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Fiscalité immobilier

Pourquoi la fin de la taxe d'habitation a viré au cauchemar et rendu le fisc "aveugle"

Avec la fin de la taxe d'habitation pour les résidences principales, les services des impôts ont beaucoup de mal à identifier les occupants d'un même foyer. Avec des conséquences en cascade.

Une réforme difficile à digérer. Achevée en 2023, la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales (elle existe toujours pour les résidences secondaires et les logements vacants) a représenté un coup de pouce de plusieurs milliards d'euros au pouvoir d'achat des ménages, mais aussi suscité des problèmes en cascade pour le fisc.

Le dernier épisode en date de ces difficultés s'est joué lundi 5 février, plusieurs associations de consommateurs (UFC-Que Choisir, CLCV...) dénonçant un risque de voir un million de ménages privés de chèque énergie malgré leur éligibilité.

"La disparition progressive de la taxe d'habitation (...) est la cause de l'impasse dans laquelle se trouvent les services fiscaux pour identifier les occupants d'un même foyer et calculer le nombre d'unités de consommation", ont accusé les associations.

Le chèque énergie, destiné à aider les Français les plus modestes à régler leurs factures énergétiques, est versé en fonction du revenu fiscal et de la composition du ménage dans le logement. "On peut déterminer la condition de revenu sans problème", grâce aux déclarations d'impôts annuelles des ménages, souligne auprès de l'AFP Olivier Brunelle, le secrétaire général du syndicat FO-DGFiP.

A l'inverse, depuis la suppression définitive de la taxe d'habitation sur les résidences principales le 1er janvier 2023, le fisc peine à identifier le nombre d'occupants d'un logement, un critère pourtant déterminant pour attribuer le chèque énergie.

Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire s'est empressé de rassurer lundi soir sur France 5 en garantissant que tous les ménages éligibles au chèque énergie en bénéficieraient bien en 2024.

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Il a reconnu au passage que les difficultés d'identification des bénéficiaires de ce chèque étaient bien liées à la suppression de la taxe d'habitation, qui rapportait plus de 20 milliards d'euros annuels aux collectivités locales.

Le fisc a perdu 12.000 fonctionnaires

"On n'est pas une administration qui distribue des chèques, d'habitude c'est plutôt l'inverse", avance Olivier Brunelle. "Ca ne nous pose pas de problèmes" de verser des prestations plutôt que de collecter l'impôt, pour autant que les effectifs soient "à niveau", ajoute-t-il.

Or entre 2017 et 2022, le fisc a perdu plus de 12.000 fonctionnaires.

Pour disposer à nouveau d'une vision précise de la nature des logements (résidence principale ou secondaire) et de leurs occupants, et éviter ainsi de taxer à tort des logements désormais exonérés, la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) avait demandé aux propriétaires de remplir une déclaration spécifique au plus tard le 30 juin 2023.

Une date butoir repoussée à trois reprises, successivement en raison de l'afflux de déclarations tardives et d'une saturation des serveurs de la DGFiP. Secrétaire national de la CGT Finances publiques, Olivier Villois juge que l'administration n'a pas suffisamment anticipé les difficultés engendrées par la suppression de la taxe d'habitation.

"On arrive au bout d'une logique"

Avant le lancement du prélèvement à la source, dernière grande réforme déployée par la DGFiP et jugée plutôt réussie, "il y a eu de nombreuses réunions pour mettre les choses en place", relève-t-il.

A l'inverse, Olivier Villois voit la déclaration de biens immobiliers comme "une décision politique qu'on impose" au fisc, avec de premières réunions d'anticipation de la réforme qui sont "arrivées très tard". Pour Olivier Brunelle, "on arrive au bout d'une logique selon laquelle la DGFiP s'adaptera à tout. Le temps politique n'est pas le temps administratif", martèle-t-il.

"On n'a pas fait une démonstration de performance sur ce sujet-là, l'administration en a conscience et elle est train" de remédier au problème, reconnaît le secrétaire général de FO-DGFiP. "Simplement, ça va forcément prendre du temps", prévient-il.

Vers une déclaration avec les revenus?

Selon lui, une piste à l'étude serait de demander aux contribuables de renseigner les informations relatives à leur logement dans leur déclaration de revenus, plutôt que dans une déclaration distincte. Olivier Brunelle salue le fait que Bruno Le Maire ait tenté de rassurer dès lundi soir au sujet du chèque énergie, dont le versement n'interviendra pas avant le printemps.

"Il y a encore le temps de résoudre les incidents techniques d'ici avril-mai", estime-t-il.

Interrogée par l'AFP au sujet des dysfonctionnements engendrés par la suppression de la taxe d'habitation, la DGFiP n'avait pas réagi mardi en milieu de journée.

JLD avec AFP