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Des députés veulent interdire l'anonymat en ligne: pourquoi cet anonymat n'existe déjà pas

Dans les cas de cyberharcèlement ou de violences organisées sur les réseaux sociaux, il est bon de rappeler qu'un pseudonyme ne protège pas de poursuites judiciaires.

"Je ne pensais pas que vous me retrouveriez": c'est ce qu'a affirmé Maël H. qui a été reconnu coupable d'avoir harcelé la chanteuse Hoshi en lui envoyant des messages haineux sur les réseaux sociaux. L'enquête de police avait permis de relever huit comptes à l'origine de ces messages et six personnes ont été identifiées.

Autre exemple, le chanteur Eddy de Pretto avait également porté plainte pour cyberharcèlement. 11 des 17 personnes qui étaient jugées pour commentaires homophobes et menaces de mort sur les réseaux sociaux à son encontre, ont écopé de 3 à 6 mois de prison avec sursis.

Ce 19 mars 2024, ce sont 28 personnes qui ont été reconnues coupables de cyberharcèlement vis-à-vis de Magali Berdah, là encore malgré l'utilisation de pseudonymes sur les réseaux sociaux.

Alors qu'en avril 2022 Emmanuel Macron rappelait être contre l'anonymat en ligne, cette notion reste toutefois très relative.

Mais ce 24 mars, 125 députés de la majorité se sont eux aussi prononcés en faveur de l'interdiction de l'anonymat en ligne, en imposant une identité numérique pour se connecter aux réseaux sociaux.

Pseudonymat plutôt qu'anonymat

Par définition, un internaute anonyme serait intraçable, hors ce n'est pas le cas. Le terme pseudonymat serait plus approprié. Chaque internaute peut théoriquement être retrouvé grâce à son adresse IP. En revanche, chacun est libre de se présenter sous le pseudo qu'il souhaite sur les réseaux sociaux.

Sous pseudo, il est alors impossible d'être identifié par les autres internautes, mais l'utilisateur peut être identifié par les autorités. Celles-ci peuvent récolter son adresse IP, à laquelle les réseaux sociaux ont accès. Puis elles peuvent demander au fournisseur d'accès à Internet d'associer cette adresse IP à un abonnement et donc à une identité.

En octobre 2020, Gilles Babinet, co-président du Conseil national du numérique, réagissait sur l'antenne de BFM Business alors que la question de l'anonymat en ligne se posait à la suite de l'assassinat de Samuel Paty:

"Je rappelle que, dans le contexte actuel, on a tous les outils pour retrouver les gens qui se cachent derrière l’anonymat. On sait tracer une adresse IP et aller identifier la personne qui est derrière. Le vrai sujet est de donner davantage de moyens à la justice pour pouvoir mettre en œuvre ce qui existe dans la loi".

Responsabilité des plateformes

Eric Bothorel, député de la majorité qui travaille notamment sur le projet numérique d'Emmanuel Macron, confiait en avril 2022 à BFMTV qu'il s'agit avant tout pour le gouvernement de renforcer la collaboration des plateformes: "Il n'y a aucune volonté de mettre fin à l'anonymat en ligne car il n'y a pas d'anonymat en ligne. Il est toujours possible de retrouver l'identité de quelqu'un sur le Web. Mais ce qui est en jeu, c'est la collaboration des plateformes pour livrer ces données, par exemple en cas de propos haineux".

"Le programme présidentiel ne se positionne en rien contre le pseudonymat, c'est-à-dire la possibilité pour les internautes de ne pas apparaître sous leur vrai nom. On peut être sous pseudonyme, sans pour autant être anonyme, pour être responsable en cas de délit", précisait l'élu.

Depuis 2004, et la loi pour la confiance dans l'économie numérique, les plateformes sont tenues de conserver les données de nature à permettre l'identification de l'auteur de propos illicites, et à répondre aux requêtes des autorités judiciaires.

L'identification des auteurs de propos haineux en ligne relève donc en partie de la coopération des plateformes, mais celles-ci ne collaborent pas toujours. En mars dernier, Twitter France était jugé pour ne pas avoir aidé la justice à identifier les auteurs de deux tweets injurieux visant un responsable de la préfecture des Yvelines. Twitter France et son directeur général Damien Viel ont été relaxés dans cette affaire.

Damien Viel s'était défendu en rappelant que Twitter France "est une entité qui ne stocke pas de données", ces dernières étant conservées et traitées par la filiale européenne de la maison-mère Twitter, située en Irlande.

Margaux Vulliet