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Rachat de Gorillas par Getir: pourquoi le secteur de la livraison express se concentre si rapidement?

La consolidation du secteur est aussi rapide que la livraison promise par ces acteurs. Cette année, l'allemand Flink a racheté son concurrent français Cajoo tandis que Gorillas s'est offert le français Frichti.

D'un marché effervescent composé d'une multitude d'entreprises, le secteur de la livraison rapide à domicile (ou quick commerce) s'est recomposé en moins d'un an, comptant désormais en Europe une poignée d'acteurs.

Dernier épisode ce vendredi avec l'annonce du rachat de l'allemand Gorillas par le précurseur turc Getir. Le montant de la transaction n'a pas été précisé.

Cette année, l'allemand Flink a racheté son concurrent français Cajoo tandis que Gorillas s'était offert le français Frichti.

Dans un monde de l'ubérisation à tous les étages et du service à domicile pour tout et n'importe quoi, les perspectives de croissance pour ces acteurs étaient pourtant solides voire stratosphériques.

Gorillas vaut moitié moins

De quoi réaliser des levées de fonds colossales. En 2021, Gorillas valait encore 3 milliards d'euros, et Getir 12 milliards d'euros en mars dernier.

Aujourd'hui, à l'issue de cette ultime opération, Getir vaudrait 2 milliards de moins et Gorillas moitié moins (1,2 milliard de dollars).

Que s'est-il passé? Le modèle économique n'a jamais été vraiment validé avec des coûts importants en logistique et en personnel.

D'où une consolidation à marche forcée dans le secteur vieux d'à peine deux ans afin de réaliser des économies d'échelle et d'atteindre enfin la rentabilité. Tandis que d'autres acteurs comme Zapp, KOL ou encore Yango Deli ont cessé leur activité en France. 11 acteurs s'étaient lancés en France, ils sont donc plus que deux.

Un potentiel mais des obstacles

Mais est-ce suffisant? Habitués à des frais de livraison très bas voire gratuits pour nombre de biens achetés sur Internet, les consommateurs sont moins enclins à accepter des frais de livraison élevés pour des services de quick commerce. Même si la livraison se fait dans le quart d'heure. L'activité de ces acteurs est donc assez limitée, trop limitée pour nourrir plusieurs acteurs.

D'un autre côté, plusieurs études montrent que le potentiel est toujours bien là. Selon le panéliste Iri, au premier semestre 2022, le quick commerce a représenté 174,5 millions d'euros de chiffre d'affaires contre 122 millions sur l'ensemble de l'année passée.

Pour autant, d'autres obstacles se dressent devant ces acteurs. Les grandes villes voient désormais d'un mauvais oeil ces acteurs qui installent leurs dark-store au coeur des villes (on en compte 45 rien qu'à Paris), générant des nuisances (ballet des livreurs à scooter) et une occupation de locaux commerciaux qui pourraient être utilisés pour des boutiques ouvertes au public.

Pour les déloger, les municipalités considèrent ces entrepôts comme une activité occupant illégalement des locaux commerciaux.

Des investisseurs frileux

"Les maires ont gagné et comme ils sont nombreux, les plateformes vont devoir s'adapter au cas par cas, ville par ville, estime Frank Rosenthal. Ce revirement juridique c'est une très forte contrainte pour le quick commerce, ça signe peut-être même sa fin. Si une plateforme a un milliard d'euros à investir, c'est certain qu'elle ne le mettra pas en France" expliquait à BFM Business, consultant spécialisé dans le commerce.

Ensuite, le contexte économique et géopolitique a changé. Dans le contexte inflationniste de hausse des taux d'intérêt, les investisseurs se montrent frileux et les acteurs doivent démontrer qu'ils peuvent être rentables. Ce qui débouche sur ces rachats accélérés, les fermetures, des arrêts d'activité dans certains pays et de nombreux licenciements.

Les investisseurs "ne veulent plus soutenir des entreprises qui veulent faire de la croissance à tout prix", disait à l'AFP dès le mois de juin Clément Genelot, spécialiste du secteur de la distribution chez Bryan, Garnier & Co.

Les quick-commerçants réduisent leurs effectifs ou se retirent de certains pays "parce qu'ils savent que ce sera plus compliqué de lever de l'argent" pour financer leur croissance.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business