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TOUT COMPRENDRE - Quelles règles de sécurité les chasseurs doivent-ils respecter?

S'ils sont de moins en moins nombreux, les accidents de chasse restent dramatiques, et s'avèrent la majeure partie du temps dus au non-respect des règles de sécurité en place.

La mort d'une randonneuse de 25 ans, samedi lors d'une battue aux sangliers dans le Cantal, a replacé le débat sur la chasse et sa dangerosité au coeur de l'actualité. La jeune femme a été mortellement blessée par une balle perdue samedi après-midi, alors qu'elle se promenait sur un chemin balisé avec son compagnon dans une commune proche d'Aurillac.

Une enquête est en cours pour déterminer les causes de ce drame, mais déjà des demandes de restrictions de cette pratique ont été faites, ainsi qu'un renforcement des règlementations.

"Il s'avère la majeure partie du temps, voire sur chaque accident, que ce que l'on constate c'est un non-respect des règles de sécurité" de chasseurs, a déclaré ce lundi matin sur France Info Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la Biodiversité. "Les règles les plus essentielles comme le respect de l'angle de tir, la connaissance de son environnement, bien souvent sont enfreintes en cas d'accidents."

· Quelles sont les règles essentielles de la chasse?

Pour commencer à chasser, il faut avant tout avoir un permis de chasse. Il peut s'obtenir dès l'âge de 15 ans, bien que la chasse ne soit autorisée qu'à partir de 16 ans, écrit le site Service public. Il faut aussi fournir un certificat médical attestant que son "état de santé physique et psychique est compatible avec la détention d'une arme". Une formation théorique et pratique est ensuite dispensée, suivie d'un examen.

La loi du 24 juillet 2019 a mis en place des règles nationales pour garantir "la sécurité des chasseurs et des tiers" lors d'une action de chasse. Elle instaure "le port obligatoire du gilet fluorescent pour les chasseurs en action collective de chasse à tir au grand gibier" et oblige la pause de panneaux de prévention (de type "chasse en cours") "à proximité immédiate des voies publiques lors des actions collectives de chasse à tir au grand gibier". Elle met également en place l'obligation tous les dix ans pour les chasseurs de faire une remise à niveau "sur les règles élémentaires de sécurité".

Nicolas Rivet, directeur de la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC), souligne auprès de BFMTV.com la règle des 30 degrés, qui a notamment pour but de protéger les autres chasseurs. Il s'agit de déterminer une zone entre deux chasseurs côte à côte, "et il ne faut pas tirer dans cet angle" afin de protéger son voisin, explique Nicolas Rivet.

Sur son site, la Fédération Nationale de Chasse rappelle également "qu’on ne tire que vers un gibier clairement identifié, pas une simple forme" car "derrière la haie, le champ de maïs, le coin du bois, peut se trouver une personne totalement ou partiellement soustraite à la vue du tireur." Et bien évidemment, il ne faut "pas tirer un gibier en direction des habitations et des routes."

"Le tir ne se fait jamais à hauteur d’homme, ni sans s’être assuré que la zone balayée par les canons est déserte et sans risque", écrit également l'Office Français de la Biodiversité qui ajoute que l’arme ne doit être "chargée que lorsque le chasseur est en instance de tir. Le reste du temps, l’arme est déchargée et ouverte."

D'autres règles sont également en place au niveau départemental, avec des règlementations propres à certains territoires "car on ne chasse pas avec les mêmes pratiques partout, et le biotope est différent" d'une région à l'autre explique Nicolas Rivet.

· Qui surveille le respect de ces règles?

Le directeur de la FNC souligne qu'il existe des agents pour la police de la chasse, venant de l'OFB, mais aussi de la police et gendarmerie nationale, ou encore de l'Office national des forêts. Mais ces contrôles sont "quand même assez rares", déplore Nicolas Rivet, "on considère qu'il n'y en a pas assez".

"Les agents ne sont pas assez nombreux pour les contrôler" abonde auprès de BFMTV.com Marc Giraud, naturaliste et porte-parole de l'ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages).

Au quotidien, lors d'une partie de chasse, ce sont les chasseurs qui se contrôlent donc majoritairement entre eux. Cela commence par ce qui est appelé "le rond", un regroupement entre les participants avant la chasse lors duquel les règles de sécurité sont réexpliquées à tous par un des chasseurs, nommé responsable de la chasse.

"Les consignes verbales sont maintenant de plus en plus souvent doublées par des consignes écrites, remises au chasseur qui reconnaît en avoir pris connaissance et s’engage à les respecter en signant le registre de battue", explique la FNC. "En cas d’accident, la responsabilité du responsable de chasse n’ayant pas donné les consignes est systématiquement engagée".

