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Avions de combat: la Belgique met la pression pour devenir pleinement membre du Scaf dès 2025

Lors d'une réunion avec des industriels, la ministre belge de la Défense, Ludivine Dedonder, a affirmé que le statut d'observateur de son pays dans le programme Scaf sera signé en décembre, et que la Belgique rejoindra même le programme en 2025.

"En décembre 2023, nous signerons l'accord d'observateur (...). En juin 2025, la Belgique intégrera officiellement le programme Next Generation Weapon System / Future Combat Air System (FCAS)". Cette déclaration prononcée lors d'une réunion du BSDI (Belgian Security & Defence Industry) et publiée sur le réseau LinkedIn par Ludivine Dedonder, ministre belge de la Défense, dévoile l'intention de Bruxelles de ne pas se contenter d'un strapontin dans le programme Scaf (système de combat aérien du futur) mené par la France, l'Allemagne et l'Espagne.

Le message sur le Scaf publié sur LinkedIn par Ludivine Dedonder, ministre belge de la Défense.
Le message sur le Scaf publié sur LinkedIn par Ludivine Dedonder, ministre belge de la Défense. © BFM Business

Au-delà de cette ambition, la ministre belge s'est avancée sur un calendrier qu'aucun des pays membres du projet ne semble connaître. Nous avons posé la question au ministère des Armées qui dit lui-même le découvrir.

Et pour cause, si le statut d'observateur a bien été accordé en juin dernier, aucune date précise n'avait été indiquée, l'entrée de la Belgique comme partenaire à part entière n'a pas (encore) été envisagée. D'autant que Ludivine Dedonder ne précise pas le rôle des industriels belges, ni quelles parts ils pourraient obtenir et encore moins le budget qui sera consacré. Le coût du programme est évalué à 100 milliards d'euros réparti équitablement entre les trois pays.

Que peut apporter la Belgique?

La répartition industrielle entre la France, l'Allemagne et l'Espagne a déjà fait l'objet d'âpres négociations qui ont duré trois ans pour savoir qui ferait quoi. Dassault Aviation a obtenu le rôle de maître d'œuvre pour l'avion NGF au cœur du projet, tandis qu'Airbus Defence and Space gère la partie drones et, avec l'espagnol Indra, du cloud de combat. En parallèle, Dassault et Airbus vont faire évoluer leurs avions, le Rafale et l'Eurofighter Typhoon, pour les rendre compatibles avec le futur système de combat aérien.

Que peut apporter la Belgique en tant qu'observateur? Pour Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation, les rôles sont déjà répartis. Un nouvel acteur risque de retarder le programme qui doit être sur pied en 2040 et diluer à nouveau le poids de la France dans le programme avec des conséquences industrielles pour les acteurs déjà engagés.

Par contre, "le statut d'observateur [lui] va bien", déclarait-il en juin au micro de BFM Business, ajoutant que "ça peut donner l'idée qu'un jour la Belgique achètera un avion non-américain".

Un tacle clair au contrat belge pour l'achat de 34 F-35 américains au détriment d'appareils européens, Rafale ou Eurofighter.

En juin, sur le salon du Bourget, Bruno Fichefeux, à l'époque directeur du programme pour Airbus, déclarait à BFM Business, que les industriels devront "voir si on trouve un équilibre gagnant-gagnant qui ne met pas en péril celui atteint jusqu’ici". Dans un entretien à La Tribune publié le 10 novembre, son successeur, Jean-Brice Dumont, estimait que la Belgique devait "déclarer ses intentions, qui devront ensuite être discutées avec les trois autres pays".

"Elle devra le faire au plus tard quand le programme entrera dans sa phase de développement. Le SCAF est actuellement dans la phase 1B jusqu'en 2025, puis la phase 2 jusqu'en 2028/2029", indiquait Jean-Brice Dumont en proposant aussi que la Belgique s'engage "sur un achat d'avions et de drones" évidemment européens.

Sauver l'industrie belge

La ministre belge n'évoque rien de tout cela, mais promet à ses industriels une participation active avec des retombées économiques. Le message a été entendu fort et clair par Stéphane Burton, PDG d’Orizio Group, qui espère qu'une participation au programme pourrait être "le nouveau contrat du siècle".

Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation - 20/06
Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation - 20/06
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C'est déjà ce qu'espéraient les industriels belges, notamment BeLightning (joint-venture composée d'Asco Industries, Sabca et Sonaca) avec le F-35. Leur participation à la production de l’appareil américain n’a rapporté que 700 millions d’euros au lieu des 3,69 milliards d’euros promis par l’ancien ministre de l’Economie Kris Peeters, soit moins de 20% du montant espéré. En 2020, Thibauld Jongen, PDG de SABCA, rappelait cette erreur dans le titre économique belge, L’Echo.

"L’industrie belge doit être à bord de quelques programmes aéronautiques militaires, pour éviter de refaire l’erreur commise il y a une vingtaine d’années avec le F-35", prévenait-il en proposant une entrée dans le programme Tempest (Royaume-Uni, Italie, Japon) ou dans le Scaf.

En attendant, ce sera aux trois pays partenaires du Scaf de décider. Feront-ils pression sur Dassault et Airbus pour alléger la facture dont le montant pourrait approcher les 100 milliards d’euros dans une période où les budgets militaires sont sous pression depuis la guerre en Ukraine et les craintes d’un conflit majeur?

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco