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Publicité en ligne: comment les annonceurs utilisent vos maladies ou opinions politiques pour vous cibler

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- - CC, (Flickr, Polycart)

Malgré les limites imposées par la loi européenne, les géants de la publicité en ligne laissent les annonceurs cibler les internautes sur des critères très sensibles.

Pour mieux nous vendre leurs produits, les marques peuvent nous catégoriser selon nos préférences culinaires, vestimentaires, ou encore notre âge. Sur le papier, ils disposent également d'outils pour nous cibler selon notre orientation sexuelle, nos maladies, nos affinités politiques ou certains de nos traumatismes personnels. C’est ce que regrette l’ONG polonaise Panoptykon Foundation, qui a décidé de porter plainte contre Google et IAB Europe, une association chargée de structurer la publicité en ligne.

Des centaines d’étiquettes numériques

D’après le communiqué de presse repéré par nos confrères de 01net.com, l’ONG chargée de défendre les libertés fondamentales sur le Web pointe du doigt le rôle de Google et de l'IAB dans l’élaboration des standards publicitaires en ligne, qui autorisent indirectement un ciblage des internautes sur de tels critères.

Pour associer un internaute à une catégorie, les annonceurs utilisent des “tags”, des étiquettes numériques qui lient chaque utilisateur à des dizaines d’intérêts différents. La collecte d’information se fait au gré des sites Web visités, grâce à de petits logiciels intégrés à toutes les pages. En théorie, ces intérêts ne peuvent être "sensibles". Ils ne doivent donc pas concerner des affinités politiques, religieuses, ni des informations sur la santé de l'utilisateur.

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Parallèlement à ces étiquettes numériques, des listes sont établies par Google et l'IAB Europe, afin d'associer un code aux différents thèmes abordés sur un site Web. Elles concernent cette fois des sujets bien plus vastes - et sensibles, pour refléter la diversité d'Internet. Comme le montrent les documents de Google et de l'IAB, des classifications existent pour des sites évoquant les maladies comme le SIDA ou le cancer, les orientations sexuelles, la religion ou les opinions politiques.

Le RGPD invoqué

Sur le papier, les codes associés à ces thèmes doivent permettre aux annonceurs de choisir les catégories de sites sur lesquelles ils désirent apparaître. Une option pertinente, par exemple pour un distributeur de viande ne désirant pas afficher ses produits sur des sites végétariens. En aucun cas, ces annonceurs sont censés garder la trace d'un internaute ayant visité un site à caractère sensible.

Mais pour la Panoptykon Foundation, ils sont techniquement en mesure de le faire, grâce aux informations diffusées sur les plateformes d'enchères publicitaires. Massivement utilisées pour vendre de l'espace publicitaire en ligne, ces plateformes affichent des identifiants qui permettent de suivre un internaute. Selon les plaignants, l'affichage de ces identifiants n'est pourtant pas indispensable au bon fonctionnement du marché de la publicité en ligne.

En collectant ces identifiants, des annonceurs peu scrupuleux peuvent ensuite associer un internaute ayant visité un site évoquant par exemple les traitements contre le SIDA à une étiquette "malade du SIDA", cette fois permanente. Une pratique totalement illégale, selon le règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en mai 2018.

D’après l’article 9 de ce dernier, “le traitement des données à caractère personnel qui révèle l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques” est interdit, sauf si l’utilisateur donne son consentement explicite au traitement de ces données. Ce qui n’est en pratique jamais le cas dans le cadre du ciblage publicitaire.

Face à cette plainte, Google nie être responsable de l’usage qui est fait de ces listes. “Nous appliquons des règles interdisant aux annonceurs sur nos plateforme le ciblage des internaute en fonction de catégories sensibles telles que la race, l'orientation sexuelle, l'état de santé, l'état de grossesse, etc. Si nous trouvons sur notre plateforme des publicités qui enfreignent nos règles et tentent d’utiliser des catégories d'intérêt sensibles afin de cibler les annonces sur les utilisateurs, nous prendrons des mesures immédiates” précise l’entreprise américaine au site Wired.

En mars 2018, Google a publié son rapport annuel sur l'écosystème de la publicité en ligne. Au total, l'entreprise américaine a supprimé 100 "mauvaises publicités" par seconde, soit un total de 3,2 milliards de contenus sur l'année 2017. Un chiffre important, qui ne permet toutefois pas de déduire la part de publicités supprimées à cause de l'utilisation frauduleuse de "tags" à caractère sensible.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co