Marc Giraud pointe du doigt le fait que les chasseurs, même s'ils sont soumis à des règles, se contrôlent en grande partie eux-mêmes sur le sujet, et demande que le contrôle d'un organe extérieur soit mis en place.

"Il y a beaucoup de règles et elles sont parfois compliquées à comprendre", déplore-t-il également, notamment pour les promeneurs, qui ne vont pas forcément comprendre le sens d'un panneau préventif. L'un des problèmes selon lui, c'est que "les règles de sécurité concernent surtout les chasseurs eux-mêmes", et n'incluent pas suffisamment les personnes habitant par exemple autour d'une zone de chasse, et qui peuvent être impactées par une battue.

· Y a-t-il beaucoup d'accidents?

"Sur la saison 2020-2021, 80 accidents de chasse ont été recensés, dont 7 mortels concernant 6 chasseurs et 1 non-chasseur", écrit le ministère de la Transition Ecologique, précisant que "le nombre de victimes d’accidents de chasse a diminué continuellement depuis plus de 20 ans. Il était ainsi de 232 en 2000 et de 131 en 2010."

Evolution du nombre d'accidents de chasse en France
Evolution du nombre d'accidents de chasse en France © OFB

Près de 90% des victimes des accidents de chasse restent les chasseurs, selon le dernier bilan de l'OFB et "la chasse du grand gibier reste celle qui entraîne le plus d’accidents". D'après l'organisme, la principale cause des accidents de chasse vient du non-respect de la règle de l'angle des 30 degrés, "il représente à lui tout seul 60% des accidents lors des chasses au grand gibier."

D'autre part "les auto-accidents (29%) restent toujours aussi élevés", note l'OFB et "les tirs en direction des routes ou habitations qui sont à l’origine d’accidents, mais également d’incidents (pas de victimes physiques) restent encore trop nombreux."

· Quelles sanctions?

En cas de manquements au règlement, "il y a des contraventions en fonction de la gravité des faits" explique Nicolas Rivet. Et "si quelqu'un est dangereux, il peut également y avoir un retrait du permis de chasse, pour une période donnée ou plus longtemps", explique-t-il, rappelant qu'il s'agit de décisions de justice.

Pour des actes graves, ayant par exemple engendré la mort, des peines de prison peuvent être prononcées. En novembre dernier, un chasseur de 77 ans a ainsi été reconnu coupable d'homicide involontaire, et condamné à un an de prison avec sursis, après avoir mortellement blessé un autre chasseur, rapporte Le Parisien. L'homme n'avait pas respecté la règle des 30 degrés.

En janvier, Ouest-France racontait également la condamnation de trois chasseurs. Lors d'une battue au sanglier, le périmètre de chasse établit à deux cents mètres des habitations n'avait pas été respecté, et des chasseurs avaient tiré dans la maison d'un riverain. Personne n'avait été blessé, mais les chasseurs ont vu leur permis de chasse retiré pour deux ans et des amendes ont été imposées.

· Faut-il instaurer de nouvelles règles?

Devant ces accidents, "il nous faut plus réglementer cette activité, il y a urgence!", avait réclamé dès samedi le candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot. Après le drame de ce samedi dans le Cantal, les candidats à la présidentielle Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Yannick Jadot (EELV) ont ainsi proposé que la chasse soit interdite les weekends et pendant les vacances scolaires.

Pour rappel, une pétition réclamant l'interdiction de la chasse le mercredi et le dimanche avait recueilli plus de 120.000 signatures l'automne dernier et poussé le Sénat à créer une commission sur la sécurité.

La FNC est opposée à cette restriction du nombre de jours, car "la chasse est un loisir et les gens qui la pratiquent ne peuvent le faire que sur leur temps libre, donc le weekend", explique Nicolas Rivet.

Des associations réclament globalement plus de contrôles des chasseurs, que ce soit au niveau du maintien de leurs compétences dans le temps que du bon fonctionnement de leur arme, ou même de leur taux d'alcoolémie. "Rappelons qu’il existe d’immenses failles, comme l’impossibilité de contrôler le taux d’alcool chez les chasseurs. Ce n’est qu’en cas d’accident que des sanctions auront lieu, mais dans ce cas, il est déjà trop tard", explique ainsi l'association de protection des animaux PETA à BFMTV.com.

Elle dénonce évidemment le fait d'abattre des animaux, mais souligne aussi l'importance de mettre en place des formations plus strictes et un "réel contrôle et suivi des armes de chasse et des comportements à risque".

Salomé Vincendon
Salomé Vincendon Journaliste BFMTV