se tenir ce soir à l'ONU.

Les portes d'un hangar s'ouvrent, dévoilant trois hommes. Au centre figure Kim Jong-un, le dirigeant nord-coréen affublé d'un blouson d cuir et d'une paire de lunettes de soleil. Il est flanqué de deux militaires, et avance devant un véhicule transportant un imposant missile.

Cette scène, accompagnée d'une musique kitsch rappelant de mauvais films d'action, s'inscrit dans une vidéo longue de près de 12 minutes qui a été diffusée à la télévision nord-coréenne. Elle est censée montrer le lancement du missile balistique intercontinental (ICBM) Hwasong-17, comme l'indique le site spécialisé NK News.

Photo extraite de la vidéo de propagande nord-coréenne diffusée le 25 mars 2022. © AFP

Explosion visuelle

Lancé jeudi, ce missile est le plus puissant que possède la Corée du Nord. Il a parcouru 1090km, selon KCNA, l'agence de presse gouvernementale nord-coréenne, et a atterri dans la zone économique exclusive du Japon.

Si l'on en croit la vidéo diffusée par les autorités nord-coréennes, ce lancement est une réussite. C'est une véritable explosion visuelle qui s'offre aux yeux du spectateur. Zooms, séquences ralenties puis accélérées: toute la panoplie d'outils proposée par les logiciels de montage y passe. Après avoir donné le go - en retirant ses lunettes de soleil - pour que le véhicule se rende au lieu du lancement, Kim Jong-un s'extasie derrière une fenêtre une fois le missile dans les airs.

Tout sourire, il applaudit ensuite des deux mains avec ses militaires, alors que des soldats en treillis pleurent à chaudes larmes dans les bois, se prenant dans les bras. La musique électronique du début a été remplacée par un concert larmoyant d'instruments à cordes. La vidéo s'achève sur un coucher de soleil.

Condamnation des Occidentaux

Derrière cette vidéo de propagande qui se voulait héroïque se cache une opération militaire qui inquiète les Occidentaux. Le Hwasong-17, dévoilé pour la première fois en octobre 2020, est surnommé "missile monstre" par les analystes.

D'après Josh Smith, journaliste couvrant la Corée du Sud et la Corée du Nord pour l'agence Reuters, "le gouvernement japonais estime que le nouvel ICBM Hwasong-17 nord-coréen a une portée d'au moins 15.000 km". Une infographie montre que sur le globe, seule une zone englobant une partie de l'Amérique du Sud et une partie de l'Antarctique peut lui échapper.

Possible manipulation des images

Dans la foulée de l'annonce du tir, les Occidentaux ont unanimement condamné l'opération. Le porte-parole du département d'État américain Ned Price a dénoncé les menaces que fait peser cet essai sur "l'ensemble de la communauté internationale". De nouvelles sanctions ont été prises par les États-Unis. La Corée du Sud, qui a tout juste élu un président conservateur opposé au rapprochement avec Pyongyang, a riposté en lançant de nombreux missiles.

La vidéo dévoilée par les médias nord-coréens est néanmoins à regarder avec prudence. Le site relié à NK News, NK Pro, indique, après avoir comparé des images satellites avec des détails visibles sur la vidéo, que les faits relatés dans le document sont potentiellement faux ou inexacts.

La vidéo semble avoir été tournée la semaine dernière, date à laquelle Séoul a révélé que la Corée du Nord avait déjà tenté de lancer un missile, qui avait explosé au-dessus de Pyongyang. De même, l'agence de presse Yonhap cite un responsable gouvernemental sud-coréen de haut-niveau, qui déclare que le missile qui s'est écrasé jeudi près des côtes japonaises pourrait en réalité être un Hwasong-15, une version antérieure du missile.

En clair, la vidéo montrerait le lancement réussi d'un missile Hwansong-17, alors que dans les faits, l'arme aurait explosé dans les airs une semaine auparavant. Le missile qui a atteint son objectif ce jeudi appartient à une version antérieure.

Des interrogations qui ne viennent cependant pas minimiser la gravité du tir nord-coréen. Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU doit se tenir ce soir à 20h.

Jules Fresard