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Comment un notaire parisien et une équipe de notables volaient des millions d'euros d'héritages

Après avoir repéré les personnes âgées sans famille proche, un notaire rédigeait de faux testaments afin de récupérer leur héritage à leur mort. Ce dernier agissait notamment avec un autre notaire, un avocat, un directeur d'Ehpad et un généalogiste.

Avocat, notaire, responsable de pompes funèbres ou directeur de maison de retraite: neuf personnes comparaissent à partir de lundi devant le tribunal de Cusset (Allier) pour avoir détourné plus de cinq millions d'euros d'héritages de personnes âgées isolées. Les neuf prévenus sont notamment poursuivis pour "escroquerie en bande organisée".

L'affaire commence en 2015 après la mort à Servilly (Allier) d'un retraité vivant seul depuis la mort de son épouse, sans famille ni proches connus. Un huissier de justice désigné pour procéder à l'inventaire de ses biens avait alors retrouvé un testament dans lequel les époux se léguaient réciproquement leurs propriétés.

Mais quelques semaines plus tard, un notaire de Saône-et-Loire, Me Alain Cauvel, attestait qu'un autre testament avait été confié par le défunt à un avocat parisien, Me Georges-Henri Laudran, désignant une légataire libanaise. Face aux doutes formulés par l'huissier sur l'écriture du testament et l'identité de son auteur, une information judiciaire avait été ouverte pour "faux et usage de faux".

Des biens revendus à prix cassés à des proches

L'enquête, qui a duré plusieurs années, a révélé une dizaine d'autres cas de décès assortis de de détournements de biens entre 2011 et 2015. Cette enquête a surtout permis d'identifier le personnage central et cerveau de l'affaire: Jean-Louis Magnin, 67 ans, un ancien notaire parisien destitué.

L'homme avait fondé une société "Direct skyline" qui lui permettait, via un "fichier deuil" de recenser les titulaires de contrats obsèques, avec l'aide d'un généalogiste.

"Il organise le détournement des successions en produisant un faux testament olographe dès qu'il est informé d'un décès et de l'absence d'héritiers réservataires", souligne l'ordonnance de renvoi consultée par l'AFP.

Les faux testaments désignaient Jean-Louis Magnin ou ses proches comme légataires universels. L'une des successions comprenait 60 biens distincts, des contrats d'assurance-vie et des produits bancaires à hauteur de 1,1 million d'euros. Les biens immobiliers ainsi détournés étaient revendus "à vil prix" aux proches du patron de "Direct skyline" ou aux membres de sa famille.

Biens immobiliers, chevaux de course et voitures de luxe

Le montant total des détournements a été évalué à 5,6 millions d'euros dont 4,7 millions au seul profit de l'ancien notaire, propriétaire de plusieurs biens immobiliers situés dans différentes communes ou arrondissements, mais aussi de chevaux de course et de voitures de luxe. En même temps, le notable avait affirmé à de nombreuses reprises avoir des problèmes financiers, selon les déclarations des autres prévenus en garde à vue.

"Il apparaît que Jean-Louis Magnin est bien l'instigateur et le dénominateur commun de tous les détournements de successions", selon l'ordonnance de renvoi.

Outre le notaire de Saône-et-Loire, l'avocat parisien et le généalogiste, un chef d'entreprise du BTP, un responsable de pompes funèbres, un directeur d'Ehpad chargé de repérer les pensionnaires sans famille et deux femmes proches de Jean-Louis Magnin seront jugés à ses côtés pour leur implication à des degrés divers.

"Bien que les personnes mises en examen ne soient pas intervenues sur l'ensemble des successions détournées, elles ont toutes agi à la demande de Jean-Louis Magnin au sein d'une organisation structurée" où "chacun par intérêt personnel et en raison de sa qualité professionnelle a pu jouer un rôle", selon l'ordonnance de renvoi. Les prévenus, qui comparaissent jusqu'à vendredi, encourent une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement.

JLD avec AFP