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Romain Rossi-Landi

Action en augmentation du loyer de renouvellement : attention aux pièges !

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Lorsque le bail de votre locataire arrive à échéance, vous pouvez intenter une action en augmentation du loyer de renouvellement. Cependant, vous ne pourrez plus donner congé au locataire pour la même échéance du bail.

C’est une procédure complexe qui impose de se référer aux loyers du voisinage et qui plafonne l'augmentation selon que le logement loué est ou non situé en « zone tendue » (dans les communes de plus de 200.000 habitants (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Montpellier, Nice, Nantes, Rennes, Strasbourg et Toulouse), celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne).

Attention, si vous décidez d’engager cette démarche, vous ne pourrez plus donner congé au locataire pour la même échéance du bail.

C’est l’article 17-2 I de la loi du 6 juillet 1989, modifié par la loi ALUR, qui fixe les conditions de cette action en révision du loyer de renouvellement. À sa lecture, on ne peut qu’être sceptique, tant ses termes et ses mécanismes sont complexes et peu explicites.

Le mécanisme n’est pas exactement le même selon que le logement se situe ou non en zone tendue.

  • • Hors zone tendue, le loyer doit être « manifestement sous-évalué »

Le texte est précis : « lors du renouvellement du contrat, le loyer ne donne lieu à réévaluation que s'il est manifestement sous-évalué ».

Mais il ne suffit pas de se référer au prix moyen au mètre carré appliqué dans le voisinage.

La fixation du nouveau loyer doit l’être par « référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables ».

Le bailleur doit donc fournir des exemples pour des logements situés dans le même quartier : au moins trois références différentes de loyers (six dans les communes, dont la liste est fixée par décret, faisant partie d'une agglomération de plus d'un million d'habitants) aussi bien de baux conclus récemment que de baux conclus depuis plus de trois ans.

En conclusion, le loyer actuel doit être manifestement sous-évalué et le nouveau loyer devra être fixé en fonction des loyers constatés dans le voisinage.

Cette procédure s’applique aussi bien aux logements loués en "vide" qu’en meublé.

  • • En zone tendue, le loyer doit être « inférieur au loyer de référence minoré »

A Paris ainsi que dans toutes les zones tendues, en application de l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989 telle que modifiée par loi ALUR du 24 mars 2014, l’évolution des loyers de renouvellement est également soumise à l’encadrement des loyers et fait l’objet d’une procédure spécifique.

L’action en réévaluation du loyer ne peut être entreprise que si le loyer du locataire en place est inférieur au loyer de référence minoré fixé par quartiers et selon différents critères (ancienneté de l'immeuble, nombre de pièces...) que l’on retrouve sur la carte interactive du site developpement-durable.gouv.fr/, établie par la préfecture de la région d'Ile-de-France.

Le loyer de référence, le loyer de référence minoré (minoré de 30%) et le loyer de référence majoré (majoré de 20%) sont fixés par arrêté préfectoral.

Un loyer médian est alors calculé en fonction des niveaux de loyers constatés dans un secteur géographique donné.

Lorsque le loyer est inférieur au loyer de référence minoré, le bailleur peut alors engager une action en augmentation dudit loyer.

Le nouveau loyer qui peut être proposé au locataire est au maximum égal au loyer de référence minoré.

Que le logement se situe en zone tendue ou pas, l’action en augmentation répond ensuite aux mêmes règles.

  • • Dans les deux hypothèses, la demande doit être faite au moins six mois avant le terme du contrat

La proposition de nouveau loyer doit être faite au moins six mois avant le terme du contrat et être notifiée à votre locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.

Attention: le délai commence à courir à compter de la date de réception de la lettre par le locataire, et non pas à la date d'envoi.

  • • Les conditions de forme

Sur la forme, la notification doit reproduire intégralement à peine de nullité, les dispositions de l’article 17-2-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et mentionner le montant du loyer ainsi que le loyer de référence majoré ayant servi à déterminer, lequel doit correspondre à celui qui est en vigueur à la date de la proposition émise.

