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Gel des loyers : le débat fait rage

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« Fausse bonne idée », « fausse bonne réponse »… vrai débat.

Malgré la fin de non recevoir que lui a récemment opposée Christine Boutin, l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) presse le gouvernement de geler les loyers. Une proposition qui vise à soulager des locataires déjà touchés par la crise, mais qui est loin de faire l’unanimité.

En moyenne, les loyers ont augmenté de près de 60 % au cours des dix dernières années et les Français consacrent 25 % de leur revenu au logement. « Le reste à vivre de certains des ménages les plus modestes est très insuffisant », alerte la CLCV. Craignant que la crise économique – « dont on nous dit que la violence sera comparable à celle de 1929 » - n’ait des répercussions « désastreuses pour certains locataires déjà en situation difficile », l’association avait demandé, dès la fin de l’automne, un gel des loyers pour l’année 2009. Cette première demande n’ayant pas été suivie d’effet, la CLCV est revenue à la charge la semaine dernière, pressant les pouvoirs publics de faire le nécessaire pour éviter que « de nombreux locataires, de bonne foi, [ne connaissent] des retards de paiements ».

Réponse sans appel de Christine Boutin : interrogée à l’antenne de RMC, la ministre du Logement a tour à tour dénoncé une « fausse bonne idée », un « très mauvais signal envoyé vers les propriétaires » et un frein à la mise de logements sur le marché. « Cet argumentaire ne tient pas compte des 40 % de locataires, souvent modestes, dans le secteur social qui subissent la crise et ces hausses de loyer », déplore en retour la CLCV. « Chaque année, le ministère adopte une recommandation visant à limiter les augmentations de loyers dans le secteur social. Il a donc toute latitude pour geler les loyers, sans risque de rétention de logements », poursuit l’association, qui ne se satisfait pas de la « fausse bonne réponse » de Mme Boutin et réitère sa demande.

Une demande injustifiée Plus mesuré que la ministre du Logement, Pierre Quercy, délégué général de l’Union sociale pour l’habitat (USH), juge pour sa part qu’un gel des loyers n’est « pas justifié d’un point de vue économique et social ». Les revalorisations des loyers du parc public sont décidées discrétionnairement par les conseils d'administration de chaque organisme HLM, sur recommandation indicative du ministère du Logement. Pour l’année 2009, celui-ci a préconisé une indexation sur l’indice de révision des loyers (IRL) de l’Insee pour le deuxième trimestre 2008. Soit une hausse de 2,38 %. « Cette revalorisation devrait être indolore pour les ménages à revenus modestes, dans la mesure où le montant de l’aide personnalisée au logement [APL, NDLR] a été relevé de 2,95 % au 1er janvier », explique M. Quercy. Injustifié, le gel proposé par la CLCV aurait même des effets néfastes selon l’USH, puisqu’il réduirait de fait les recettes des organismes HLM. « Or nous avons des besoins financiers importants pour remplir nos objectifs, notamment en matière de construction de logements en zone tendue », reprend Pierre Quercy.

Sécuriser les bailleurs Mais les risques de retards de paiement ne sont pas limités au seul parc social. Craignant également pour les locataires du privé, la CLCV généralise sa demande à l’ensemble des secteurs locatifs. L’idée séduit le parti socialiste, dont le « contre-plan » de relance, présenté fin janvier, propose le « gel des loyers dans les zones de forte hausse en 2009 et 2010 ». Sans surprise, elle n’est pas du goût de l’Union nationale de la propriété immobilière (UNPI). Partisan du « laissez-faire », Jean Perrin, le président de l’Union, fustige une « proposition du passé » et note que « les propriétaires sont raisonnables ; dans certaines villes où l’offre est trop abondante, ils décident déjà d’eux-mêmes de ne pas appliquer l’IRL. Le marché se régule de lui-même, il n’est pas nécessaire de légiférer ». Sans oublier que les révisions de loyers répondent à l’augmentation des diverses taxes et charges auxquelles les propriétaires doivent faire face.

La CLCV n’est pas insensible à la situation des bailleurs, « dont beaucoup ne peuvent se voir priver de leurs revenus locatifs » et dont elle demande la « sécurisation ». Outre le gel des loyers, l’association demande ainsi le renforcement des fonds de solidarité logement qui pourraient être abondés par l’Etat, et la mise en place d’une véritable garantie du risque locatif (GRL) universelle et mutualisée, « au bénéfice tant des bailleurs que des locataires et donc de l’intérêt général ».

E.S.

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