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L'ex-chancelier Schröder au conseil de Gazprom : la voie russe des sociaux-démocrates allemands

En pleine crise entre l'Ukraine et la Russie, les hydrocarbures russes s'intercalent entre deux chanceliers sociaux-démocrates allemands, l'ancien Gerhard Schröder et le nouveau Olaf Scholz.

L’ex-chancelier allemand de 1998 à 2005 va intégrer le conseil d'administration de Gazprom. Gerhard Schröder est supposé y remplacer le gendre de l’ancien président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, soudain éloigné du cœur du pouvoir de son pays.

L’assemblée annuelle du monopole gazier russe doit approuver fin juin la désignation de l'ancien chef du gouvernement allemand, qui dispose déjà d'un siège au conseil de Rosneft, le plus gros producteur russe de pétrole. C’est aussi lui qui préside le conseil d’administration de la société du Nord Stream 2, le nouveau gazoduc stratégique censé approvisionner directement l’Allemagne via la mer Baltique et dont les Etats-Unis ne cessent de combattre l’activation.

Olaf Scholz se garde toujours de mettre en cause son illustre prédécesseur. Le porte-parole de l’actuel chancelier SPD refuse d’effectuer le moindre commentaire sur un sujet qui a fini par diviser y compris sa propre famille politique, celui du lien toujours plus étroit de leur ancien dirigeant avec le Kremlin. A tel point qu’il est à présent question en Allemagne d’un "problème russe" du SPD.

"Don Gerhard"

L’éditorialiste de politique étrangère du Spiegel, titre phare de la presse allemande de centre-gauche, considère que si le pays "n’est pas à la hauteur de ses responsabilités" dans cette crise géopolitique, c’est avant tout du fait du parti social-démocrate. L'autorité internationale du chancelier Scholz en serait bafouée, de l'avis du directeur du Global Ideas Center, à Berlin. Stephan-Götz Richter, régulièrement sollicité dans le débat transatlantique, présente Gerhard Schröder comme le "parrain" du parti, insinuant une connotation mafieuse. Selon cet analyste allemand, des carrières de premier plan sont très étroitement liées à "Don Gerhard", dont celles du président de la République, Frank-Walter Steinmeier, et d’un des deux co-présidents actuels du parti, Lars Klingbeil. Ce dernier a pourtant désavoué l'ancien chancelier pour avoir déclaré que l’Ukraine se révèle "le principal responsable des bruits de botte".

Toujours en retrait, Olaf Scholz se voit-il contraint de fixer des limites? La cheffe d’un important exécutif régional dirigé par les sociaux-démocrates, Malu Dreyer, soutient "ne connaître personne" au sein du parti qui "partage les opinions" de l’ex-chancelier. Mais une autre cheffe SPD d’exécutif régional, Manuela Schwesig, milite pour que le Nord Stream 2, qui débouche dans sa circonscription, soit mis en fonctionnement indépendamment de ce qui se peut se dérouler autour de l’Ukraine. Au fond, il y a là le reflet d'une opinion assez générale des milieux économiques, que le PDG de l'électricien E.On, Leonhard Birnbaum, a synthétisé de la sorte:

"Nous avons besoin du gaz russe, point final."

Armes létales

Le pas de côté des sociaux-démocrates ne concerne pas que ce dossier énergétique omniprésent. Le président du groupe parlementaire à la Chambre basse, Rolf Mützenich, a ouvertement évoqué une "nécessité de réfléchir à des alternatives" à l’Otan, dans la perspective de "garantir la sécurité européenne". Propos qui, incidemment, ne peut être que bien accueilli de Moscou.

Olaf Scholz, avant de partir pour Washington, préfère, lui, inscrire sa politique dans celle d’une continuité nationale, qui n’aurait rien de propre au SPD. Interrogé hier soir par la chaîne publique ARD, il a réitéré son refus de vendre des armes létales allemandes à l’Ukraine, en vertu d’une "orientation" allant au-delà de la majorité actuelle, à savoir que l’Allemagne n’en livre pas dans une zone en cours de conflit. Ce qui fait dire, avec ironie, au quotidien économique russe Kommersant que "la seule chose dont Berlin ait été généreux avec Kiev, c’est la fourniture de 5000 casques de protection aux militaires ukrainiens."

Mais cela n’empêche pas certaines évolutions de s’opérer en ce moment. La ministre de la Défense, Christine Lambrecht, également SPD, a déclaré hier que des troupes allemandes pourraient être déployées en renfort en Lituanie... "Tout le monde au sein de l'OTAN peut compter sur nous", assure-t-elle. Les Etats-Unis, cet après-midi, vont réclamer nettement plus au chancelier Scholz.

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international