BFM Paris Île-de-France
Paris Île-de-France

Mort de Nahel: ces quatre zones d'ombre que la reconstitution va tenter d'éclaircir

La reconstitution des faits ayant abouti à la mort du jeune Nahel à Nanterre en juin 2023 doit permettre d'éclaircir certaines zones d'ombre de l'enquête.

La justice organise ce dimanche 5 mai au matin à Nanterre une reconstitution des faits ayant conduit à la mort de Nahel, ce jeune de 17 ans tué le 27 juin 2023 par un tir de police. Un drame qui avait entraîné plusieurs semaines d'émeutes.

Cette reconstitution est pour la plupart des parties le moment déterminant de l'instruction. "C'est presque un procès avant l'heure", analyse l'un des avocats du dossier. 

Florian M., l'auteur du tir, est mis en examen pour homicide volontaire dans cette affaire. Le deuxième policier, Julien L., est placé sous le statut de témoin assisté pour complicité de meurtre.

Cette reconstitution se fera sous haute surveillance. Un dispositif de sécurité a été mis en place par la préfecture de police pour éviter des débordements. Ce matin, aux alentours de 9h, la place Nelson Mandela de Nanterre était bouclée par les forces de l'ordre.

Selon une source proche du dossier à BFMTV, l'Inspection générale de la Police nationale (IGPN) a demandé aux parties et à leurs avocats de s'équiper de gilets pare-balles pour leur protection. Les deux policiers devraient aussi venir masqués.

Un tir légitime?

Parmi les points de l'enquête à éclaircir ce dimanche, la question de la légitimité du tir. Florian M. a avancé trois raisons. En premier lieu, le danger que représentait la conduite de Nahel: "J'ai pris la décision d'ouvrir le feu pour stopper la fuite, car je pense que sinon il aurait pu renverser quelqu'un", avait-t-il expliqué lors de sa première audition.

Le dossier a établi que Nahel avait manqué de renverser un piéton et un cycliste dans la course poursuite qui a précédé le tir.

Deuxièmement, le risque que courait son collègue policier, Julien L., si la voiture redémarrait. "Pour moi, il était encore dans la voiture" et pouvait se faire "embarquer" ou écraser "s'il était rester accroché sur la portière", détaillait Florian M.

Enfin, le danger que représentait la situation pour lui-même: "Sur le moment, j'ai cru qu'il allait me renverser. Parce que là, si je tombe entre la voiture et le trottoir, il aurait pu me rouler dessus."

Les policiers en danger?

La reconstitution doit permettre de comprendre si les deux membres des forces de l'ordre étaient ou pouvaient raisonnablement se sentir en danger. La distance entre la voiture, le policier et le mur sera une question importante ce dimanche. Florian M. explique que c'est notamment cette proximité qui justifie son tir.

"Je n'avais pas le choix, j'étais vraiment proche du mur et c'est une voiture assez puissante. S'il avait accéléré et qu'il avait réussi à me coincer, je n'aurais pas pu m'extraire", certifiait-il durant son audition.

À propos du tir, Florian M. assure avoir visé la partie basse de l'habitacle. Il déclare dès le 27 juin 2023, lors de ses premières auditions, qu'il ne "voulai[t] pas viser sur le haut du corps".

"En plus, il y avait les bras de mon collègue dans le véhicule donc c'était plus judicieux d'orienter mon arme vers le bas du corps. À aucun moment, je n'ai voulu que cette personne décède", a-t-il déclaré, se rappelant ensuite avoir été "bousculé" par la voiture qui redémarrait. C'est ce qui aurait dévié son angle de tir et l'aurait rendu mortel. 

Que s'est-il passé avant le tir?

Sur les paroles prononcées avant le coup de feu, la justice a déjà quelques éléments. Il y a deux propos rapportés par des témoins ou entendus sur les vidéos, qui pourraient s'apparenter à des menaces de mort.

D'abord, ceux évoquant "une balle dans la tête", que l'on peut entendre dans la vidéo diffusée sur X (anciennement Twitter) et qui ont été confirmés dès le début de l'enquête par un examen audio.

Ensuite, un doute sur l'injonction: "Shoote!" ou "Coupe!". Difficile de déterminer laquelle des deux est la bonne. BFMTV a appris d'une source proche du dossier confirmant une information de RTL que des expertises sonores ont été effectuées par l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN).

Celles-ci n'ont pas pu trancher la question, dû notamment à la mauvaise qualité sonore des enregistrements.

Sur ces propos, les deux policiers lors de leurs auditions, mais aussi lors d'une confrontation entre eux en date du 28 juin 2023, ont l'un comme l'autre certifié n'avoir jamais prononcé cette menace de mettre "une balle dans la tête".

Le policier qui est sous le statut de témoin assisté dit qu'il a peut-être dit "main sur la tête" mais qu'il ne s'en souvient plus. Les deux disent en revanche, avoir prononcé l'un comme l'autre l'injonction "coupe, coupe !" (sous-entendu "coupe le moteur") mais pas "shoote!"

Mort de Nahel : une difficile enquête face à 2 versions qui s'affrontent
Mort de Nahel : une difficile enquête face à 2 versions qui s'affrontent
17:45

Des coups portés sur Nahel?

Les deux passagers de Nahel, évoquent des coups de crosse à Nahel de la part des deux policiers: "Je ne sais pas quel policier mais l'un des deux a mis deux coups de crosse sur la tête de Nahel. L'autre en a mis un."

"Nahel avec son bras gauche se protégeait des coups", disait un passager aux juges d'instruction en novembre dernier. L'autre racontait: "il (le policier qui était près de la fenêtre conducteur, NDLR) a rentré sa tête dans la voiture et il a essayé de lui (à Nahel, NDLR) mettre un coup de crosse dans la tête mais comme il se protégeait, ça a tapé le nez."

Il y a également trois témoins autour de la scène qui assurent avoir vu au moins le policier Julien L. mettre des coups lorsqu'il était du côté de la fenêtre conducteur.

L'autopsie de Nahel n'a pas révélé de traces de coups sur le crâne ou le visage. Elle a revanche trouvée deux ecchymoses sur le haut de son bras gauche.

Le policier placé sous le statut de témoin assisté atteste qu'il n'a pas mis de coup de crosse sur la tête de Nahel, que sa position par rapport à l'habitacle ne le permettait pas. Florian M. lui reconnait avoir frappé mais sur le pare-brise. 

Maxime Brandstaetter