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Le gouvernement réfléchit de nouveau à taxer les rachats d'actions

Alors que les rachats d'actions ont battu des records en 2023, la piste a été évoquée par le Premier ministre. Il vise les entreprises qui s'adonnent à ce type de programmes "plutôt que d'investir et de mieux rémunérer leurs salariés".

Balayée par le gouvernement à l'automne, la taxe sur le rachat d'actions est de retour sur le devant de la scène. Si Bruno Le Maire a pris la plume dans les Echos la semaine dernière pour s'opposer à toute hausse d'impôts, certaines entorses au dogme fiscal sont évoquées pour faire face à la dégradation des comptes publics.

Parmi celles-ci, le Premier ministre Gabriel Attal a estimé vendredi, auprès du Monde, qu'il était envisageable de taxer "les opérations type rachats d'actions menées par de grands groupes qui, plutôt que d'investir et de mieux rémunérer leurs salariés, rachètent leurs propres actions pour faire monter leur cours".

La piste était déjà ressortie la veille lors de la première réunion de la "task force" parlementaire, chargée de dégager des propositions sur "la taxation des rentes" d'ici fin juin. Pour rappel, les rachats d'actions ont battu des records en 2023, atteignant 30 milliards d'euros rien que pour le Cac 40.

Doze d'économie : Taxation des rachats d'actions, bonne idée ? - 08/04
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Une mesure similaire existe aux États-Unis où la pratique du rachat d'actions est bien plus importante. Washington a mis en place une taxe de 1% sur ce type de programmes il y a plus d'un an. Et Joe Biden a exprimé ouvertement son désir de multiplier ce taux par quatre.

"Il y a deux arguments qui peuvent justifier la mise en place de cette taxe", estime Xavier Timbeau, directeur principal de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) sur BFM Business.

"Premièrement, dans une situation budgétaire tendue, l'exécutif compte diminuer les dépenses sociales. Le message politique qui peut vouloir être envoyé, c'est que les pauvres ne sont pas les seuls à être mis à contribution."

L'économiste évoque également une "distorsion fiscale". "Les actionnaires qui vendent leurs actions sont taxés à 30% sur les plus-values au titre du prélèvement forfaitaire unique, expose-t-il. Lors du rachat, les actionnaires restés au capital réalisent des plus-values latentes, non taxées, car la vente conduit à une hausse du cours en bourse (en cas de destruction des actions, NDLR). Cette taxation au moment où la plus-value est générée pourrait être un moyen de pallier cette absence de taxation sur les plus-values latentes".

L'idée d'une taxe est déjà taclée par le patronat qui se défend du caractère opportuniste du rachat d'actions. "Il y a des cas où l'entreprise cherche à se renforcer pour se protéger (contre une prise de participation, NDLR), à distribuer des actions gratuites à ses collaborateurs…", explique Christian Poyau, PDG de Micropole sur l'antenne de BFM Business. L'entrepreneur avance que ces programmes poursuivent généralement une logique "vertueuse" et ne se font pas au détriment de l'investissement et de l'emploi.

Les Experts : Faut-il taxer les rachats d'actions ? - 08/04
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20:39

Les réticences patronales ne seront pas l'unique épine dans le pied du gouvernement. Une taxe sur les rachats d'actions pourrait s'avérer contraire au droit européen, rappelant l'écueil de la taxe sur les dividendes des entreprises. Votée sous François Hollande, la contribution de 3% demandée aux sociétés avait été censurée par le Conseil constitutionnel en 2017. L'État avait alors été contraint de rembourser les sommes perçues.

Théodore Laurent