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Quel est le profil des Français qui investissent dans les cryptos?

Les épargnants français qui misent sur les cryptos sont beaucoup plus jeunes que ceux qui détiennent des actions. Ils gagnent par ailleurs moins d'argent.

Les crypto-actifs sont désormais loin d'être un épiphénomène. 8% des Français adultes interrogés affirment ainsi avoir déjà investi dans des cryptomonnaies ou des NFT, selon une étude* publiée lundi et réalisée par le cabinet de conseil KPMG pour le compte de l'Association pour le développement des actifs numériques (Adan).

A titre de comparaison, le taux de détention d'actions en direct s'élevait au dernier pointage à 6,7% des Français de 15 ans et plus en mars dernier, selon une enquête de Kantar citée par La lettre de l'Observatoire de l'épargne de l'AMF publiée en juillet. De là à dire que les bitcoins sont plus populaires que les actions, il y a toutefois un pas qui n'est pas encore franchi. Notamment parce que beaucoup plus de Français détiennent par exemple des actions via une assurance-vie (13,3% selon la même enquête de Kantar). On peut également légitimement penser que les montants en jeu sont beaucoup plus significatifs en Bourse (avec un profil d'investisseur plus âgé et l'assurance-vie comme premier placement financier des Français). Reste que la percée des crypto-actifs est impressionnante auprès des épargnants.

Surtout, le profil des investisseurs diverge avec ce que l'on a l'habitude d'observer en matière de patrimoine pour des actifs aussi risqués. En résumé: le public des cryptos est plus jeune, (un peu) plus féminin et gagne moins d'argent que celui qui mise en Bourse. Dans le détail, il existe certes toujours une surreprésentation masculine. Parmi les investisseurs français dans les cryptos, 60% sont des hommes contre 40% des femmes, d'après l'enquête de KPMG pour l'Adan. Si le déséquilibre est net, il est moins marqué que pour les actions détenues en direct (65,4% d'hommes, contre 34,6% de femmes).

De façon encore plus tangible, les aficionados des cryptos sont particulièrement jeunes. Près de 12% des Français de moins de 35 ans possèdent des cryptos. Ils pèsent ainsi 46% de l'ensemble des détenteurs de ce type d'actifs (contre une part dans la population de 25%). En outre, "ces proportions s’amenuisent lorsque la classe d’âge grimpe: les 35-44 ans ne représentent alors plus que 21% de ceux qui ont investi, et ce chiffre s’abaisse à seulement à 10% pour les plus de 66 ans", souligne l'étude de KPMG et de l'Adan. C'est exactement l'inverse de ce que l'on observe en matière d'actions détenues en direct: cela concerne 4,4% des moins de 35 ans (représentant un total de 18,1% de l'ensemble des détenteurs d'actions), 7% des 35-64 ans (49% des détenteurs) et 8,7% des 65 ans et plus (32,9% des détenteurs), d'après Kantar.

Une concentration des investissements dans une poignée de cryptos

De même sur le plan des rémunérations, 37% des investisseurs en cryptos ont des revenus inférieurs à 18.000 euros par an. "De manière contre-intuitive donc, les revenus les plus faibles sont davantage à détenir des cryptos que les revenus les plus élevés. Cette tendance tient avant tout à la jeunesse relative des détenteurs de cryptos", remarque KPMG. Et là encore, la différence est nette avec la Bourse, où seulement 32,3% de ceux qui détiennent des actions en direct sont dans un foyer qui affiche moins de 3000 euros net de revenus par mois (soit 36.000 euros par an, le double du seuil mentionné pour les cryptos).

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Sans doute la Bourse est-elle vue comme moins accessible par les plus jeunes. Il y a certainement aussi un effet d'entraînement auprès des moins de 35 ans, avec des applications plus intuitives pour miser sur les cryptos que les sites des banques et des courtiers bien installés. L'aspect "gaming" (avec une cotation en direct 7 jours sur 7 et 24h sur 24) peut aussi séduire davantage les habitués des jeux d'argent ou des paris sportifs. En outre, malgré un choix immense de crypto-actifs, l'essentiel des fonds sont misés sur une poignée d'entre eux. Selon les données de CoinGecko par exemple, près de 75% de la capitalisation totale des cryptomonnaies (autour de 2.080 milliards de dollars dans le monde ce mardi) est liée aux 10 premiers crypto-actifs (bitcoin, ether, tether, binance coin, USD coin, XRP, cardano, solana, terra et avalanche). Dit autrement, les choix sont dans la pratique moins nombreux qu'en Bourse ou pour d'autres placements.

On aurait cependant tort de penser qu'un placement s'oppose à un autre. D'ailleurs, "76% des investisseurs en crypto déclarent consacrer moins de 10% de leur épargne globale à cette classe d’actifs", explique KMPG. Une approche plutôt raisonnable, compte tenu du risque de perte en capital associé. L'envolée du marché des cryptos pourrait même sensibiliser les nouvelles générations à la gestion de leur patrimoine et les pousser à s'intéresser à la Bourse ou d'autres placements. A ce titre, il n'est pas anodin de constater que la popularité des cryptos s'est aussi accompagnée d'un rajeunissement des détenteurs d'actions en direct. "De mars 2019 à mars 2021, la part des moins de 35 ans est passée de 11% à 18% chez les détenteurs d’actions en direct. C’est un rajeunissement significatif", constate ainsi l'AMF. Indéniablement, un petit vent de fraîcheur souffle sur le secteur financier.

*Sondage réalisé en ligne par Ipsos pour KPMG et l'Adan du 9 au 19 décembre 2021 auprès d'un échantillon de 2.003 individus âgés de plus de 18 ans représentatif de la population française (âge, sexe, CSP, région).

https://twitter.com/jl_delloro Jean-Louis Dell'Oro Rédacteur en chef adjoint BFM Éco