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Défense

Retenu pour livrer à Kiev des drones kamikazes, Delair équipe en fait l'armée ukrainienne depuis 2016

Delair fournit à l'armée ukrainienne des drones de renseignement depuis 2016. Avec Nexter, elle va désormais fournir des drones kamikazes d'ici cet été. En quelques années, la guerre en Ukraine a fait passer cette PME toulousaine du civil au militaire.

La discrétion au cœur de sa communication. Delair est en effet une société discrète, presque timide. Elle est sortie de l'ombre il y a quelques jours avec une annonce du ministère des Armées et une visite de Sébastien Lecornu dans son usine basée à Toulouse. Cette PME basée près de Toulouse, à Labège, a été retenue par la Direction générale de l'Armement (DGA) pour livrer des munitions télé opérées (MTO), communément appelées drones kamikazes, aux forces armées ukrainiennes.

Delair produira donc une première série de 100 MTO sur les 2000 commandées à plusieurs industriels à la fois pour l'Ukraine et pour l'armée française. Ce contrat est une première pour la PME dans le domaine des drones kamikazes. Par contre, elle fournit déjà des drones de reconnaissance à l'armée ukrainienne, a dévoilé sur BFM Business son PDG, Bastien Mancini.

"On a des drones d'observations qui volent en Ukraine depuis 2016 et il y a aussi eu une commande importante [pour l'Ukraine, NDLR] l'an dernier par le ministère des Armées avec 150 drones qui volent actuellement sur le front, toujours pour de l'observation", explique Bastien Mancini.

Des drones résistants aux brouillages

Cette commande entre dans le cadre du projet Colibri lancé en 2022 par la DGA et l’Agence de l’innovation de défense (AID). Ce programme imposait de produire des drones d'attaques capables de neutraliser "des cibles non blindées au-delà de 5 kilomètres, avec des coûts limités". Il a donc été remporté par le consortium Delair/Nexter. Un autre projet, Larinea, visait proposer des drones capables d'opérer à plus de 50 kilomètres. Il a été remporté par Novadem et MBDA.

Le succès de Delair repose sur des technologies de résistance aux brouillages qui permettent à ces engins de mener des missions au plus près des lignes russes. Ils sont non seulement silencieux, mais affichent aussi une forte résistance aux brouillages.

"Ils volent dans des conditions compliquées avec du brouillage et des systèmes qui cherchent à les mettre à terre. C'est pour ces capacités que nos drones ont été choisis par l'armée ukrainienne", rappelle le dirigeant.

C'est encore pour cette technologie que Delair a été sélectionné pour fournir désormais ces fameux drones kamikazes. Mais la performance industrielle la plus significative pour Delair repose sur sa capacité à créer des ponts technologiques entre le civil, secteur d'origine de l'entreprise, et les besoins militaires. Delair a d'abord produit des drones pour géomètres.

"Cette dualité entre civil et militaire 'est ce qui permet nous permet d'atteindre de hauts volumes de production. Dans le civil, nous arrivons à atteindre des cadences de 1000 par an pour ces drones professionnels", note le dirigeant.

Être petit et grand à la fois

Ce chiffre peut sembler bas, mais il est significatif pour la PME qui fait face à des géants américains, chinois ou israéliens. Delair serait-elle capable de produire plus?

"Les dernières commandes nous ont déjà permis d'augmenter la production. Pour aller plus loin, c'est essentiellement embaucher et former des équipes en investissant dans d'autres outils de production".
Thierry Demonfort, président de Demonfort Airborne Engineering (DAE) - 01/12
Thierry Demonfort, président de Demonfort Airborne Engineering (DAE) - 01/12
14:24

Delair va-t-elle devoir devenir une grande entreprise ou s'adosser à un géant de l'armement pour être en capacité de répondre aux demandes futures? Bastien Mancini manœuvre son entreprise pour ne être ni trop grande, ni trop petite.

"Les leaders mondiaux du drone [professionnel] sont plutôt des ETI issues de PME. Notre ambition est de devenir une ETI. La bonne est d'être à la fois suffisamment petit pour être réactif et suffisamment grand pour exister sur le marché mondial".

Delair doit désormais livrer à l'Ukraine "en urgence" une centaine de drones kamikazes d'ici à l'été. Une mission largement possible pour la PME. En juillet 2023, la DGA avait commandé 150 drones de renseignement qui ont commencé à être livrés dès le mois de septembre. L'Ukraine a même déjà passer une nouvelle commande de 150 autres drones d'observation, a indiqué le ministère des Armées.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco