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Pour lutter contre la flambée des loyers, l'Espagne décide de les encadrer

Vue de Barcelone, en Espagne

Vue de Barcelone, en Espagne - Wikimedia Commons

Selon le portail spécialisé Idealista, le prix moyen du mètre carré des biens en location a progressé de 40% entre janvier 2011 et janvier 2021.

"Avancée historique" pour les uns, "interventionnisme suicidaire" pour les autres: après dix mois de négociations tendues, le gouvernement de gauche espagnol a entériné son projet de "loi logement", qui prévoit d'encadrer les loyers des grands propriétaires, au grand dam de l'opposition. Prévu par l'accord de coalition signé fin 2019 par le parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez et le mouvement de gauche radicale Podemos, ce texte de loi, destiné à enrayer la hausse des prix du logement, était initialement annoncé pour le début de l'année.

Mais les discussions ont pris du retard, en raison de désaccords sur la question sensible de la régulation des loyers, ardemment défendue par Podemos. Cette formation a finalement obtenu gain de cause, en échange de son soutien au projet de budget 2022, adopté jeudi en conseil des ministres. "Ça a été une négociation compliquée", a reconnu la ministre des Droits sociaux et secrétaire générale de Podemos, Ione Belarra. Mais "entre protéger les personnes ou les grands propriétaires et promoteurs, nous avons clairement fait notre choix", a-t-elle ajouté sur Twitter.

Les prix des loyers ont fortement augmenté ces dernières années en Espagne, en raison d'une pénurie de logements. Selon le portail spécialisé Idealista, le prix moyen du mètre carré des biens en location a ainsi progressé de 40% entre janvier 2011 et janvier 2021. Cette inflation a mis en difficulté de nombreux locataires, qui ont vu la part de leur budget dédié au logement enfler progressivement: d'après l'OCDE, les 20% de familles les plus modestes consacrent désormais pas moins de 40% de leurs revenus à ce poste de dépense.

Que l'accès au logement ne fasse plus l'objet de "spéculations"

Pour tenter de mettre un frein à cette dynamique, la "loi logement" prévoit un éventail de mesures mêlant incitation et coercition. L'objectif, c'est que l'accès au logement "devienne un droit" et ne fasse plus l'objet de "spéculations", a insisté la ministre du Budget Maria Jesus Montero. La mesure la plus marquante concerne les loyers des "grands propriétaires", qui pourront désormais être plafonnés. Selon les premiers éléments communiqués par l'exécutif, ce dispositif concernera uniquement les bailleurs privés, propriétaires de plus de 10 logements.

Pour les petits propriétaires, largement majoritaires sur le marché espagnol, les prix resteront libres. Mais de fortes incitations fiscales seront mises en place, avec des réductions d'impôts pouvant aller jusqu'à 90% pour ceux qui accepteront de baisser leurs loyers. Dans les zones "tendues", les collectivités locales auront par ailleurs la possibilité de réguler les loyers, en fonction de critères définis par l'Etat. Elles pourront également décider de majorer la taxe foncière, de l'ordre de 150%, pour favoriser la remise sur le marché de logements vides.

Le gouvernement, qui s'est engagé à construire près de 20.000 logements sociaux, prévoit enfin la mise en place de chèques de 250 euros par mois pour favoriser l'accès au logement des jeunes de 18 à 35 ans gagnant moins de 23.725 euros par an.

Le choix des régions et des mairies

La mise en oeuvre de cette loi pourrait cependant se heurter à des difficultés. L'application de plusieurs mesures relèvera en effet des régions et des mairies. Or nombre d'entre elles, dirigées par l'opposition, ont d'ores et déjà fait savoir qu'elles ne les mettraient pas en oeuvre. "Nous sommes favorables à ce que les gens fassent ce qu'ils veulent avec ce qui leur appartient", a justifié le chef du Parti populaire (PP, droite), Pablo Casado, en accusant le gouvernement Sanchez de "porter atteinte à la liberté" et "à la propriété privée".

Le chef de file de l'opposition, qui dénonce un "interventionnisme suicidaire", a annoncé qu'il contesterait le texte devant la Cour constitutionnelle. Avec cette loi, "les gens vont cesser de mettre leurs appartements en location, il y aura donc moins d'appartements, et les prix vont augmenter", a-t-il mis en garde. "On ne peut pas dire non à un projet de loi que l'on n'a pas pu lire et qui n'a pas été débattu au Parlement", a critiqué sur Twitter Pedro Sanchez, dénonçant une opposition de principe du PP. A ce stade, aucune date n'a été donnée pour la présentation du projet de loi.

https://twitter.com/DianeLacaze Diane Lacaze avec AFP Journaliste BFM Éco