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Ces travailleurs saisonniers qui refusent des postes faute de logement

Un million de travailleurs saisonniers sont embauchés chaque été en France. Mais beaucoup de logements loués autrefois aux saisonniers ont disparu du marché.

"Au début, j'ai cru que j'allais devoir refuser le poste", faute de logement abordable. Comme Mathilde Rallu, serveuse l'été à Saint-Malo, des milliers de saisonniers peinent à trouver un hébergement. Collectivités et employeurs apportent des débuts de solution, à l'échelon local. Un million de travailleurs saisonniers sont embauchés chaque été en France, notamment dans les régions touristiques, selon le ministère de la Ville et du Logement. Mais beaucoup de logements loués autrefois aux saisonniers ont disparu du marché, et de nombreux travailleurs peinent désormais à se loger dans ces endroits prisés par les touristes et aux loyers élevés.

A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), le prix et l'offre restreinte de biens immobiliers ont poussé Mathilde Rallu à s'éloigner de la ville pour parvenir à se loger. Etudiante en fac, elle travaillait l'été dernier comme serveuse dans un restaurant de la cité corsaire. "J'ai cru que j'allais devoir refuser le poste, mais j'ai finalement eu un logement au camping d'une commune voisine", rapporte la jeune femme de 19 ans. "Sans permis, j'ai fait tous les trajets en bus".

Marché du travail tendu, forte demande des employeurs dans ces régions touristiques, logements hors de prix pour les saisonniers: pour résoudre cette équation, le gouvernement a dévoilé en mai quinze mesures pour "améliorer l'emploi des saisonniers". Dont "l'ouverture dès cet été, de 1.300 chambres universitaires". Un dispositif qui s'appuie sur l'expérience déjà menée par plusieurs régions. A l'été 2022, la Bretagne a ouvert deux internats de lycées (à Dinard et Lamballe). "Nous poursuivons cette opération cet été, en ouvrant deux nouveaux internats", à Saint-Malo et Dinan, indique la Région. Ces quatre établissements proposent au total 200 lits.

Réguler les meublés touristiques

Mais pour le député Inaki Echaniz (PS, Pyrénées-Atlantiques), cette solution --limitée-- n'est pas la panacée: "Les saisonniers ne sont pas seulement des étudiants qui travaillent entre deux années d'études. Pour certaines personnes, le travail saisonnier est un choix; pour d'autres c'est une contrainte" et "les deux profils n'ont pas les mêmes attentes" pour le logement. Avec sa consoeur Annaïg Le Meur (Renaissance, Finistère), il a déposé en février une proposition de loi pour réguler les meublés touristiques. "Le tourisme de masse crée un emballement des meublés touristiques (Airbnb, Booking etc.) et raréfie les offres de logement pour les travailleurs saisonniers", rappelle le député. L'examen de la proposition de loi, prévu en juin, a été reporté en octobre.

La Nouvelle-Aquitaine a elle opté pour l'installation de logements temporaires: douze chalets sur un ancien camping municipal, près du lac de Vassivière (dans le nord de cette région), indique Michel Durrieu, conseiller régional chargé du tourisme. "Ce n'est pas loin de mon travail. Et avec ces nouveaux logements, je ne me retrouve pas seul dans un appartement. Je peux vivre un été avec d'autres saisonniers", déclare Jean-Baptiste Murcier, retraité de 68 ans, qui travaille en saison dans les clubs nautiques du lac.

La Région a mis en place pour l'été 2023 des logements modulaires (chalets, mobil-homes etc.) pour 300 saisonniers. Un nombre toutefois bien inférieur aux besoins: 200.000 saisonniers travaillent en Nouvelle-Aquitaine l'été dans des activités touristiques, dont beaucoup habitent à l'année loin du lieu de travail saisonnier. "Nous avons dû acheter ou construire onze maisons pour loger nos propres saisonniers", indique Corinne Delluc, directrice financière et des ressources humaines de la coopérative agricole Tom d'Aqui (Landes), qui emploie jusqu'à 350 personnes en période estivale --pas toutes logées par l'entreprise évidemment. "Les campings du coin se tournent vers une clientèle plus luxueuse, qui débourse plus en une semaine qu'un saisonnier en un mois", explique-t-elle.

D.L. avec AFP