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Train Paris-Clermont: l'État ou la SNCF, qui est le responsable des pannes à répétition?

Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a convoqué Jean-Pierre Farandou après la panne qui a bloqué 700 voyageurs toute une nuit dans un train par grand froid. Le président Emmanuel Macron veut des sanctions. Mais qui est responsable?

C'est l'illustration flagrante du sous-investissement chronique et historique de l'État et de la SNCF dans son réseau ferroviaire secondaire (non-TGV). Le 19 janvier, les passagers d'un train Intercités à destination de Clermont Ferrand depuis Paris ont subi une énième panne.

Le dysfonctionnement de la locomotive a immobilisé le train en pleine voie, bloquant les 700 voyageurs toute une nuit dans un train sans chauffage ni lumière alors que les températures étaient négatives à l'extérieur. Dépannée, la rame est finalement arrivée avec plus de sept heures de retard.

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"Cette situation ne peut plus durer"

Ce nouvel incident, car on ne les compte plus sur cette ligne, a provoqué une réaction de l'État. Le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a ainsi convoqué Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, indique l'AFP.

Ce dernier "devra vendredi me proposer un plan de mesures concrètes et immédiates", indique le ministre actuellement en charge des transports (étant donné l'absence d'un ministre de tutelle), précisant qu'il partagerait le contenu de ce plan "d'ici quinze jours avec les élus et les acteurs du terrain".

"Ce qu'ont vécu les usagers de la SNCF vendredi sur la ligne Paris-Clermont est non seulement insupportable, mais s'ajoute aux différents incidents bien trop fréquents sur cette ligne", a insisté le ministre. "Cette situation ne peut plus durer."

De son côté, selon le quotidien La Montagne, Emmanuel Macron aurait également tapé du poing sur la table exigeant des "explications immédiates", que des "sanctions" soient prises et que des "garanties soient apportées pour que cela ne se reproduise plus."

L'émotion semble néanmoins assez opportuniste. Car, ironie de l'histoire, c'est l'État qui est le responsable de cette ligne en tant qu'autorité organisatrice dans le cadre des trains d'équilibre du territoire (TET).

Un plan d'investissement de trois milliards d'euros

Concrètement, pour les trains de nuit et les Intercités, c'est l'État qui est le donneur d'ordre, qui supporte le coût (et les déficits) de ces lignes et qui décide des investissements à allouer ou encore du choix du matériel à exploiter.

C'est aussi l'État qui a, par exemple, validé la cession de la filiale de location de locomotives de la SNCF à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Or, cette activité peut s'avérer très utile pour envoyer en urgence du matériel en cas de panne de locomotive.

On peut alors s'interroger sur la responsabilité de l'Etat sur le naufrage de cette ligne, même si la SNCF n'est pas exempte de tout reproches. Un argumentaire que tiendra certainement Jean-Pierre Farandou devant Christophe Béchu.

Malgré tout, face à la situation catastrophique de cette liaison, l'État a enfin décidé d'investir. En mars 2022, une nouvelle convention entre SNCF Voyageurs et l'État pour la période 2022-2031 a été signée.

Elle prévoit notamment le renforcement de nombreuses lignes existantes. Concrètement, trois milliards d'euros seront investis par SNCF Réseau et l’État pour les travaux d’infrastructure nécessaires pour régénérer le réseau, dont un milliard sur la ligne Paris- Clermont.

Cela devrait aussi se traduire par la mise en œuvre d’allers-retours supplémentaires sur cette ligne et celle Paris-Limoges-Toulouse dès 2026, avec de nouvelles rames commandées à l'espagnol CAF qui remplaceront des Corail antédiluviens.

Le nez des nouvelles rames Intercités "Oxygène"
Le nez des nouvelles rames Intercités "Oxygène" © SNCF Voyageurs

Ces rames baptisées "Oxygène", commandées en 2019, subissent néanmoins d'importants retards de production et l'objectif d'une exploitation en 2026 est désormais annoncé avec quelques réserves.

Exigences de l'État

Rappelons enfin qu'une partie de l'investissement pour la régénération globale du réseau sera alimenté en grande partie par les bénéfices de SNCF Voyageurs à travers son fonds de concours.

Et la SNCF devra augmenter sa contribution dans les quatre prochaines années. Rien qu'en 2024, l’État exige de l’entreprise un investissement de l’ordre de 1,7 milliard d’euros, soit 70% des bénéfices de 2022 (initialement cette part était fixée à 60%).

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De quoi illustrer les injonctions contradictoires imposées à la SNCF: faire rouler plus de trains avec moins de moyens, maintenir les tarifs des Intercités, assurer une partie plus importante de l'investissement dans le réseau (ce qui n'est pas le cas de ses concurrents) tout en assumant les dysfonctionnements qui relèvent de l'État qui n'a d'ailleurs toujours pas précisé comment sera financé le fameux plan à 100 milliards d'euros pour le ferroviaire d'ici 2040, annoncé par Elisabeth Borne il y a quasiment un an.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business