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Malus pour les locataires de HLM: comment Compiègne compte accéder aux casiers judiciaires

Aux critères habituels d'évaluation des dossiers pour attribuer des logements sociaux, la ville de Compiègne a décidé de mettre en place des bonus-malus.

C'est une décision qui fait beaucoup réagir. La ville de Compiègne a décidé de mettre en place un système de bonus-malus pour les candidats à la location de logements sociaux. Ainsi, aux habituels critères d'évaluation des dossiers (composition familiale, niveau de ressources du ménage, situation de handicap...), Philippe Marini, le maire de la ville, prévoit une "grille de cotation" avec notamment quatre malus et deux bonus.

Par exemple, si un membre du ménage a causé des troubles au voisinage, l'ensemble du foyer risque de se voir attribuer -10 points. Si ces troubles sont couplés à une condamnation pour trafic de drogue, le malus atteint alors 25 points. En revanche, 5 points de bonus sont prévus: l'un pour "implication dans la vie locale", l'autre pour les "travailleurs essentiels", exerçant un des métiers considérés comme étant en tension dans l'agglomération.

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Pourquoi avoir pris une telle décision?

Sur BFMTV, Philippe Marini, maire Les Républicains de Compiègne, s'explique. Pour lui, c'est une question de respect.

"Quelqu'un qui loue un logement s'engage à l'utiliser de manière à ne pas perturber le voisinage".

Et il ajoute: "C'est une règle simple de la vie collective et un immeuble social, c'est un immeuble où doit se pratiquer une vie collective. Ça nécessite du respect et de la compréhension entre les uns et les autres".

Est-ce légal?

Guillaume Aichelmann, chargé de mission Logement social pour CLCV, affirme sur BFMTV que le maire de Compiègne est dans une situation hors-la-loi. "Se débarrasser des délinquants, pas de soucis. Mais il faut qu'ils soient déjà dans le logement. Là vous leur barrez (l'accès au logement) avant qu'ils y soient. Monsieur le maire décide de se prendre pour un juge".

De plus, Guillaume Aichelmann affirme que les nouveaux critères retenus par la mairie ne concernent pas que des décisions de justice. Il donne pour exemple: "Imaginez-vous êtes un locataire, vous avez un voisin avec qui vous ne vous vous entendez pas très bien, imaginons que ce voisin décide de vous mettre une main courante ou un dépôt de plainte. Du coup vous serez privé de logement social pendant 5 ans sans le moindre recours clair".

Ce à quoi Philippe Marini lui répond que c'est tout à fait faux. "Une main courante contre son voisin, ça ne compte pas. Dans ce document (la nouvelle grille de cotation, NDLR), on évoque des décisions de justice".

Philippe Marini précise que cette grille de cotation n'est qu'indicative. "La loi le précise bien, c'est indicatif. C'est un guide pour examiner les candidatures". Et il note: "Ce sont des éléments objectifs dont les membres de la commission peuvent faire usage pour motiver leur examen des dossiers".

Comment la ville pourra-t-elle avoir accès aux décisions de justice?

Le maire de Compiègne assure que la mairie aura accès à ces données via la presse. "Les membres de la commission ne sont pas habilités à avoir communication des décisions judiciaires mais il leur est permis de lire la presse et je peux vous dire que la chronique judiciaire y est particulièrement nourrie". Le maire affirme que "tout ce qui fait l'objet de violence dans des immeubles, quelles qu'en soient les causes, risques sociaux notamment en termes de trafic de drogue, lorsqu'il y a des décisions des tribunaux, elles sont relatées en terme précis".

Ce qu'il ne précise pas, en revanche, c'est si pour chaque candidature, la commission va éplucher la presse pour vérifier que le nom n'est pas cité dans une affaire judiciaire. On rappellera aussi que les noms des délinquants ne sont pas toujours cités dans les médias (et que c'est interdit pour les mineurs délinquants).

Toutes les condamnations judiciaires auront-elles le même poids dans la cotation?

Non pas du tout. Guillaume Aichelmann demande à Philippe Marini ce qu'il se passerait si un élu est mis en examen pour une affaire de corruption, prise illégale d'intérêts ou favoritisme. Dans ce cas-là, obtiendrait-il un malus en ce qui concerne l'accès au logement social? Le maire lui répond: "On parle de ce qui est de nature à créer des tensions, des risques de violence, des risques d'incitation à des actes de délinquances à l'intérieur d'un immeuble collectif. On ne parle pas d'autre chose".

En revanche, une question importante n'a pas reçu de réelle réponse. Que se passe-t-il si, par exemple, un mari est condamné pour violence familiale. Toute la famille va-t-elle en pâtir? Philippe Marini a uniquement répondu: "Il y a une multitude de lignes sur cette grille de cotation pour permettre le débat au sein de la commission d'attribution".

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze Journaliste BFM Éco