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Harcèlement de Nadia Daam: "Les cyberagresseurs doivent se rappeler que la réalité peut les rattraper brutalement"

Nadia Daam lors de sa chronique de novembre dernier.

Nadia Daam lors de sa chronique de novembre dernier. - Europe 1

Eric Morain est l'avocat de la journaliste Nadia Daam, victime début novembre d’une violente campagne menée depuis un forum hébergé par jeuxvideos.com. Deux des cyberharceleurs présumés comparaîtront devant le tribunal correctionnel le 5 juin. Le procès est appelé à faire jurisprudence en la matière.

En novembre dernier, la journaliste Nadia Daam qualifie le forum jeuxvidéo.com de "poubelle à déchets non-recyclables d'Internet" et tacle la "bêtise crasse" et la "malveillance" des harceleurs qui s'y réfugient. S'ensuit un torrent de messages de haine, de tweets insultants, d'injures à connotation sexuelle mais aussi des menaces de viol, voire de mort. Plusieurs de ses comptes de réseaux sociaux et sa boîte mail sont piratés. Sa fille est également menacée et une personne vient frapper en pleine nuit à son domicile.

Nadia Daam porte plainte. Sept mois plus tard, l'affaire arrive dans la justice. L'enquête lancée a été fructueuse et aura permis d'identifier sept harceleurs présumés. Le 5 juin, deux d'entre eux comparaîtront devant la 30e chambre du tribunal correctionnel de Paris. L’un pour "menace de commettre un crime" et l’autre pour "menace de mort". Eric Morain, l'avocat de Nadia Daam, estime que ce procès pourrait faire jurisprudence.

BFM: Qui sont les suspects identifiés et quels faits leur sont reprochés ? 
Eric Morain : Sept auteurs de messages qui tombent sous le coup de la loi ont été identifiés au fil de l’enquête. Pour des raisons de procédure et de compétence territoriale, quatre dossiers ont été transférés, notamment aux procureurs de Douai, Grasse et Valenciennes. Seuls trois relevaient finalement de la compétence de Paris. L'un des cyberagresseurs est mineur et a écopé d'un rappel à la loi lors de son audience devant le délégué du procureur, le 7 mars dernier.
Les deux autres sont majeurs et seront jugés mardi prochain, l’un pour "menace de commettre un crime" et l’autre pour "menace de mort". Ce dernier est celui qui nous importait principalement. Il avait réalisé un photomontage sinistre, montrant le visage de Nadia Daam sur une photo d'égorgement de Daech. 

De quelle façon les harceleurs en ligne de Nadia Daam ont pu être retrouvés, et quels moyens ont été déployés pour mener à bien cette recherche ?
Je ne vous le dirai pas ! Ces questions techniques sont dans le dossier mais je doute que le tribunal les aborde dans le détail. Moins on en saura, mieux ce sera.
Je peux seulement signaler qu'il s'agit d'une enquête rapide et extrêmement bien menée par la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), avec la coopération de la plupart des fournisseurs d’accès et des réseaux sociaux. Dans le cas du mineur, c'est l'ordinateur de famille qui a été identifié. Tous ont été placés en garde à vue avant qu'ils ne reconnaissent les faits.

Comment a été qualifié le préjudice subi par Nadia Daam ?
Il s'agit d'un préjudice psychologique et moral, après le déchaînement d’une meute. Le montant des dommages et intérêts doit encore être discuté avec la cliente.

Le 9 mai, l'Assemblée a adopté une loi sur le cyberharcèlement de groupe. Ce nouveau texte viendra-t-il interférer d'une quelconque manière lors du procès ?
Le procès a cela de spécifique qu'il va au-delà de la "simple" injure adressée en ligne et porte sur des menaces de mort ou sur des messages portant atteinte à l'intégrité physique d'une personne. Les deux suspects seront donc jugés sur cette base. Le texte adopté le 9 mai porte, lui, sur les "raids numériques", à savoir ces opérations de groupes visant à submerger une victime de messages haineux et sexistes. Il permettra de mieux sanctionner ce volume de messages adressés par une communauté liée par des intérêts divers et variés à une seule et même personne. 

Que laisse augurer ce procès par rapport à l'impunité des harceleurs en ligne ?
Il s'agit de faire comprendre à ceux qui agissent dans cette réalité virtuelle qu’ils sont pour le coup dans une vraie réalité, de chair et d’os, qui les rattrapera et leur cognera dessus. Les cyberagresseurs doivent se rappeler que la réalité peut les rattraper brutalement. Les destinataires de leurs messages sont de vraies personnes, qu'ils pourront être appelés à retrouver au tribunal. Comme le prouve cette enquête, les moyens de les retrouver et de remonter jusqu'à eux existent.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech