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TOUT COMPRENDRE - Pourquoi il est très risqué d’investir dans les NFT

Encore mystérieux pour bon nombre de français, les NFT constituent un nouveau pari pour de nombreux internautes. Mais le risque de tout perdre est important.

Ce sont trois lettres qui interrogent, font rêver, ou irritent. Les NFT (“non-fungible token”, ou “jetons non fongibles” en français) font parler d’eux depuis plusieurs mois. Malgré un concept qui reste très flou pour le plus grand nombre, ils auraient déjà séduit 3,5% des Français. Mais se tourner vers les NFT, c’est souvent se tourner vers un pari à haut risque. Explications.

• Qu’est-ce qu’un NFT?

Sur le papier, la définition d’un NFT est élémentaire: il s’agit ni plus ni moins qu’un certificat de propriété numérique. A savoir un document qui atteste qu’un individu est le propriétaire d’un objet physique ou virtuel.

Le terme de “jeton non fongible” fait référence au fait qu’à la différence d’une cryptomonnaie, comme le bitcoin, un NFT est unique. Si un bitcoin vaut n’importe quel autre bitcoin, un NFT pourra toujours être identifié, et certifier la propriété d’un objet unique.

“Les NFT peuvent représenter des objets différents, digitaux, ou par exemple des tickets de spectacles, qui ont la caractéristique d’être uniques” résume Willem van den Brandeler, cadre de l’entreprise spécialisée Chainalysis, auprès de BFMTV.

• Qu’est-ce que n’est pas un NFT?

“Il y a beaucoup de confusion autour de ce qu’est un NFT” reconnaît toutefois Willem van den Brandeler. Par confusion, le NFT est parfois assimilé à l’objet auquel il est rattaché - par exemple une œuvre d’art. Par analogie, cette erreur reviendrait à confondre un ticket de caisse avec le produit dont il trace l’achat.

Le NFT n’est pas non plus un certificat de propriété intellectuelle sur une œuvre d’art. Comme avec la vente d’un tableau classique, l’acheteur ne bénéficie pas pour autant des droits de reproduction sur l'œuvre elle-même. Au même titre que l’acheteur d’un disque n’obtient pas les droits d’auteur sur les morceaux de musique qu’il contient.

Par ailleurs, un NFT n’est en aucun cas un droit d’exclusivité sur une œuvre d’art numérique. Si elle est disponible en ligne, par exemple au format JPG sur un site de ventes aux enchères ou sur les réseaux sociaux, l’image associée à un NFT peut être enregistrée et utilisée par n’importe qui, gratuitement.

• A quoi sert un NFT?

Sans exclusivité sur l’oeuvre d’art qui lui est associée, posséder un NFT revient simplement à être reconnu comme l’unique propriétaire de cette oeuvre, sans pour autant bénéficier d’un quelconque avantage sur les autres internautes, également libres de l’enregistrer, l’utiliser en fond d’écran de leur smartphone, voire l’imprimer pour l’exposer chez eux.

A la différence d’un tableau, aucune version “originale” n’existe dans le monde réel, dont pourrait profiter le propriétaire.

Dans ce cadre, un NFT n’a aucune fonction intrinsèque et constitue un actif uniquement spéculatif. Pour l’acheteur, le but est alors de le revendre par la suite à un prix plus élevé pour réaliser un bénéfice.

• Un NFT est-il forcément spéculatif?

“La plupart des gens ont parfaitement compris que c’est de la spéculation. Mais sur le moyen et long terme, les NFT vont tendre vers des usages et pas seulement vers de la spéculation artistique” anticipe Owen Simonin, dont la chaîne YouTube de vulgarisation du sujet des cryptomonnaies dépasse désormais les 500.000 abonnés.

Si les NFT sont souvent associés à des œuvres d’art, ces certificats de propriété peuvent être rattachés à n’importe quel objet. A titre d’exemple, le festival de musique Coachella a récemment mis en vente des billets proposant un accès “à vie” sous forme de NFT. Comme avec n’importe quel billet de spectacle, l’acheteur peut choisir d’en profiter ou, éventuellement, de le revendre si son prix venait à grimper.

• Pourquoi tant de gens veulent-ils investir dans les NFT?

