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Retraite

Les Français commencent à se pencher sur leur retraite 4 ans avant leur départ effectif

Selon une étude de la Drees, c'est en moyenne à 58 ans et demi que les Français commencent vraiment à se préoccuper de l'âge auquel ils pourront partir à la retraite et du montant de la pension.

La retraite -notamment l’âge légal de départ- s’annonce comme l’un des grands thèmes de débat de la campagne présidentielle. On l’a encore vu mercredi soir avec les propos tenus par Emmanuel Macron. Or, il se trouve que ce jeudi, une étude officielle montre que les Français ne sont pas du tout prêts à travailler plus longtemps. Cette enquête de la Drees, institution qui travaille à la fois pour les ministères de l’Economie, du Travail et des Solidarités, porte sur ce que pensent les Français qui viennent de prendre leur retraite.

Les mêmes questions sont posées à plus de 5000 nouveaux retraités tous les trois ans, ce qui permet de relever d’éventuelles évolutions dans les réponses apportées. Premier enseignement de cette édition 2021: ceux qui ont pris leur retraite entre la mi-2019 et la mi-2020 auraient souhaité partir plus tôt si cela avait été possible. L’âge idéal à leurs yeux : 61 ans, alors qu’en moyenne, ils ont pris leur retraite à un peu moins de 62 ans et demi.

Profiter le plus possible de sa retraite

Faut-il en déduire que ces sexagénaires avaient envie de prendre leur retraite parce qu’ils en avaient assez de travailler? Pas vraiment. Toujours dans cette étude, on apprend que leur première motivation est de nature plus prospective: 80% d’entre eux répondent que c’est pour profiter le plus possible de leur retraite. Ce qui sous-entend, pendant qu’ils sont encore assez en forme pour vraiment en profiter.

Deuxième motivation la plus souvent citée: "J’ai atteint l’âge légal" (78% des personnes interrogées). Autrement dit, l’âge légal -62 ans aujourd’hui- reste un marqueur symbolique essentiel. L’envie d’arrêter de travailler apparaît loin derrière (51% des réponses), mais il est vrai qu’une partie des répondants n’étaient plus en activité au moment de liquider leur retraite.

3 millions d'électeurs particulièrement vigilants

Les jeunes retraités interrogés par la Drees livrent également des informations très instructives sur le moment à partir duquel ils ont commencé à regarder l’âge précis auquel ils pourront partir et le montant de leur pension. En moyenne quatre années avant leur départ effectif, donc autour de 58 ans et demi. Et ces quatre années vont jouer un rôle fondamental dans la campagne présidentielle. Pourquoi? Parce que parmi ceux qui jugent indispensable de repousser l’âge légal de la retraite (Valérie Pécresse, Eric Zemmour, Emmanuel Macron) aucun ne dit clairement si ce recul se ferait de façon brutale ou progresse.

Pourtant, pour ceux qui sont en train de réfléchir à leur retraite, cette nuance est d’importance. Ces électeurs auront nécessairement à cœur de comparer cet élément des programmes présidentiels qui les concerne au premier chef. Et ils sont nombreux. Si on se limite aux Français qui, en 2023 (année probable de l'entrée en vigueur d'une réforme votée en début de quinquennat) auront entre 59 et 62 ans, cela fait autour de trois millions d’électeurs.

Les sexagénaires au chômage particulièrement impactés

Des électeurs qui risquent de s’insurger contre une réforme les obligeant à devoir attendre deux ou trois ans de plus que ceux qui sont nés quelques mois plus tôt qu’eux. Sans compter les effets financiers pour les seniors au chômage. Pour mémoire, à partir de 55 ans, un demandeur d’emploi ayant cotisé pour cela touche des allocations pendant trois années.

Par ailleurs un allocataire qui atteint l’âge légal de la retraite, continue à percevoir son allocation s’il lui reste des trimestres à valider pour toucher une retraite à taux plein. Autrement dit, aujourd’hui, tout salarié qui perd son emploi à 59 ans se trouve, de fait, pris en charge par les Assedic jusqu’à sa retraite, sans que le fait d’être au chômage impacte sa future pension (ils cumulent également autant de points pour sa retraite complémentaire que ceux auquel il avait droit lorsqu’il était salarié.

Les sénateurs favorables à un décalage progressif

Le fait de décaler l’âge légal brutalement de deux ou trois ans aura donc pour répercussion de plonger dans la misère des dizaines voire des centaines de milliers de demandeurs d’emplois de plus de 59 ans qui, dans l’attente de leur retraite, devront se contenter de l’ASS (507 euros par mois).

La majorité sénatoriale a d’ailleurs visiblement compris l’importance de ne pas procéder à un recul brutal de l’âge légal qu’elle juge par ailleurs indispensable. Lors du dernier vote du budget de la sécurité sociale, elle a ajouté une disposition prévoyant le report progressif de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, à compter de la génération 1966. Disposition bien évidemment rejetée ensuite par l’Assemblée nationale.

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco