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I.Avocat : qu'est-ce que cette application controversée qui veut remplacer un avocat par une IA?

Lancé le 1er janvier dernier sur l'App Store et Google Play, l'application I.Avocat fait polémique en raison de sa volonté de proposer des conseils juridiques sans passer par un véritable avocat.

Un avocat peut-il être remplacé par une intelligence artificielle? C'est toute la question depuis quelques jours, puisque depuis le 1er janvier dernier, une start-up lyonnaise a lancé I.Avocat.

Cette application offre la possibilité de recevoir des conseils juridiques avec des réponses générées par l'intelligence artificielle. Imaginée par un entrepreneur lyonnais de 35 ans, elle s'est rapidement attirée les foudres des avocats de tout bord.

Des conseils juridiques générés par l'I.A

Il faut dire que I.Avocat ne manque pas de promesses et de superlatifs dans son descriptif. Ainsi, on nous explique que l'on recevra des "réponses juridiques rapides et précises", ainsi qu'une "expertise légale exceptionnelle", répondant à "toutes les préoccupations." En l'état toutefois, il ne s'agit pas d'un véritable avocat, et l'application ne peut donner que de simples conseils juridiques, même si l'I.A génère ses réponses à partir de 50 années de décisions judiciaires, mais aussi des programmes de l'école du barreau et de la magistrature. Cette application n'est pas la seule disponible sur le marché. On compte ainsi sur LegiGPT, un chatbot proposé sur le web, et basé sur GPT-3.5, qui s'est entraîné sur 148 000 textes de lois français.

Le concept a de quoi séduire, d'autant plus au sein des territoires où les aides juridiques, qui permettent de se faire assister gratuitement, ou à moindres frais, sont rares. Il reste néanmoins payant: comptez 69 euros par an, ou 9 euros par mois (cette offre n'est pas encore disponible). Il n'est d'ailleurs pas possible de tester les compétences de l'I.A sans s'abonner au préalable.

Mais plusieurs avocats et spécialistes du droit pointent déjà du doigt de possibles dérives. Interrogé par Le Progrès, maître Jean-Bernard Prouvez explique que si i.Avocat peut effectivement être "une aide", elle n'est en revanche pas faite pour remplacer l'humain. Même constat pour le juriste Foudeil Benazout, qui estime qu'il faut "travailler avec la machine et pas contre," tout en mettant en avant les risques d'induire une victime en erreur.

Une société basée à Dubaï

Le nom de l'application poserait également des problèmes déontologiques, mais aussi de confidentialité. Alors que le secret de l'instruction est l'une des règles en matière de droit, on peut importer des fichiers pour que l'I.A analyse une affaire. Sans certitudes sur la destination des données. Une rapide inspection permet de constater que le siège de cette start-up est situé à Dubaï.

Enfin, c'est la communication autour du projet qui pose problème à la profession. Dans une vidéo promotionnelle repérée par BFM Lyon, on peut ainsi constater des accroches controversées: "là où un avocat mettrait un an, je mets une minute, là où un avocat t'aurait coûté 1.000 euros, je ne coûte que 69 euros."

Une provocation que revendique le créateur de l'application: "C'était pour faire un badbuzz, on était obligé. Il y a 10.000 applications par jour qui sortent (...) pour ne pas passer inaperçu, on a voulu titiller ce corps de métier, alors qu'en vrai, on travaille en étroite collaboration avec eux."

Face à l'émotion au sein de la profession, le barreau de Paris s'est saisi de l'affaire, et a mis en demeure l'entrepreneur lyonnais, le sommant de retirer I.Avocat des magasins d'applications.

Sylvain Trinel