“Le point de démarrage de cet engouement se situe en mars 2021, avec la vente d’un NFT de Beeple pour 69 millions de dollars. Il y avait alors moins de 10.000 personnes qui avaient des NFT, puis il y a eu un phénomène de transition des gens qui sont rentrés sur les cryptomonnaies depuis deux ans et qui ignoraient ce phénomène” rappelle Jean-Michel Pailhon, cadre de l’entreprise Ledger, spécialisée dans le stockage de cryptomonnaies, et lui-même collectionneur de NFT.

“C’est un marché attirant qui grandit très vite. En 2020, on avait 106 millions de dollars de transferts, en 2021, on est passé à plus de 44 milliards” rappelle ainsi Willem van den Brandeler.

En plus de l’aspect purement spéculatif, l’engouement pour les NFT a été porté par certaines stars comme le footballeur Neymar ou le chanteur Justin Bieber. En s’offrant des NFT rattachés à des dessins de singe - faisant aussitôt grimper leurs prix, ils ont inspiré bon nombre de leurs fans.

“Les NFT, c’est à la fois un objet d’appartenance à une communauté et ça vaut quelque chose pour certains. Il y a un côté statutaire, à l’image de quelqu’un qui jouerait de son statut en ayant une Rolex. Sur les réseaux sociaux, des centaines de personnes vont savoir que vous avez un NFT” résume Jean-Michel Pailhon.

• Quels sont les principaux risques des NFT?

Lorsqu’il s’agit d’acheter une œuvre d’art, le risque principal est la perte de valeur de cette même œuvre. C’est pourtant cet usage qui semble faire rêver certains internautes qui rêvent de faire fortune. Mais la méconnaissance de ce domaine, qui semble désormais accessible à tous, peut engendrer de gros risques.

“Comme dans le monde traditionnel, très peu d'œuvres auront vraiment de la valeur. Quand ce ne sera plus la mode, ça peut vite aller dans l’autre sens” tempère Owen Simonin auprès de BFMTV.

Mais le spécialiste évoque un autre risque majeur: la chute du cours ou de l’intérêt pour l’Ethereum, la cryptomonnaie utilisée pour l’échange des NFT et dans laquelle les acheteurs sont donc obligés d’investir pour accéder à ce marché. “Dans ce cas, l’intérêt pour les NFT peut s’effondrer”, avance-t-il.

Parallèlement à ces évolutions de marché, l’un des principaux risques pour les investisseurs est lié à la présence massive d’arnaques, mises en place par des escrocs souhaitant tirer profit de l’engouement autour des NFT.

• Comment reconnaître une arnaque au NFT?

Parmi les principales arnaques liées aux NFT, les experts citent le “wash trading”. Une escroquerie qui consiste à créer un NFT, puis à créer plusieurs comptes pour s’acheter l’actif numérique à soi-même à des prix de plus en plus élevés. Le but est alors de simuler un intérêt du marché en créant une fausse flambée du cours du NFT.

Pour détecter ces manipulations, une bonne connaissance des outils techniques est indispensable, à commencer par celle de la blockchain, la technologie derrière les cryptomonnaies et les NFT. Il s’agit d’un registre numérique ouvert à tous, qui affiche l’historique de toutes les transactions effectuées autour d’un actif numérique.

“On peut par exemple comparer les transactions liées à un NFT avec d’autres transactions du même type. Sachant que des frais s’appliquent à chaque échange, il peut être intéressant de regarder si l’évolution du cours est basée sur un faible nombre de transactions. Un signe qui peut laisser penser qu’il s’agit d’une escroquerie” précise ainsi Owen Simonin.

“Il y a aussi le risque que la communauté qui fait la promotion de ces NFT sur les réseaux sociaux ou Discord soit en réalité des bots, pour donner l’impression d’un engouement” ajoute Willem van den Brandeler. Pour l’acheteur potentiel, passer du temps à étudier les amateurs d’une collection de NFT est donc primordial.

L’autre principal risque concerne la profusion de NFT basés sur des œuvres dont le vendeur n’est pas le véritable auteur. Sur le papier, rien n’empêche en effet un internaute malhonnête d’enregistrer une photo ou une vidéo trouvée sur internet pour la revendre en tant que NFT.

Sur la plateforme d’échanges Opensea, la plus populaire du marché des NFT, 80% des certificats de propriétés sont ainsi liés à des œuvres frauduleuses. Pour l’acheteur, il reste donc indispensable de se renseigner sur la légitimité du compte du vendeur, et sur l’histoire de l'œuvre qu’il souhaite acquérir.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co