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Crise énergétique : les Etats-Unis ont cru obtenir l'appui pétrolier des Émirats arabes unis

Les Emirats arabes unis sont supposés avoir décidé de fournir plus de pétrole, en ouvrant la voie au reste de l'Opep. Espoir de courte durée des Etats-Unis, qui cherchent aussi du côté du Venezuela.

Il y a du flottement. Washington, comme les marchés internationaux, ont pu croire, quelques heures durant, qu’une brèche s’ouvrait auprès d’un poids-lourd de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, poids lourd qui accèderait aux requêtes de combler le déficit d’approvisionnement qu’entraînent les sanctions contre la Russie. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, en visite à Londres, s’en est félicité her soir. Ce poids lourd, ce devait être les Emirats arabes unis.

Par communiqué, puis auprès de différents médias, l’ambassadeur émirati aux Etats-Unis, Yousef Al Otaiba, a affirmé que son pays allait "encourager" les autres membres de l’Opep à envisager une hausse de production. La représentation diplomatique émiratie a fait valoir, à cet égard, un statut de "fournisseur fiable et responsable d'énergie depuis plus de 50 ans" et puis une conviction que "la stabilité de ces marchés est essentielle à l'économie mondiale".

Or, la semaine dernière, cet Etat du Golfe avait exprimé sa volonté de respecter les niveaux d’augmentation conclus auparavant avec Moscou, au travers du compromis de "l'Opep+". Ce pacte, bâti autour de l’Arabie Saoudite et de la Russie, prévoit un ajout mensuel de 400 000 barils-jour, au total. Les Américains réclament un effort bien supérieur. Et ils ne sont pas les seuls, le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck, a formulé hier un "appel urgent" dans ce sens, afin de "provoquer un soulagement sur le marché". A en croire la banque américaine Goldman Sachs, ensemble, Saoudiens, Emiratis et Koweïtiens seraient encore en mesure de relever la jauge de 2,1 millions de barils-jour.

"Confusion" aux EAU

Sauf que cette nuit, en décalage avec le propos de l’ambassade à Washington, le ministre émirati de l’Energie, Suhail Al Mazrouei, a réaffirmé l’engagement vis-à-vis du mécanisme Opep+. Une analyste du secteur basée à Dubaï, Amena Bakr, évoque, ce matin, une situation de "grande confusion". Cela montre, quoi qu’il en soit, qu’aucun membre de l’alliance pétrolière ne paraît encore disposé à se lancer seul dans une augmentation de ses extractions.

Au premier titre l'Arabie Saoudite, qui ne compte pas se précipiter. Un geste saoudien ne paraît concevable que si les démocrates américains, arrivés au pouvoir avec cetaines résolutions, revoient leur discours actuel sur "les droits humains" vis-à-vis des monarchies pétrolières du Golfe.

La Maison-Blanche et le département d'Etat ont même été amenés à démentir une information du quotidien Wall Street Journal, selon laquelle les princes héritiers d’Arabie Saoudite et d’Abou Dhabi ont refusé de prendre Joe Biden au téléphone. Il est pourtant évoqué l’hypothèse d’un voyage présidentiel au printemps à Riyad, afin de tenter de convaincre le chef de file de l’Opep. Tâche ardue, la semaine dernière, le prince héritier Mohammed Ben Salmane a déclaré au magazine The Atlantic: "Nous n'avons pas le droit de faire la leçon à l'Amérique. Il en va de même dans l'autre sens."

"Intérêt partagé" avec le Venezuela

La diplomatie américaine tente, par ailleurs, une approche inédite vers le Venezuela. Ce pays, sous embargo pétrolier des Etats-Unis depuis 2019, détient les premières réserves prouvées au monde, pratiquement 300 milliards de barils.

Des émissaires officiels de Washington ont été dépêchés à Caracas, le week-end dernier, avec des cadres dirigeants de la compagnie Chevron. La mission, censée d'abord demeurée discrète, a obtenu la libération de deux ressortissants américains détenus, qui travaillaient dans ce secteur.

Le pouvoir vénézuélien, toujours considéré à Washington comme illégitime, envisage dès lors un dégel de la relation, si ce n'est un rapprochement potentiel. Une spécialiste de politique étrangère à Caracas, Elsa Cardoso, juge que le gouvernement américain pourrait aussi avoir l’intention de "profiter du moment" pour obtenir des approvisionnements supplémentaires de pétrole.

Le quotidien vénézuélien El Universal parle d’un "intérêt partagé". Mais l’opposition républicaine à Washington dénonce cette volonté apparente de renouer avec un régime politique étroitement soutenu par la Russie, tant sur le plan financier que militaire.

Fioul lourd

Une diplomate américaine de haut rang, Victoria Nuland, réplique que pour remplacer le type de brut qu’importent les Etats-Unis de Russie, du fioul lourd, il faut bien se résoudre à aller le chercher dans les rares endroits où il se trouve. Comprendre au Venezuela. Le recours au fioul lourd concerne essentiellement les chaudières des centrales qui produisent de l’électricité et les navires de transport marchand. L'an dernier, les Américains ont importé de Russie près de 700 000 barils par jour de brut et de produits pétroliers raffinés.

Encore faut-il que l'industrie du producteur sud-américain puisse suivre ce rythme. Différents experts, dans le pays et en dehors, soulignent combien les infrastructures de la compagnie nationale PDVSA sont délabrées et désorganisées. Peu, voire très peu, semble donc possible à court terme, même si le président Nicolas Maduro a parlé, cette nuit, de remonter les extractions à 2 millions de barils-jours cette année, "qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse beau", assure-t-il. Cela supposerait de multiplier la production actuelle par deux et demi, au moins.

Benaouda Abdeddaïm Editorialiste international