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Faute d'accord avec PlayStation, Microsoft offre ses jeux Xbox à Nvidia

Depuis Bruxelles, Microsoft a annoncé de nouvelles propositions pour tenter de lever les dernières barrières réglementaires sur le rachat d’Activision Blizzard. Et un accord avec un nouveau partenaire, Nvidia et son service GeForce Now.

L’étau se resserre autour de Sony alors que Microsoft continue d’engranger des soutiens. Mardi à Bruxelles, Brad Smith, le président de l’entreprise américaine, a annoncé avoir trouvé un accord avec Nvidia pour offrir les jeux PC des Xbox Studios au service de cloud gaming GeForce Now.

Après avoir signé un accord (provisoire en attendant la validation du rachat d’Activision Blizzard King) avec Nintendo pour assurer à la Switch 10 ans de Call of Duty le matin même, Xbox monte d’un cran avec ce nouveau deal. Car porter les jeux conçus par la trentaine de studios maison sur la plateforme de Nvidia permettra de toucher aussi les smartphones, tablettes, Chromebook, MacBook et autres supports en plus des PC.

"Ce sont 150 millions d’appareils et d’utilisateurs qui pourraient profiter de Call of Duty, des jeux Xbox Studios, puis de tout le catalogue Activision Blizzard si le rachat est validé ", a ainsi rappelé Brad Smith lors d’une rencontre avec quelques journalistes, dont Tech&Co. Peu avant, en compagnie notamment de Phil Spencer, responsable de Xbox, et Bobby Kotick, PDG d’Activision Blizzard King, il était allé défendre l’offre de rachat devant la Commission européenne, n'entendant pas démanteler l'entreprise pour paraître moins gros

Microsoft laisse toujours la porte ouverte à Sony

Il s’agit d’un nouveau pas pour tenter d’apaiser les régulateurs dans le cadre du rachat à 69 milliards de dollars, qui inquiète les gendarmes de la concurrence, y compris en Europe. La FTC américaine, la CMA anglaise n’ont toujours pas validé le dossier, le premier ayant même promis de le porter devant la justice. Les validations tacites en l’état de Nintendo et Nvidia, après celles de Valve et de diverses organisations de développeurs comme la Fédération européenne des développeurs de jeux vidéo, apportent de l’eau au moulin Xbox.

Car, Microsoft bute encore sur le rival Sony qui n’entend pas signer un quelconque accord pour le moment. Il se murmurait que les deux géants se seraient récemment rencontrés en vue de trouver un terrain d’entente. Xbox espérait sans doute pouvoir l’annoncer lors de son audition à Bruxelles où Sony était également présent, mais en vain. Si ce dernier aurait eu, selon les bruits de couloir, deux fois plus de temps que Google, EA ou Nvidia pour s’exprimer mardi, c’était pour fermer la porte à toute négociation pour le moment et continuer de bloquer le rachat d’Activision.

Sans dévoiler ce qu'il a dit devant la commission, Brad Smith a profité de son allocution pour façonner son argumentaire très offensif sur un PlayStation dominant outrageusement les ventes de consoles par rapport à Xbox, rappelant les 58 jeux Xbox Studios (incluant les jeux Bethesda notamment) "cédés" aux PS4 et PS5 tandis que PlayStation Studios ne lui concède que deux jeux (MLB The Show 22 et MLB The Show 21). Et d’avancer aussi le chiffre de 286 exclusivités pour PlayStation (toutes générations confondues) contre seulement 59 en un peu plus de 20 ans de Xbox. De quoi défendre son image de petit poucet voulant oeuvrer pour tous les joueurs face au géant PlayStation qui veut conserver son hégémonie.

Xbox renforce son autre rival

En obtenant le soutien de Nintendo et Nvidia, la branche gaming de Microsoft argumente sur sa capacité à s’ouvrir à tous les supports, avance la carte du cross-platform (jeu sur différents supports et avec des joueurs d’autres consoles) et du jouer ensemble contre Sony, même si de nombreuses interrogations sur le rapprochement avec la Switch demeurent (quels jeux, quelle technologie, dans combien de temps…).

Cependant, en étant prêt à céder à Nvidia, son principal concurrent du jeu en cloud gaming, une partie de son catalogue, sur lequel Xbox touchera néanmoins des dividendes via la vente de jeu individuel, la marque prend un risque mesuré pour porter un coup aux arguments japonais. "La balle est dans le camp des régulateurs. Veulent-ils être de ceux qui bloquent le rachat ou qui l’approuve à certaines conditions?", clame-t-il.

"Microsoft fait exactement ce qu’il a promis de faire, mais Sony continue de saper l’accord pour protéger deux décennies de domination dans le jeu vidéo", confie un porte-parole d’Activision. "Nous sommes convaincus que les régulateurs constateront que notre proposition de fusion renforcera la concurrence et créera de plus grandes opportunités pour les travailleurs et de meilleurs jeux pour nos joueurs."

Le cross-platform, le futur du jeu vidéo

"Ce rachat n’est pas qu’une question de Call of Duty, mais également une l’opportunité pour Microsoft d’aider à construire un meilleur avenir multiplateforme pour tous les acteurs du jeu vidéo", a rappelé Brad Smith. "Le jeu cross-plateform est le futur", martèle-t-il, soulignant que "l’idée de Microsoft n’a jamais été de dépenser 69 milliards de dollars pour racheter des jeux et les rendre moins accessibles."

"Ce n’est pas la meilleure façon de leur donner de la valeur", résume le patron de Microsoft, désireux de rappeler que les développeurs sont du côté de Microsoft et d’une possibilité d’offrir leur jeu sur tous les supports possibles. "On comprend bien à quel point cela peut être tentant quand vous avez 80 % des parts de juste espérer que le futur n’arrive jamais", a-t-il glissé ironiquement au sujet de Sony.

Call of Duty (Modern Warfare 2), la pomme de discorde
Call of Duty (Modern Warfare 2), la pomme de discorde © Activision

Brad Smith s’est néanmoins dit prêt à s’asseoir avec le fabricant nippon pour signer un accord identique afin de laisser Call of Duty aux joueurs PS4 et PS5 au moins 10 ans. "Sony a deux choix: ils peuvent dépenser toute leur énergie à bloquer l’accord pour réduire la concurrence et ralentir l’évolution du marché. Ou bien ils peuvent faire le choix de s’asseoir à la table pour discuter et trouver un accord, et permettre à un maximum de joueurs de profiter de Call of Duty," déclare Brad Smith.

Pour Microsoft, la bataille se poursuit. La Commission européenne rendra son avis à la suite des audiences du jour et de son enquête d'ici avril prochain. Elle doit trancher sur les risques de voir Xbox priver ses concurrents des jeux Activision et Blizzard pour en faire des exclusivités.

Par Melinda Davan-Soulas et Thomas Leroy