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Le crédit : produit de luxe d'un nouveau genre ?

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Il devient actuellement assez commun de dire que les taux sont au plus bas. Pourtant, ces taux ont continué à baisser ces derniers mois et atteignent des records semaines après semaines. Du jamais vu depuis plus de 70 ans !

En avril 2016, les taux fixes pour une durée de 15 ans sont en moyenne de 1.8% selon le courtier Empruntis. L’on ne parle quasiment plus des taux révisables puisqu’ils représentent actuellement moins de 1% de la production de crédit.

Au-delà des pratiques commerciales des banques qui mènent souvent une politique de taux agressive à l’approche du printemps, la baisse résulte essentiellement du marché de la dette étatique et la politique monétaire de la BCE.

Sur le marché de la dette étatique, l’aversion au risque coûte cher. En effet, l’OAT 10 ans ne rapporte que 0.42% en avril 2016. C’est sur la base de ce taux que les banques commerciales définissent leurs taux de crédit à long terme. Si l’on se penche sur des durées plus courtes, inférieures à 4 ans, les taux étatiques français sont négatifs. Cela signifie qu’il en coûte aux bailleurs de fonds de prêter de l’argent à l’État Français, une aubaine pour le Trésor !

Les banques ne prêtent pas à tout le monde

De son côté, la banque centrale européenne (BCE) continue à faire marcher la planche à billets. Le taux de refinancement est nul alors le taux de dépôt est négatif. Cela signifie que les banques commerciales qui déposent des liquidités auprès de la BCE perdent de l’argent et que, dans le même temps, l’argent prêté par la BCE à ces mêmes banques est gratuit. Pour mémoire, les taux courts (taux de refinancement et taux de dépôt) encadrent le marché monétaire et servent de base pour le calcul des taux révisables.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La politique monétaire s’explique par deux facteurs : l’inflation actuellement quasi nulle en partie du fait de la baisse du pétrole et surtout, le fait que la BCE tente par tous les moyens de relancer la croissance en distribuant de l’argent afin que les banques commerciales prêtent aux entreprises et aux particuliers et que ceux-ci investissent et consomment in fine.

Les taux bas ne sont pas une bonne nouvelle pour tout le monde. D’un côté, le crédit est peu cher et de l’autre, l’épargne est moins bien rémunérée. Globalement, la coexistence d’une inflation nulle et de taux très bas signifie que le monde économique anticipe une croissance faible et a peu confiance en l’avenir. Les banques, si elles prêtent à taux bas, ne prêtent pas à tout le monde. Elles demandent de l’apport. Elles ne prêtent pas aux salariés en CDD et s’entourent de plus en plus de solides garanties. Le crédit est ainsi devenu un produit peu cher mais auquel seuls les ménages aisés ont accès : un produit de luxe d’un nouveau genre.

Pierre Nechelis