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Succession

Succession: peut-on déclarer ses enfants indignes à hériter?

Un héritier peut être déclaré indigne à recevoir sa part d'héritage. Mais sous certaines conditions, strictement encadrées par la loi.

La détérioration des relations au sein d'une famille peut amener certains parents à vouloir déshériter leurs enfants. C'est par exemple le cas d'André, qui a posé une question à ce sujet dans l'émission BFM Patrimoine du 1er septembre.

"Je suis âgé de 78 ans, mes enfants ne viennent jamais me voir et ne s’occupe pas de moi. Je dois faire appel à une personne pour m’aider dans la vie quotidienne. Puis-je les déclarer indignes à hériter?", se demande-t-il.

L'indignité successorale existe en France mais elle est très strictement encadrée par le Code civil dans les articles 725 à 729-1. C'est pour des cas "qui sont très rares", explique ainsi ce mardi sur BFM Business Joël Morio, responsable du Monde Argent. En premier lieu, il y a des situations où un héritier est déclaré indigne automatiquement. Cela s'applique à une personne condamnée, "comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt", précise l'article 726 du Code civil. C'est aussi le cas si une personne est condamnée, "comme auteur ou complice, à une peine criminelle pour avoir volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner".

Il existe par ailleurs d'autres situations où un héritier peut être jugé indigne de succéder. "Si vous avez commis des actes de barbarie envers la personne, si vous avez commis des violences conjugales, si vous avez commis un viol, si vous avez commis une agression sexuelle contre le défunt", égrène Joël Morio. Ces situations sont listées à l'article 727 du Code civil. Mais ce n'est alors pas automatique. Il faut qu'un autre héritier conteste l'héritage en justice. "La demande doit être formée dans les six mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès", précise le Code civil.

Un processus judiciaire après le décès

Par ailleurs, "l'indignité successorale ne fonctionne que pour les héritiers directs", rappelle Joël Morio. La condamnation de l'héritier indigne ne se transmet pas à ses enfants en quelque sorte.

Pour en revenir au cas d'André, ce dernier ne peut donc pas déclarer ses enfants indignes à la succession. En effet, ce n'est pas la personne qui fait son testament qui a le pouvoir de déclarer un héritier indigne. C'est un processus judiciaire engagé après la mort de la personne concernée. En revanche, une personne peut indiquer avant sa mort qu'elle souhaite maintenir l'un de ses futurs héritiers dans ses droits héréditaires, même s'il a commis un acte qui devrait l'en déclarer indigne. Il faut bien sûr que le défunt ait eu connaissance de cet acte au moment de l'écriture de son testament.

Enfin, il existe d'autres moyens de déshériter des gens. On peut se domicilier dans un pays où la part réservataire n'existe pas. Pour rappel, en France, la loi réserve obligatoirement une partie de l'héritage à certains héritiers (les enfants, petits-enfants et leurs descendants ainsi que le conjoint). Vous pouvez également jouer sur votre patrimoine, par exemple en plaçant votre argent dans une assurance-vie et en désignant une personne spécifique comme bénéficiaire. Toutefois, il ne faut pas que ces primes versées au moment du décès via l'assurance-vie soient considérées comme "manifestement exagérées" par un juge, au regard notamment du patrimoine du défunt dans son ensemble.

https://twitter.com/jl_delloro Jean-Louis Dell'Oro Rédacteur en chef adjoint BFM Éco