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Cloud: l'Autorité de la concurrence pointe du doigt les géants américains

L'Autorité de la concurrence a rendu son avis sur le fonctionnement du secteur du cloud. Un marché où, selon elle, Amazon, Microsoft et Google sont bel et bien en mesure d'entraver la concurrence.

Un an et demi après s'être autosaisie, l'Autorité de la concurrence a dévoilé jeudi son rapport sur le marché du cloud en France. Un marché "structurant" pour les entreprises françaises, qui sont toujours en phase d'adoption, et en plein essor. Il devrait progresser de 14% par an, pour atteindre 27 milliards d'euros en 2025.

Et la croissance est déjà captée par les géants américains: 80% en 2021. Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud Platform détiennent ensemble 71% des parts de marché. De quoi faire craindre à l'Autorité de la concurrence un renforcement de cette concentration à l'avenir.

Subventions et barrières tarifaires

Premier risque concurrentiel, l'Autorité met en lumière des barrières tarifaires, installées par les leaders du marché: "Les fournisseurs distribuent ce qu'on appelle des crédits cloud, qui sont des sortes d'offres promotionnelles ou de rabais permettant de démarrer son expérience cloud" explique à BFM Business Benoît Cœuré, le président de l'institution. Ils monteraient jusqu'à 200.000 dollars sur deux ans d'après le rapport.

Une facilité d'entrée, avant un verrouillage. L'Autorité constate qu'à l'inverse, les frais de sortie, appelés "egress fees", sont particulièrement élevés: "Beaucoup d'acteurs se plaignent du fait que ces frais sont déconnectés des coûts réels que paient les fournisseurs" souligne Benoît Cœuré.

Les hyperscalers trop attractifs

En plus des frais de sortie, les migrations cloud à cloud sont complexes techniquement. Les hyperscalers profitent aussi de leur taille et leur capacité financière. Présents sur d'autres marchés, comme la fourniture de services informatiques, ils peuvent attirer leurs clients vers leurs solutions cloud.

Difficile donc pour les entreprises de changer de fournisseurs, comme pour les petits fournisseurs d'émerger. D’autant plus qu'Amazon, Google et Microsoft multiplient les acquisitions dans le secteur. L'Autorité de la concurrence en a compté entre 10 et 25 chacun entre 2018 et 2021 à l'échelle mondiale.

Correction des régulateurs

Mais les régulateurs commencent à réagir. Le DMA (règlement sur les marchés numérique) va obliger les hyperscalers à déclarer chaque projet d'acquisition à la Commission européenne. Les egress fees devraient aussi disparaître progressivement. D'abord en France, avec la loi "Sécuriser et réguler l'espace numérique" puis en Europe grâce au Data Act.

L'Autorité de la concurrence, elle, va se servir de son rapport comme "d'une boîte à outils pour comprendre les mécanismes potentiellement problématiques" nous dit son Président. Elle compte commencer la discussion avec les acteurs du secteur avant que son rapporteur décide s'il y a lieu d'ouvrir des enquêtes.

Léo Dumas