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"Faire de l’histoire autrement": entouré de spécialistes, Assassin's Creed joue la carte du réalisme

Depuis plus de 15 ans, Ubisoft a fait de sa franchise à succès un savant mélange de jeu d'aventure et de plongée historique. Attendu le 5 octobre, Assassin's Creed Mirage ne déroge pas à la règle.

Jouer tout en apprenant. Depuis 16 ans, Ubisoft présente sa saga Assassin’s Creed comme un "terrain de jeu historique". Même si ses Assassins sortent les épées et les poignards pour venir à bout des Templiers, ils le font toujours dans un cadre historique, de l’Égypte ancienne à la Révolution française, de la Renaissance à la révolution américaine.

Assassin's Creed Mirage : retour aux origines avec Guillaume Delalande et Mohammed Aigoin
Assassin's Creed Mirage : retour aux origines avec Guillaume Delalande et Mohammed Aigoin
29:08

Redonner vie à l'histoire, ses monuments et civilisations, c'est la marque de fabrique de la franchise qui s’apprête à accueillir son 13e épisode avec Assassin’s Creed Mirage attendu le 5 octobre. Un jeu annoncé comme un retour aux sources par les équipes d’Ubisoft Bordeaux aux commandes du titre et moins ambitieux que le démesuré Assassin's Creed Valhalla. Mais il reste fidèle à l’identité historique initiale et à son souci de véracité avec une plongée dans le Moyen-Orient du 9e siècle et dans la ville de Bagdad.

"C’est un moyen de faire de l’histoire autrement, un moyen des plus influents parce qu’il y a toute une partie de l’approche et des connaissances qui passe par le jeu vidéo", explique Thierry Noël, historien chez Ubisoft et en charge des recherches sur le jeu.

"Donner une approche historique autrement"

Car si les équipes de développement passent des années à concevoir un jeu, il en va de même pour les historiens d’Ubisoft qui planchent sur le décor et le cadre des événements. "C’est un travail qui s’étale sur des années de recherches, d’échanges avec les équipes de développement, mais aussi avec des experts", ajoute Thierry Noël qui souligne que ce sont toujours les équipes créatives qui ont le dernier mot. "Le travail des historiens, c’est d’amener des éléments aux créatifs qui feront les choix sur les besoins d’un jeu et sur les contraintes."

Le souci premier reste toujours l’authenticité du cadre de jeu, des événements et des personnages rencontrés. "On veut donner une approche historique autrement pour donner l’envie d’en savoir plus. Mais il ne s’agit pas de se substituer à un cours d’histoire", prévient-il.

La reconstitution des marchés de Bagdad dans "Assassin's Creed Mirage"
La reconstitution des marchés de Bagdad dans "Assassin's Creed Mirage" © Ubisoft

Assassin’s Creed est-il un jeu aussi "authentique" historiquement qu’il le promet? Il s’en donne en tout cas les moyens, même s’il se doit aussi de rester un jeu. Pour Mirage, la recette reste la même. "Pour faire un Assassin’s Creed, il faut de l’élévation, pouvoir monter et crapahuter, avoir un décor impactant aussi", rappelle l’historien. "Et il faut aussi une période pivot de l’histoire, un moment de changement radical. Avec Bagdad qui est le centre du monde au 9e siècle, ça fonctionne très bien."

Bagdad, la difficile reconstitution

Moment de conspiration de palais, de révolution, de complot, sur fond de gronde sociale extrêmement forte, la cité orientale était un terrain de jeu parfait. À un souci près: elle a été détruite au 13e siècle par les Mongols et il n’en reste pratiquement rien. S’ensuit alors un travail plus complexe pour les historiens et les équipes de développement.

"Ça a été un vrai défi et un très gros travail de reconstitution", reconnaît Thierry Noël. “Notre chance, c’est que la période est assez bien documentée, notamment sur les événements. En l’absence de sources visuelles, le recours, c’est de consulter des spécialistes, trouver des éléments qui nous permettent de nous approcher le plus de ce que ça pouvait être, se poser la question des matériaux utilisés."

