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Comment le business de la friperie en ligne envahit Instagram

Le profil Instagram de la boutique Milochka Vintage

Le profil Instagram de la boutique Milochka Vintage - Instagram

Sur internet, il y a d'un côté les boutiques vintage qui vendent des pièces originales à des tarifs abordables et de l'autre, celles qui font flamber les prix en proposant des vêtements à la mode.

Pour dénicher de jolies pièces vintage, doit-on toujours se résoudre à fouiller dans les portants surchargés des friperies? Non, mais quelques euros ne suffisent pas pour s'offrir un tshirt. Surtout quand on veut se concocter un look en parfait accord avec les tendances actuelles.

Depuis quelques années, des boutique vintage et de seconde main fleurissent sur internet, aidées par la croissance fulgurante de Vinted qui permet aux particuliers de vendre leurs vêtements. Sur le site Meryl Paris, comptez entre 30 euros et 45 euros pour une chemise basique.

“Ca peut paraître cher mais c’est un travail de titan, il faut s’en rendre compte”, explique sa créatrice, Meryl. “La cliente n’a pas à fouiller dans des bacs pas toujours propres, à laver la pièce, à la repasser, à la remettre en état quand c’est nécessaire ou encore à la prendre en photo et à la mettre en ligne. Tout cela, ça se paye”.

A 30 ans, elle est en train d'abandonner progressivement son activité de freelance en communication pour se consacrer à 100% sa boutique dès la rentrée, un an seulement après sa création, signe que son activité se porte bien.

De son côté, Valentine s'est lancée depuis un an et demi mais n'a pas encore sauté le pas pour sa boutique Vinted La Pagaille Friperie. Elle a conservé un travail en parallèle de son activité.

“La partie que je préfère, c’est chiner. Ca n’aurait pas de sens pour moi de faire appel à fournisseurs comme le font certains. J’ai toujours écumé les boutiques solidaires comme Emmaüs, les ressourceries ou les boutiques associatives avec mes parents qui adorent chiner”, raconte Valentine.

Elle a d’ailleurs investi leur grenier pour installer son stock mais ramène toutes les pièces en RER à Paris, chez elle, pour faire les shootings qui viendront garnir sa boutique.

Chiner, "c’est un peu devenu une drogue"

Les boutiques vintage fleurissent partout sur internet. Pour ne pas se retrouver noyé dans la masse, il faut viser large. Chez Baraque à fripes, Cindy et Claire, deux amies toulousaines, mettaient chaque semaine une trentaine d'articles pendant le confinement. Le rythme devrait ralentir un peu.

“Le vintage, ce n’est pas une passion de longue date. Au début, c’est surtout le prix qui m’a attiré ! Mais maintenant, c’est un peu devenu une drogue”, rigole Claire, 25 ans. “Même quand on part en week-end, on regarde toujours s’il n’y a pas des friperies ou des vides-greniers dans le coin”.

Certaines n'hésitent pas à faire appel à des grossistes du vintage et de la seconde-main, qui facilitent grandement la tâche des vendeuses. C'est le cas de Florencia, à la tête de Lapin Boutique. “Je travaille avec des fournisseurs en France mais aussi en Allemagne ou en Espagne. Mais je continue quand même à écumer les brocantes !”.

Arrivée d'Argentine il y a six ans, elle est spécialiste des vêtements des années 60, qui constituent plus de la moitié des pièces vendues dans sa boutique.

“Quand j’avais 18 ans, j’étais passionnée de cinéma et de musique. Je me suis intéressée au vintage pour m’habiller comme les héroïnes de film”, raconte Florencia. “En Argentine, il y avait beaucoup de marques italiennes car les Italiens constituent la plus grande communauté étrangère du pays".

Beaucoup critiquent le choix de faire appel à des fournisseurs, car même si le temps passé à chiner les pièces est économisé, cela ne se ressent pas forcément dans les prix qui ont tendance à exploser.

Le look "parisien" a la cote

Le vintage a la côte auprès du grand public, mais pas n'importe lequel. Depuis la création de la plateforme Imparfaite, sorte de "Vestiaire Collective du vintage", un style s'est imposé. Le "look parisienne", avec des robes à fleurs, des blouses blanches et des jeans Levis 501, dans la lignée de la marque Rouje de l'influenceuse Jeanne Damas. Et les prix ont flambé pour des pièces basiques mais tendances, avec des robes vendues jusqu'à 150 euros.

"En ce moment, je vois tous les jours de nouveaux shops", confirme Meryl, de Meryl Paris. "Ca s'uniformise un peu, avec beaucoup de paniers, de blouses blanches. Mais pour survivre, je pense qu'il faut se créer un univers".

"Ma marque de fabrique, c'est les motifs et la couleur. J'attire une clientèle qui me correspond, et c'est très bien comme ça", revendique de son côté Séverine, 42 ans. Auparavant vendeuse de vêtements pour femmes rondes, elle n'a un jour "plus supporté" de recevoir des tonnes de pièces sur des cintres en plastique.

Depuis, elle habite toujours près de Poitiers mais sa vie a radicalement changé. Elle a épousé le mode de vie "zéro-déchet", s’est mise à consommer local et bio. Séverine se consacre désormais à 100% à sa boutique en ligne, Ma Friperie Preloved, même si niveau salaire "c'est un peu la galère".

Alternative à la fast fashion

Si certaines pratiquent des prix très élevés, toutes n'ont pas envie de s'aligner.

"Quand c'est très tendance, c'est un peu plus cher mais j'essaye quand même de garder une cohérence", reconnaît Milena, 29 ans, de Milochka Vintage, une boutique qui se renvendique "body positive" et LGBTQ-friendly. "J'aimerais que ça reste accessible, pour que ce soit une vraie alternative à la fast fashion (terme désignant le marché du vêtement neuf à bas prix, ndlr)".

Pour inciter les clientes à acheter du vintage, outre un prix raisonnable, Valentine de La Pagaille Friperie mise sur les photos. "Tout est minimaliste. Je prends des clichés simples pour montrer que le vintage peut être moderne, même quand il s'agit d'une chemise à fleurs".

"Au final, on est toutes collègues car on travaille au même endroit, à savoir Instagram, et on a le même ennemi qui est la fast fashion", conclut Milena.
https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech