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Investisseurs immobiliers: gare aux passoires énergétiques

La facture pour rénover les logements énergivores est souvent lourde

La facture pour rénover les logements énergivores est souvent lourde - JoelHuegli / Pixabay

[AVIS D'EXPERT] De nouvelles contraintes s'appliquent progressivement aux passoires thermiques. Les investisseurs locatifs doivent donc être particulièrement vigilants et tout prendre en compte pour calculer la rentabilité d'une opération. Décryptage de notre expert Bassel Abedi, fondateur de Horiz.io (ex-Rendementlocatif.com).

Les logements les plus énergivores, classés de E à G au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE), vont progressivement être interdits à la location, avec un retrait total du marché locatif de ces biens visé en 2034. Ainsi, pour les investisseurs immobiliers, une vigilance s’impose quant à un futur achat ou un bien actuel, afin de prendre en considération une éventuelle rénovation… ou vente.

En effet, la loi dite Climat et Résilience du 22 août 2021 a instauré une interdiction graduelle de mise en location. Celle-ci sera fondée sur l’étiquette énergie des appartements et des maisons, réalisée à partir du diagnostic de performance énergétique (DPE). Ainsi, cette interdiction de mise en location concernera:

● en 2025 : tous les biens classés G

● en 2028 : tous les biens classés F

● et en 2034 : tous les biens classés E

En outre, dès 2023, les loyers des logements classés F et G (ce qu'on appelle généralmeent les "passoires thermiques") ne pourront plus être augmentés, à moins de réaliser des travaux de rénovation énergétique.

Par ailleurs, le mode de chauffage impacte considérablement la note énergétique, et ainsi, même en isolant et en refaisant l’isolation intégrale du logement, celui-ci pourra toujours être considéré comme "passoire énergétique" si le chauffage central est au fioul ou alimenté par un incinérateur (par exemple dans une copropriété).

Un audit énergétique obligatoire lors de la revente

La loi Climat prévoit aussi un nouvel audit énergétique (à ne pas confondre avec le DPE), qui sera obligatoire:

dès septembre 2022 : pour les classes F et G

● en 2025 : pour la classe E

● en 2034 : pour la classe D

Cet audit énergétique sera obligatoire lors de la vente de logements énergivores. Il doit se baser sur les émissions de gaz à effet de serre et CO2, sur les sources de gaspillage et non sur la consommation du logement. Il comportera également des propositions de travaux.

"A compter du 1er septembre 2022, les acquéreurs de maisons ou de bâtiments classés F ou G disposeront en complément de leur diagnostic de performance énergétique, d’un détail précis des travaux nécessaires pour conduire une rénovation performante par étape et une rénovation permettant d’atteindre directement la classe B", précise ainsi le ministère de la Transition écologique.

Quelles conséquences pour les investisseurs ?

Travaux de mise en conformité : le coup de pouce de MaPrimeRénov’

Le dispositif MaPrimeRénov’ est disponible pour tous les propriétaires qui souhaitent améliorer la performance énergétique de leur logement, et ce sans condition de revenus. En revanche, il doit s'agir d'une résidence principale (que ce soit pour un propriétaire bailleur ou un propriétaire occupant). Et depuis janvier 2022, le logement en question doit avoir au moins 15 ans d'ancienneté (contre 2 ans auparavant).

Cependant, malgré ces aides, pour certains propriétaires, le fait de rénover un logement destiné à la location ne serait pas rentable, avec un retour sur investissement trop faible. En effet, cet encouragement de l’État ne serait pas un argument suffisant pour se lancer dans des travaux de rénovation énergétique coûteux, et pas immédiatement rentabilisés par les économies réalisées.

Des sanctions dès 2025 pour les nouveaux baux

Qui dit interdiction de mise en location, dit sanctions si un propriétaire continue à compter de 2025 de louer son bien considéré comme "logement indécent":

● le locataire peut exiger du propriétaire bailleur une mise en conformité du logement par la réalisation de travaux d’isolation et de rénovation énergétique;

● un juge peut imposer la réalisation des travaux nécessaires;

● un juge peut imposer une réduction de loyer;

● un juge peut imposer des dommages et intérêts à payer au locataire.

L’explosion des mises en vente de passoires énergétiques

Ce qui est sûr, c’est que ces mesures ayant pour objectif le durcissement de la location de passoires énergétiques incitent certains propriétaires à s’en débarrasser. Cela se traduit dès aujourd’hui par un afflux sur le marché immobilier de logements étiquetés F ou G qui pourrait profiter à des investisseurs qui y voient l’occasion de réaliser une bonne affaire.

En effet, les biens mis en vente pour cause de "mauvais" diagnostic énergétique permettront une vraie négociation du prix, avec pour argument principal un bien immobilier qui n’est pas aux normes énergétiques et qui doit intégrer une enveloppe de travaux avec une part déductible ou subventionnée par l’État. Et, c’est alors un cercle vertueux, puisque un bien rénové a plus de chances de se louer. Un autre argument est à mettre en exergue pour les investisseurs: plus un propriétaire met du temps à vendre son bien, plus les travaux devraient être onéreux. Pourquoi? Parce que les entreprises de rénovation énergétique risquent d’être submergées par les demandes nombreuses, et verront donc ici très probablement un intérêt d’augmenter leurs tarifs, ce qui devrait se répercuter sur le montant de la vente.

Investir dans une passoire énergétique: quelle rentabilité?

Mais attention, en pensant faire une bonne affaire, il conviendra tout de même de calculer la rentabilité exacte et d’intégrer le montant et le temps des travaux (changement des fenêtres, isolation de la toiture et des planchers, ventilation, pompe à chaleur pour le chauffage, etc.), afin d’atteindre au minimum la classe D du DPE, ce qui constitue des travaux importants et onéreux. En effet, malgré le coup de pouce de MaPrimeRénov’, il faudra calculer le reste à charge pour le propriétaire sur le montant des travaux, mais aussi le fait que le bien devra rester vacant parfois plusieurs mois, le temps des travaux (sans entrée de loyers donc), ce qui est un point non négligeable. Comme pour tout investissement immobilier, de nombreux critères sont à prendre en considération, comme l’état général du logement, son environnement et sa situation géographique (services et infrastructures à proximité), etc. Un investissement reste rentable s’il est "bien" loué et régulièrement, il faut donc que la demande locative soit au rendez-vous.

Ainsi, acheter une passoire thermique à prix décoté et la rénover pour ensuite la louer peut donc s’avérer rentable, à condition de faire très attention au bien choisi, à sa situation et surtout au montant des travaux. Et, pour les propriétaires qui ne verraient pas d’avantages à rénover leur bien pour rentrer dans les nouvelles normes et exigences, il conviendra de penser à vendre assez rapidement, et de ne pas trop attendre.

Par Bassel Abedi, fondateur de Horiz.io