Bagdad était une ville de briques crues. Les historiens ont donc cherché les autres endroits du monde où ce matériau était utilisé et de quelle façon. Ils ont également fait appel à des expertises externes pour reproduire des bâtiments, décors et autres qui répondraient aux habitudes et exigences de l’époque. La capitale de l’empire abbasside à l’époque est alors une ville fourmillante, bouillonnante, avec une véritable diversité culturelle, religieuse et d’identité. Le monde entier, de l’Atlantique à l’Extrême-Orient, a rendez-vous sur les marchés de la ville où tous les produits sont vendus sur les étals.

Des libertés dans les zones d’ombre

"On est dans une culture urbaine, une ville immense, un centre du monde, une ville cosmopolite. On y trouve de tout, c’est un véritable creuset, avec des gens différents", confie Thierry Noël qui se félicite que les équipes d’Ubisoft Bordeaux aient réussi à retranscrire cela dans le jeu. "Sur les marchés, regardez bien, vous allez voir une grande variété de produits."

Aller de la reconstitution générale jusqu’au plus petit détail, c’est aussi ce qui fait l’authenticité d’une période, rappelle-t-on chez l’éditeur français qui n’oublie pas qu’Assassin’s Creed reste un jeu avec des exigences. "La règle, c’est de respecter les cultures matérielles et immatérielles, de respecter tous les éléments que peut offrir un setting, mais d’essayer de s’inscrire dans les zones d’ombre aussi", s’amuse le responsable historique du jeu qui admet parfois quelques libertés prises. "Dès qu’on ne sait pas très bien, c’est le moment où on va pouvoir introduire un peu de créativité, un petit peu de fiction et des choses qui nous intéressent. Mais avec un choix raisonné et justifié."

Le palais des Abbassides dans Assassin's Creed Mirage
Le palais des Abbassides dans Assassin's Creed Mirage © Ubisoft

Ainsi, le palais de Bagdad a été replacé au centre de la carte de jeu pour des questions de jouabilité et d’intérêt de l’histoire, mais aussi "pour que ça ait du sens dans le jeu". "Ça n’affecte pas le sens général ni l’authenticité!", martèle-t-il. "On peut avoir un souci d’authenticité pour que cela reste un jeu, mais ça n’empêche pas de faire passer une quantité d’informations historiques."

Une mine d’informations à portée de manette

Bien que la saga soit généralement déconseillée aux moins de 16 ou 18 ans, Ubisoft sait aussi mettre à profit sa richesse historique. Si l’on peut avoir un regret, c’est que le géant français n’ait pas prévu de Discovery Tour pour AC Mirage. Ces visites historiques dans les décors "vivants" du jeu — mais débarrassées de toutes les séquences de combat et même de la trame en général — comme ce fut proposé pour les jeux Origins (Égypte ancienne), Odyssey (Grèce antique) et Valhalla (vikings) avec des informations distillées au fil de la balade. Cette fois-ci, toutes les notions et idées sont regroupées avec la même idée, mais moins d’interactivité, dans le Codex, "une version pédagogique consultable à tout âge de ce qu’on peut trouver dans le jeu".

"Cela permet d’aller plus loin, d’apprendre avec toutes les informations mises dans le jeu et d’utiliser une bonne partie des recherches produites pour le jeu", résume Thierry Noël. "C’est aussi une façon de saluer le travail fait par les historiens".

Vous y trouverez ainsi des éléments sur l’histoire de Bagdad apportés par des historiens, des institutions et musées, des connaissances sur les us et coutumes de l’époque, mais aussi l’architecture et les mœurs. Une base historique qui donne autant envie d’ouvrir un livre autant que de partir en balade avec son héros pour une plongée dans un autre temps.

ASSASSIN'S CREED MIRAGE —Disponible sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et PC.

Melinda Davan-Soulas