« La notification d'une proposition d'un nouveau loyer reproduit intégralement, à peine de nullité, les dispositions du présent I et mentionne le montant du loyer ainsi que le loyer de référence majoré ou le loyer de référence minoré ayant servi à le déterminer. »

  • • La saisine de la Commission Départementale de Conciliation

En cas de désaccord ou à défaut de réponse du locataire dans un délai de quatre mois avant le terme du contrat de location, l’une ou l’autre des parties « peut » saisir la Commission Départementale de Conciliation.

Mais, en réalité, cette saisine est obligatoire.

À défaut d’accord constaté par la Commission Départementale de Conciliation, le juge doit être saisi afin de fixer judiciairement le loyer.

  • • Le juge doit être saisi avant le terme du contrat

Mais attention à ne pas vous faire piéger, le tribunal d’instance doit impérativement être saisi avant le terme du contrat sous peine d’une reconduction du bail de plein droit aux conditions antérieures du loyer.

Or, dans la pratique, il est très fréquent que la Commission Départementale de Conciliation ne statue que postérieurement à l’échéance du contrat, le bailleur ne doit donc pas attendre cette réunion de la CDC pour saisir le Tribunal d’Instance compétent.

Le contrat de location dont le loyer est fixé judiciairement est réputé renouvelé, à compter de la date d’expiration du contrat, pour une durée de trois ans lorsque le bailleur est une personne physique et pour une durée de six ans lorsque le bailleur est une personne morale.

  • • La hausse du loyer doit obligatoirement être étalée dans le temps

La hausse du loyer ne peut être pratiquée en une seule fois dès la première mensualité du bail renouvelé. Le principe est la répartition de la majoration dans le temps.

Le texte indique que : « Lorsque les parties s’accordent sur une hausse du loyer ou lorsque cette hausse est fixée judiciairement, celle-ci s’applique par tiers ou par sixième selon la durée du contrat.

Toutefois, cette hausse s’applique par sixième annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur, dès lors qu’elle est supérieure à 10 % si le premier renouvellement avait une durée inférieure à six ans. La révision éventuelle résultant de l’article 17-1 s’applique à chaque valeur ainsi définie ».

Cet étalement est donc obligatoire même en cas d’accord entre les parties.

Le principe est que la hausse du loyer s’applique progressivement par 1/3 (tiers annuels) ou par 1/6e (sixièmes annuels) selon la durée du contrat.

Cette hausse s’appliquera par 1/6 annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur, dès lors qu’elle est supérieure à 10% si le premier renouvellement avait une durée inférieure à 6 ans.

Pour bien comprendre :

  • • lorsque la hausse est inférieure à 10% du loyer initial, elle est étalée sur la durée du nouveau bail (sur bail de 3 ans : 1/3 par an, sur bail de 6 ans : 1/6 par an),
  • • lorsque la hausse est supérieure à 10% du loyer initial, elle est appliquée d’1/6 par an pendant 6 ans, quelle que soit la durée du nouveau bail.

Par exemple, le loyer initial s’élevait à 600 € et le loyer de renouvellement à 700 €. La majoration est donc supérieure à 10 % du prix d’origine et la hausse va s’étaler sur six ans. Durant la première année du renouvellement du bail, le locataire devra donc s’acquitter d’un loyer mensuel de 616,67 €, soit le loyer initial + 1/6 de l’augmentation (16,67 €). Entre le début de la seconde année et la fin de la sixième année, le loyer mensuel augmentera tous les ans de 16,67 € (633,34 € la seconde année, 650 € la troisième année, 666,68 € la quatrième, 683,35 € la cinquième et 700 € à compter de la sixième année.

Cet étalement de la hausse du loyer protège le locataire contre une hausse trop brutale de son loyer.

En tant que bailleur, vous devrez faire preuve de beaucoup de patience.

En définitive, l’action en augmentation du loyer de renouvellement reste extrêmement difficile à mettre en œuvre pour le bailleur qui devra rester très vigilant notamment sur le délai de saisine du Tribunal d’Instance.

Romain Rossi-Landi