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Bruno Lehnisch

Quand la responsabilité du syndic face aux copropriétaires peut-elle être engagée?

Les obligations légales du syndic de copropriété sont nombreuses.

Les obligations légales du syndic de copropriété sont nombreuses. - Pexels / Pixabay

[AVIS D'EXPERT] Dans une copropriété, le syndic détient des pouvoirs assez larges pour gérer l'immeuble. Mais il a également de nombreuses obligations légales. Décryptage de nos experts Bruno Lehnisch, cadre juridique, et Jean-Philippe Mariani, avocat spécialiste en droit immobilier.

Doté de prérogatives étendues, le syndic doit, en contrepartie, répondre de ses fautes à l’égard du syndicat des copropriétaires dont il est le mandataire. Nombreuses sont les fautes susceptibles d’engager la responsabilité du syndic vis-à-vis du syndicat. Les obligations qui pèsent sur un syndic, de nature et de portée très différentes, illustrent l’ampleur et la complexité des tâches qui lui incombent. Tels sont les enseignements de notre étude publiée chez Dalloz / AJDI en juin 2021.

1. Un syndic peut être jugé responsable de négligence dans la gestion d’un immeuble

=> VRAI

Parce que ses missions de gestionnaire sont étendues, le syndic est tenu au respect d’une obligation de diligence. Il s’agit là avant tout d’une obligation de moyens plus que de résultat. A titre d’illustrations, on ne saurait faire grief au syndic de ne pas avoir exécuté des travaux décidés par l’assemblée générale faute de disposer des crédits suffisants.

2. Un syndic a le droit d’accorder une autorisation de travaux en lieu et place de l’assemblée générale des copropriétaires

=> FAUX

Si le syndic est un organe essentiel qui fait fonctionner la copropriété au quotidien, il ne saurait mettre à mal la souveraineté du syndicat et de son organe délibérant, l’assemblée générale. Le cas le plus fréquent de "l’excès de pouvoir" du syndic concerne ainsi son intervention en lieu et place du syndicat, souvent en matière de travaux réalisés par des copropriétaires. Or, "l'accord du syndic ne peut se substituer à une autorisation expresse et régulière de l'assemblée générale" (Civ. 3e, 22 mars 2018, no 17-10.053).

3. Un syndic est soumis à une obligation de conseil à l’égard du syndicat des copropriétaires

=> VRAI

La jurisprudence considère que "tout syndic professionnel (…) est tenu à une obligation de conseil vis-à-vis de l’ensemble des copropriétaires et engage sa responsabilité s’il y manque" (Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n° 02-11.567). Si le syndic ne peut s'opposer aux résolutions votées par les copropriétaires, encore faut-il qu'il les mette en garde contre des prises de position contraires aux textes ou à l'intérêt de la collectivité.

Quels sont les contours du devoir de conseil auquel le syndic, en tant que spécialiste des questions de copropriété, est tenu? La jurisprudence fournit nombre d'exemples de carence du syndic dans son devoir de conseil et d'information:

Ces exemples illustrent l’obligation qui pèse sur le syndic d’appeler l'attention de son mandant sur la nécessité de prendre certaines mesures pour "préserver les intérêts de la copropriété" (CA Bourges, 1re ch., 5 nov. 2020, n° 19/01173). En conséquence, le syndic doit alerter le syndicat sur les conséquences préjudiciables qui s’attacheraient à l’inaction dans tel ou tel domaine. Ce devoir de conseil constitue, en quelque sorte, un "conseil de faire".

4. Cette obligation de conseil ne s'applique pas en matière juridique

=> FAUX

La jurisprudence considère qu’un syndic professionnel doit attirer l’attention du syndicat des copropriétaires sur les irrégularités dont pourraient être entachées certaines décisions au regard de la loi et du règlement de copropriété.

Ce devoir de conseil juridique peut paraitre étonnant voire sévère pour un syndic dont la mission est avant tout d’assurer la gestion technique et financière d’immeubles.

Ce devoir juridique résulte, selon la jurisprudence, de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 aux termes duquel le syndic est chargé d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale. Par extension, le syndic est le gardien du droit de la copropriété: non seulement du règlement de copropriété mais aussi de la loi et des décrets d’application. Il est donc assimilé à un professionnel du droit de la copropriété soumis, en tant que tel, à un véritable devoir de conseil à l’égard du syndicat des copropriétaires.

Parmi les nombreux jugements illustrant ce devoir de conseil, l’un des plus emblématiques et "pédagogiques" est sans doute celui du TGI de Paris de 2018 :

"L’obligation de procéder à l’exécution des résolutions de l’assemblée générale ne dispense pas le syndic de son devoir de conseil, en ce sens qu’il lui appartient d’attirer l’attention des copropriétaires sur les irrégularités dont pourraient être entachées certaines décisions, d’apporter les éclaircissements nécessaires aux membres du syndicat, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, sur les conditions de légalité de leurs délibérations, et d’attirer leur attention sur les chances de succès ou d’échec d’une action en justice" (TGI de Paris, 8e chambre 2e section, 22 mars 2018, n° 15/03640).

Voici en résumé, la typologie des fautes du syndic :

  • Négligence : Obligation d’agir (par exemple pour entretenir l’immeuble)
  • Excès de pouvoir : Obligation de ne pas agir (par exemple respect des pouvoirs de l’assemblée générale)
  • Défaillance dans le conseil à l’égard du syndicat: Obligation de conseiller, autrement dit conseil de faire (doit inviter le syndicat à prendre les bonnes décisions pour préserver ses intérêts) et/ou conseil de ne pas faire (devoir de mise en garde pour prévenir l’adoption par le syndicat de décisions irrégulières au regard du règlement de copropriété, des textes et de la jurisprudence)

>> Pour en savoir plus, vous pouvez consulter ce billet sur le blog de Bruno Lehnisch et Jean-Philippe Mariani

Bruno Lehnisch, cadre juridique