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Malgré les sanctions américaines, Huawei a finalement réussi à développer une puce 5G

Frappé par l'embargo américain sur les semi-conducteurs, le fabricant chinois de téléphones Huawei a malgré tout réussi à développer une puce 5G, avec l'aide d'une entreprise largement subventionnée par l'État.

C'est la fin d'un mystère qui a agité le petit monde des nouvelles technologies pendant plusieurs jours. Mais peut-être pas une réponse à toutes les questions. D'après une enquête menée par Bloomberg, il semblerait que le groupe chinois Huawei possède désormais les connaissances et les technologies nécessaires à la création de puces 5G pour ses téléphones.

La nouvelle peut paraître anachronique puisque que la plupart des smartphones qui sortent sur le marché français possèdent des puces 5G capables d'utiliser les nouvelles fréquences de télécommunication. Mais pour Huawei, c'est un bond de géant. L'entreprise est en effet toujours sous le coup de l’embargo imposé par les États-Unis, sanction qui l'empêche notamment d'avoir accès aux fournisseurs de puces 5G. Mais elle semble avoir finalement trouvé la parade.

Un téléphone lancé en toute discrétion

Tout a commencé la semaine dernière, quand Huawei a mis en vente sur son site son dernier modèle de smartphone, le Mate 60 Pro. D’habitude, pour le lancement d’un nouveau "flagship", le téléphone vedette d’une marque, on a droit à une séquence de communication bien rôdée: pré-annonce, keynote, lancement en grande pompe… Mais pour le Mate 60, rien de tout cela, juste un lancement surprise, sans prévenir personne, et qui a pris tout le monde de court.

Le Huawei Mate 60 Pro est équipé d'une puce5G, une première pour le fabricant chinois.
Le Huawei Mate 60 Pro est équipé d'une puce5G, une première pour le fabricant chinois. © Huawei

Une discrétion qui a eu l'effet inverse puisqu'elle a piqué la curiosité des spécialistes du secteur. En se penchant sur ce modèle, ils ont eu la surprise de découvrir que ce smartphone haut de gamme a quelque chose de spécial, sur lequel Huawei ne communique d’ailleurs pas du tout: une connexion 5G. Une première pour le fabricant depuis 2019, et l’embargo imposé par les États-Unis qui l’empêche de se fournir en puces américaines.

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Or, depuis quelque temps, la rumeur courait que le groupe était en train de développer ses propres technologies, ses propres "chipsets" 5G, en s’alliant à des fabricants de semi-conducteurs locaux. Il y a quelques jours, la presse américaine affirmait aussi que Huawei aurait construit plusieurs usines fantômes, sous des noms d’emprunt, pour produire ses propres puces électroniques, le tout financé à hauteur de 30 milliards de dollars par Pékin.

Des puces avec un retard technologique de 5 ans

Alors vraie 5G made by Huawei? Technologie déguisée? Pour en avoir le cœur net, Bloomberg a demandé à TechInsights, média spécialiste du secteur des semiconducteurs, de démonter le Mate 60 pour en analyser les composants. Lundi, ses experts ont publié leurs conclusions: le téléphone contient bel et bien une puce 5G d'origine chinoise, développée par Semiconductor Manufacturing International Corp. (SMIC), l'entreprise leader du secteur en Chine.

Il s'agit plus précisément de la Kirin 9000s, une puce de 7 nanomètres. L'embargo des États-Unis empêche Huawei de s'approvisionner en puces inférieures à 14 nanomètres, ce qui correspond à imposer au fabricant un retard de 8 ans sur les technologies les plus avancées actuellement, souligne Bloomberg.

"C'est un signal important envoyé par la Chine", avance Dan Hutcheson, de TechInsights, auprès de Bloomberg. "Les avancées technologiques de SMIC sont sur une trajectoire ascendante et leur ont visiblement permis de régler leurs problèmes de rendement sur les puces de 7 nanomètres."

À titre de comparaison, les iPhone d'aujourd'hui intègrent des puces de 4 nanomètres, et bientôt 3 pour l'iPhone 15 attendu très bientôt. Avec les semiconducteurs de SMIC, Huawei ainsi réduit son retard technologique à cinq, estime Bloomberg. Lundi, l'action de SMIC à la Bourse de Hong Kong a grimpé de 11% en réaction à cette révélation.

Bouleversement économique en vue?

Surtout, cette avancée est un signe des progrès réalisés par les industriels chinois des micro-processeurs, secteur devenu particulièrement stratégique depuis les pénuries de la pandémie de Covid. Et c’est un bouleversement dans le secteur de la téléphonie. Un fabricant chinois qui fait du 100% made in China, voilà qui instille le doute sur l'efficacité des sanctions américaines.

Si la Chine venait à rattraper les autres puissances asiatiques et les États-Unis dans ce domaine, l'équilibre économique mondial s'en trouverait fortement bousculé. Et même au-delà puisque les sanctions doivent aussi empêcher la Chine de développer des technologies applicables dans le cadre militaire.

Il reste toutefois beaucoup d'interrogations consécutives à cette découverte. La présence de cette toute nouvelle puce chinoise ne dit rien sur les capacités de SMIC et Huawei à en produire de grands volumes pour un prix raisonnable.

Clément Lesaffre