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Ces centaines de milliers d’annonces immobilières qui ne donnent pas le DPE

De très nombreux bailleurs ne respectent pas l’obligation de mentionner la note du diagnostic de performance énergétique dans les annonces immobilières.

Des centaines de milliers d’annonces immobilières sur internet ne respectent pas la loi et n’affichent pas le diagnostic de performance énergétique. Cette note de DPE est pourtant obligatoire dès qu’on publie une annonce, que ce soit pour une location ou une vente.

En effet, il y a un peu plus de deux ans, en juillet 2021, au moment de l’entrée en vigueur de la loi Climat et résilience, seulement 66% des annonces publiées sur SeLoger étaient conformes. On progresse puisque désormais, on arrive à près de 85% des annonces pour l’achat et 80% pour la location, toujours selon le portail d’annonces qui a épluché près de 6 millions d’annonces. Mais cette part ne progresse plus depuis plusieurs mois. Et surtout, cela veut quand même dire que si vous prenez 10 annonces au hasard, entre une et deux ne respectent pas la loi.

Mais ça c’est une moyenne, dans certaines zones, c’est bien plus. Par exemple, pour les locations à Paris, BFM Immo a pu constater que plus des deux tiers des annonces n’avaient pas de DPE dans certains quartiers, affichant parfois des mentions “non soumis au DPE”.

Le problème se concentre surtout sur les locations. Car lors d’une vente, un notaire refusera de valider la transaction s’il n’y a pas de DPE. En location en revanche, personne ne va empêcher la signature d’un bail entre deux particuliers, même si cela n’est pas légal.

43% des logements du parc locatif interdits à la location

Ce manque de “bonne volonté” est très certainement lié à l’interdiction progressive à la location des passoires thermiques. Depuis le 24 août 2022, les propriétaires bailleurs n’ont plus le droit d’augmenter les loyers pour les logements notés F ou G. En outre, les logements les plus énergivores, une petite partie des G, les G+, n’ont déjà plus le droit d’être loués depuis le 1er janvier 2023. Et le mouvement va considérablement s’accélérer. A Partir de 2025, cette interdiction de louer concernera tous les logements classés G. En 2028, ce sera au tour de tous les logements F et enfin, en 2034, de toutes les étiquettes E.

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L’enjeu est considérable. Selon les données du ministère de la Transition écologique, au 1er janvier 2022, on dénombrait 1,6 million de logements classés F ou G sur les 8 millions de logements du parc locatif privé (soit 19,8% du parc). En y ajoutant les biens notés E (1,9 million de logements, soit 23,3% du parc locatif privé), on arrive à près de 3,5 millions de logements (43,1% du parc locatif privé) qui vont être progressivement interdits à la location d’ici 2034 et qui devront être rénovés. A titre de comparaison, c’est l’équivalent de plus de 10 ans de constructions de logements neufs en France.

3000 euros d’amende pour une annonce

Certains bailleurs peu scrupuleux préfèrent tout simplement ne pas mentionner le DPE du logement qu’ils louent en espérant que leur locataire ne leur réclame jamais des comptes. Et pourtant, ne pas respecter cette obligation peut vous coûter très cher. Déjà, le fait de ne pas mentionner le DPE dans une annonce, c’est 3000 euros d’amende pour un particulier, et 15.000 euros pour une agence immobilière. Ensuite, le locataire pourra vous attaquer en justice et exiger des travaux de rénovation énergétique. On peut aussi imaginer que certains locataires réclameront des dommages et intérêts, estimant s’être fait tromper.

Alors c’est vrai, il y a quelques rares cas où certains biens ne sont pas soumis à cette obligation de mentionner le DPE. La liste des exceptions est précisée par l’article R126-15 du Code de la construction et de l’habitation. C’est par exemple le cas pour certains bâtiments agricoles, les constructions provisoires, les monuments historiques ou encore les bâtiments servant de lieux de culte. Mais s’il s’agit d’un logement classique, un appartement ou une maison à usage d’habitation, c’est bien une obligation.

Le Conseil constitutionnel bientôt sollicité?

La tension monte de plus en plus sur cette question du DPE. Car les problèmes sont nombreux et la plupart des professionnels du secteur estiment qu’on va droit dans le mur et que le calendrier est “intenable”. La fiabilité des DPE est régulièrement mise à mal, les travaux de rénovation sont très chers (parfois plus de 50.000 euros), pas toujours faisables techniquement, sans compter qu’on n’est même pas sûr de trouver des artisans qualifiés pour le faire. En outre, plusieurs études à l’étranger (au Royaume-Uni et en Allemagne notamment) ont montré que les gains en termes de consommation énergétique des logements rénovés étaient infimes voire inexistants, les ménages en profitant pour gagner en confort en visant une température supérieure dans leur logement par rapport à avant (le fameux “effet rebond”).

L’Unis, l’Union des syndicats immobiliers, envisage d’ailleurs de poser une question prioritaire de constitutionnalité sur l’intégration du DPE à la notion de décence d’un logement. L’Unis estime en effet que l’interdiction de louer est une atteinte disproportionnée au droit de propriété. On peut penser qu’il s’agit là seulement des prémisses d’une très longue guérilla judiciaire à venir impliquant les propriétaires, les locataires, les diagnostiqueurs et l’Etat.

https://twitter.com/jl_delloro Jean-Louis Dell'Oro Rédacteur en chef adjoint BFM Éco