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Emploi

Si certains employeurs n'arrivent plus à recruter, c'est (surtout) parce qu'ils ne payent pas assez

La reprise économique post-Covid accentue les tensions sur le marché de l'emploi avec des entreprises qui peinent à recruter malgré un taux de chômage à 8%. Sans nier les problèmes structurels de formation, la Dares qui s'est penchée sur ce phénomène pointe avant tout le "manque d'attractivité d'une trentaine de métiers".

Restauration, services à la personne, industrie… Après des mois de crise sanitaire, des dizaines de métiers se retrouvent confrontés à une pénurie de main-d’œuvre préoccupante. De l’aveu même du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, il s’agirait de la "principale menace" qui pèse sur la reprise de l’économie tricolore.

Une enquête de la Dares publiée vendredi permet d’y voir plus clair sur les tensions qui frappent le marché de l’emploi. Si les besoins de recrutement ont brutalement chuté en 2020 avec le début de la crise sanitaire, la part des entreprises qui signalent des difficultés à embaucher est repartie en forte hausse depuis le début de l’année pour retrouver dès juillet "des niveaux proches de ceux d’avant-crise dans la plupart des secteurs d’activité", rapporte le service statistique du ministère du Travail.

Des entreprises en concurrence pour embaucher

Cette situation prévalait effectivement avant le début de l’épidémie de Covid-19: en 2019, six métiers sur dix étaient en tension de recrutement, contre un quart en 2015. Et la reprise économique avec une explosion de la demande post-confinement n’a rien arrangé, au contraire.

A la sortie du confinement en mai 2021, c’est principalement "l’intensité des embauches" qui a d'abord accentué les tensions, lorsqu’après "plusieurs mois de gel des embauches, les entreprises ont cherché à recruter en même temps un grand nombre de personnes, alors que les demandeurs d’emploi n’ont que progressivement repris leur recherche puisqu’ils se trouvaient sur un marché très dégradé quelques semaines plus tôt", analyse encore la Dares.

Dans cette situation, "les entreprises se retrouvent en concurrence entre elles car elles cherchent à recruter les mêmes demandeurs d’emploi (…)", poursuit le service statistique du ministère du Travail.

Un manque d'attractivité dans une trentaine de métiers

Reste que le problème est plus profond. La France souffre d’un paradoxe: malgré un chômage élevé (8% aujourd’hui), les difficultés de recrutement dans certains secteurs perdurent, et même s’aggravent depuis 2015. Certains y voient le résultat d'un déficit de formation des actifs, dont les compétences ne seraient plus adaptées à celles requises dans les métiers qui recrutent. D’autres déplorent plutôt le manque d’attractivité de certains métiers se dinstinguant par des salaires trop bas et des conditions de travail trop dures.

Qu’en est-il réellement? Si les analystes de la Dares ne nient pas le déficit de formation des salariés, elle rappelle que cette situation n’est pas nouvelle, qu’il s’agit d’un problème structurel. Ainsi, "il semblerait que la forte poussée des tensions et l’apparition d’un désalignement inhabituel entre difficultés de recrutement et chômage en France" depuis 2015 "résultent moins d’un problème de formation, déjà existant, que d’un problème d’attractivité d’une trentaine de métiers", tranche le service statistique.

La Dares estime dans ces conditions que les politiques en faveur de l’amélioration de la "formation sont nécessaires pour résoudre les problèmes structurels de compétences". Mais "l’apaisement des difficultés de recrutement pourrait aussi passer par l’amélioration des conditions de travail et/ou la revalorisation des salaires dans certains métiers".

Dans une interview au Figaro, le président de la CPME, Bernard Cohen-Hadad, développait une analyse semblable. Selon lui, "la recherche de bonnes compétences, le manque de travailleurs qualifiés, bien formés, est ancien. En revanche, le manque d'attractivité de certains emplois a été aggravé par la crise, une période au cours de laquelle beaucoup d'entre nous ont "désacralisé" le travail et pris la résolution d'y retrouver plus de sens une fois la crise passée".

Un plan compétences et des appels à augmenter les salaires

Ces derniers jours, le gouvernement, qui aime rappeler qu'entre 200.000 et 300.000 emplois sont à pourvoir en France, a décidé de prendre une partie du problème à bras le corps. Avec la présentation lundi par Jean Castex d'un plan d'investissement dans les compétences qui vise à mettre le paquet sur la formation des demandeurs d'emploi et des salariés.

Sur BFM Business, le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, s'est montré particulièrement critique à l'égard de ce plan, expliquant que "M. Castex ferait mieux d'augmenter le Smic" puisque le problème principal "des emplois non pourvus, c'est l'attractivité, le salaire, les conditions de travail (...)".

Or sur ce point, l'exécutif s'est pour l'heure contenté de mettre les patrons sous pression en les incitant à augmenter les bas salaires dans une quinzaine de branches professionnelles. Reste à savoir si ces appels non contraignants seront suivis d'effets.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco