BFM Immo
Immobilier

Charges de copropriété : le niveau d'impayés est déjà très élevé

En France, près de 20% des charges ne sont pas payées en moyenne dans les copropriétés. La hausse actuelle des prix risque de fragiliser encore davantage les immeubles les plus en difficulté financière.

Avec l’inflation qui s'installe dans la durée, les ménages ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois et il est probable certains d'entre eux soient en difficulté pour payer leurs charges de copropriété dans les mois à venir. Or, le niveau des impayés dans les copropriétés est déjà inquiétant.

C’est ce qui ressort d’une étude publiée cette semaine par le syndic Bellman, qui a scruté à la loupe le registre national des copropriétés (RNC) de l'Agence nationale de l'habitat (Anah)*. Le taux d’impayés moyen en France au premier trimestre 2022 est de 20%. Autrement dit, sur 1.000 euros de charges, 200 euros sont en attente de paiement. Et là on parle uniquement des charges courantes, pas des fonds destinés à des travaux.

Globalement, peu d'immeubles gérés en collectivité échappent au phénomène. Ainsi, pas moins de 9 copropriétés sur 10 font face à des impayés. Mais derrière ce chiffre se cache une situation extrêmement dégradée surtout dans une partie du parc immobilier. Si certaines copropriétés subissent quelques impayés assez faibles, d'autres sont en revanche en très grande difficulté avec une grande partie des propriétaires qui ne versent plus un euro depuis plusieurs années. A l’arrivée, ce constat: deux tiers des impayés sont concentrés dans seulement 16% des immeubles.

L'étude de Bellman montre aussi qu'il y a des zones géographiques où c’est beaucoup plus fréquent. La plupart des impayés sont ainsi localisés en Outre-mer, en Ile-de-France, en Corse et dans les Bouches-du-Rhône. En Outre-mer, il y a ainsi 42% des copropriétés considérées comme en difficulté. On notera que Bellman estime ici qu'une copropriété est en difficulté lorsque le taux d'impayés y est égal ou supérieur à 20%. L'étude regarde alors la proportion de ces immeubles qui dépassent ce taux département par département. En Seine-Saint-Denis, 31% des copropriétés sont dans ce cas, 27,5% en Corse et 23% dans les Bouches-du-Rhône.

Forte concentration d'impayés à Paris

Plus surprenant, 24% des copropriétés à Paris sont aussi en détresse financière. Et pas forcément dans les quartiers où il y a le plus de pauvreté ou de problèmes sociaux. Au contraire.

"Le 2ème arrondissement de Paris est la zone la plus touchée du département avec près d’une copropriété sur deux souffrant d’arriérés ; suivi de près par le 10ème. Également appelé le Haut-Marais, le 3e arrondissement compte lui plus d’une copropriété sur trois concernée par ce phénomène", souligne ainsi Bellman.

La capitale concentre à elle seule 328 millions d'euros de dettes pour les charges impayées. Si Paris compte le plus grand nombre de copropriétés de France, ce niveau est bien plus élevé que dans d'autres grandes villes comme Nice (40 millions d'euros d'impayés cumulés) Marseille (39 millions), Lyon (21,5 millions), Toulouse (15 millions) ou encore Montpellier (11,6 millions) et Lille (4,1 millions).

On notera que le montant moyen des charges par région a finalement peu d'impact sur les impayés. Certes, les charges sont plus élevées qu'ailleurs en région parisienne. Mais en Corse, elles sont parmi les moins chères de France et pourtant on a tendance à ne pas les payer non plus. Selon les données fournies par le réseau d'agences immobilières Orpi à BFM Immo, les charges représentent en moyenne 35 euros par m2 et par an en Ile-de-France. Pour un appartement de 70 m2, cela équivaut donc à 2450 euros par an, soit 612,5 euros par trimestre (ou 204 euros par mois). En Provence-Alpes-Côte d'Azur, cette moyenne passe à 27 euros. Il y a ensuite deux régions à 25 euros par m2 et par an, à savoir la Normandie et le Centre-Val de Loire. Les régions où les charges sont les moins chères sont en revanche la Bretagne et la Corse où elles atteignent seulement 16 euros du mètre carré.

Des procédures en justice qui explosaient déjà avant le Covid

Dans certaines copropriétés en difficulté, un cercle vicieux s’installe. Les immeubles assez anciens se dégradent progressivement par manque d’entretien, ce qui entraîne des travaux de plus en plus lourds et de plus en plus chers. Et là, si les propriétaires manquent de moyens, la situation ne fait que s’empirer. "Plus qu’une petite difficulté financière passagère, les retards de paiement semblent se creuser dans la durée pour certains départements dans les copropriétés les plus en difficulté", souligne ainsi Bellman.

Il est probable que l'inflation actuelle et le ralentissement de l'économie vont renforcer un phénomène qui avait déjà tendance à exploser ces dernières années. Ainsi, selon une étude du ministère de la Justice sur le sujet ("Les Contentieux de la copropriété"), rendue publique en 2019, les procédures en justice pour les impayés en matière de charges de copropriété sont passées de 22.300 à près de 28.700 entre 2007 et 2017. Soit une augmentation de 29% sur la décennie.

De son côté, l’ARC (l'association des responsables de copropriété) dénonce depuis des années l'envolée des charges, qui augmentent trois fois plus vite que l'inflation (+37,4% de 2007 à 2017). En particulier du côté des assurances. Comme le soulignait l'ARC à l'époque, le nombre de sinistres par copropriété a eu tendance à grimper, du fait du "vieillissement inéluctable du parc immobilier". Face à l'augmentation des coûts d'entretien, de nouveaux syndics se sont lancés ces dernières années en promettant de réduire les frais face aux acteurs déjà établis. Plus que jamais, les propriétaires devront faire jouer la concurrence pour s'en sortir.

*L'étude de Bellman porte sur 76% des copropriétés du registre national des copropriétés, soit 196.194 copropriétés. Seules les copropriétés de 10 lots principaux minimum ayant des charges entre 420€ et 2380€ par lot principal sont ainsi prises en compte. Le taux d'impayé exprime le pourcentage d’impayés sur les charges de copropriétés annuelles.

https://twitter.com/jl_delloro Jean-Louis Dell'Oro Rédacteur en chef adjoint BFM Éco