BFM Business
Aéronautique

Scaf: Dassault "accueille favorablement" la Belgique mais la tacle sur ses préférences américaines

Depuis lundi, la Belgique a intégré le programme Scaf en tant qu'observateur. Le PDG de Dassault Aviation, qui avait fait part de son opposition plus tôt ce mois-ci, dit l'accueillir favorablement, en espérant infléchir la politique d'achat d'avions de combat de Bruxelles.

Le fameux, et complexe, programme de défense européen Scaf fait partie des vedettes du Salon du Bourget qui a ouvert ses portes lundi après quatre ans d'absence à cause du Covid.

Ce système de combat aérien du futur élaboré par la France, l'Allemagne et l'Espagne, et qui coûtera plusieurs dizaines de milliards d'euros, a d'ailleurs accueilli un nouveau membre lundi: la Belgique. Mais du côté du constructeur aéronautique Dassault Aviation, l'accueil semble plutôt mitigé.

"J'accueille favorablement le fait que la Belgique rentre comme observateur […] C'est une décision politique, on la respecte, mais le statut d'observateur me va bien", a dit Eric Trappier au micro de BFM Business.

Le PDG s'est plié à la volonté politique mais ses propos soulignaient une certaine amertume vis-à-vis du pays voisin: "Ça peut donner l'idée qu'un jour la Belgique achètera un avion non-américain".

Pour Eric Trappier, la Belgique a le tort d'acheter américain

C'est que les Belges, en effet, ont jusque-là privilégié les Etats-Unis pour leurs avions militaires. En 2018, Bruxelles, ainsi que d'autres pays européens, a choisi le chasseur outre-atlantique F-35 fabriqué par Lockheed Martin au détriment d'un jet européen tel que le Rafale (produit par Dassault) ou l'Eurofighter.

Au début du mois, lors d'une audition au Sénat, Eric Trappier avait déjà ouvertement fait part de son opposition à l'entrée de la Belgique dans le programme. "J'entends dire qu'on pourrait donner du travail aux sociétés belges tout de suite. Non. Si on me l'impose, je me battrai. Mais je ne vois pas pourquoi je donnerais du travail aux Belges aujourd'hui", a déclaré Éric Trappier.

Mais Emmanuel Macron l'a annoncé lundi, la Belgique intègre l'ambitieux et coûteux programme en tant qu'observateur.

"Plus on est de partenaires, plus c'est difficile"

Pour Eric Trappier, l'incorporation de nouveaux pays pose aussi la question épineuse de la répartition des tâches au sein d'un programme qui a déjà connu de nombreux retards. Le projet avait d'ailleurs piétiné pendant plus d'un an à cause de différents entre Dassault et Airbus.

"Plus on est de partenaires, plus c'est difficile"' explique-t-il.

Difficile mais aussi inefficace, selon le PDG de Dassault Aviation, qui critique la stratégie européenne. "Malheureusement, l'Europe veut continuer à faire le 'juste retour', c'est-à-dire qu'en fonction de ce que chaque pays donne en terme de budget, elle veut un retour sur son territoire", critique-t-il. "Ce n'est pas ainsi que les meilleurs avions sont produits", ajoute Éric Trappier. 

"Les Etats-Unis ne font pas comme ça, les Russes ne font pas comme ça […] On préfère un leader, un maître-d'oeuvre et derrière répartir la charge avec ce qu'on appelle les best athletes, c'est-à-dire ceux qui ont les compétences", a-t-il dit. 

Alors, le Scaf verra-t-il le jour à l'horizon 2040 ainsi qu'initialement prévu ou de nouvelles dissensions risquent-elles de retarder le programme?

Le Scaf, c'est quoi exactement?
Le SCAF (système de combat aérien du futur) n'est pas un simple avion, mais un système global. Il s'articule autour d'un avion (le NGF, New generation fighter) équipé d'un ensemble d’armements de nouvelle génération et d'un essaim de drones. Ce dispositif est connecté, via un "cloud de combat", avec les autres moyens militaires (terre, air et mer) engagés dans une opération. Ce système aérien sera au coeur du combat collaboratif.

Olivia Bugault