BFM Alsace
Alsace

Procès de l'attentat de Strasbourg: le cheminement de l'accusé vers l'arme du crime

La salle d'audience du procès de l'attentat de Strasbourg se tient à la Cour d'assises spéciale de Paris.

La salle d'audience du procès de l'attentat de Strasbourg se tient à la Cour d'assises spéciale de Paris. - IAN LANGSDON

Frédéric et Stéphane B., deux frères de 37 et 39 ans sont poursuivis pour "association de malfaiteurs en vue de préparer un crime". Aucune charge terroriste n'est retenue contre eux, mais ils sont accusés d'avoir aidé dans la recherche de l'arme.

"Je regrette tous les jours, j'aurais dû l'envoyer bouler. Voilà où on en est pour une arme!": au procès de l'attentat de Strasbourg, la cour d'assises s'est penchée mardi et mercredi sur le rôle de deux intermédiaires, accusés d'avoir aidé le tueur à se procurer un pistolet.

Frédéric et Stéphane B., deux frères de 37 et 39 ans issus de la communauté des gens du voyage sédentarisés, sont poursuivis pour "association de malfaiteurs en vue de préparer un crime", une infraction non terroriste. Ils ne connaissaient pas le jihadiste Chérif Chekatt, et leur rôle est circonscrit à la semaine ayant précédé l'attentat du 11 décembre 2018.

Une visite du principal accusé, avec le terroriste

Le 5 décembre, Frédéric B. reçoit la visite "à l'improviste" d'Audrey Mondjehi, le principal accusé dans ce procès - qui, lui, est poursuivi pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste".

Mondjehi est une vague connaissance depuis plusieurs années des frères B., des ferrailleurs qui habitent chacun un étage d'une maison de Sélestat, à environ 50 km au sud de Strasbourg.

Ce 5 décembre 2018, donc, Mondjehi se présente chez eux en compagnie d'un individu qu'il présente comme un "copain". Celui-ci, qui reste silencieux, s'avère être Chérif Chekatt. Mondjehi indique être à la recherche d'une arme - aux enquêteurs, il expliquera que c'était pour "rendre service" à Chekatt, dont il pensait qu'il voulait commettre un braquage.

Sollicité en premier, Stéphane B. refuse de leur ouvrir sa porte. Une discussion a donc lieu dans la cour de la maison entre Mondjehi et Frédéric B., le frère de Stéphane, en présence de plusieurs autres personnes. Frédéric n'a pas d'arme à vendre, mais pense à quelqu'un qui pourrait en avoir une: Albert B., alias "le vieux" (78 ans à l'époque), un ami de son père résidant près de Colmar, qui collectionne les objets militaires.

"J'aurais du l'envoyer bouler"

Sur l'"insistance" de Mondjehi, Frédéric B. contacte sur le champ Albert, qui l'autorise à communiquer son numéro à Mondjehi pour en reparler ultérieurement.

"J'aurais dû l'envoyer bouler (...) Je suis un con, en fait. Je l'ai fait inconsciemment, sans réfléchir, comme quand on jette une cigarette par terre", soupire Frédéric B. à la barre.

La transaction aura lieu effectivement six jours plus tard, le 11 décembre, soit quelques heures avant l'attentat: pour 400 euros, Mondjehi et Chekatt achèteront à Albert un vieux pistolet "rouillé", avec lequel le jihadiste tuera cinq personnes et en blessera 11 autres le soir-même, dans les rues du marché de Noël.

"Le vieux" aurait dû comparaître sur le banc des accusés, mais son cas a été disjoint en raison de son état de santé qui ne lui permettait pas d'être présent aux débats. Il pourrait donc être jugé seul, ultérieurement.

Stéphane B., de son côté, insiste sur le fait qu'il n'était pas présent lors de la discussion dans la cour - et aucun élément dans la procédure ne permet d'en douter. Mais c'est chez lui, dans sa cuisine, que tous les protagonistes se réuniront le 12, lendemain de l'attentat, pour s'accorder sur une version à livrer aux policiers en cas d'interpellation.

Une réunion "conspirative"

Cette réunion, qualifiée de "conspirative" par les enquêteurs, "c'est même pas moi qui l'ai organisée. Même par rapport à ça, j'ai rien à voir", se défend le trentenaire.

La semaine dernière, la cour avait examiné le rôle d'un quatrième accusé, Christian H., 34 ans, qui comparaît pour avoir fourni des armes au jihadiste, deux mois auparavant, mais pas celle ayant servi à l'attentat.

Cet homme a raconté à la cour comment Mondjehi et lui avaient vendu le 19 septembre 2018 à Chekatt une kalachnikov factice - donc inutilisable -, pour 1.200 ou 1.500 euros. Autrement dit, ils avaient tenté de l'escroquer, mais bizarrement, Chekatt ne semblait pas leur en avoir tenu rigueur.

Dix jours plus tard, Christian H. avait vendu à Mondjehi une 22 long rifle à canon scié - qui n'a pas été utilisée le soir de l'attentat, et qui n'a jamais été retrouvée.

Christian H., Frédéric B. et Stéphane B. comparaissent libres, après avoir passé respectivement deux ans, près de 18 mois et 14 mois en détention provisoire. Ils encourent 10 ans de prison.

M.Re avec AFP